jeudi 27 septembre 2012

Carignan : less is beautiful



On ne peut avoir été traité plus durement que le Carignan Noir, accusé d'avoir contribué à faire des vins de m... durant des décennies. On peut dire qu'il a mangé son pain noir. Maintenant qu'il connaît un regain de popularité grâce à des vignerons consciencieux, ce ne doit être que du bonheur pour ce mal aimé qui peut enfin montrer de quoi il est capable. Voici la petite histoire de ce grand cépage

Origine




Comme son nom l'indique, il est né près de la ville de Cariñena, dans la Province de Saragosse (Aragon). Mais c'est le nom qui lui donnent les estrangers. Là bas, on l'appelle Mazuelo (nom qu'on lui donne aussi en Rioja). En Espagne, il s'est fait piquer la vedette par le Grenache Noir ( lui aussi aragonais ) y compris même dans la DOC Cariñena. Y en a qui ne respectent rien...

Il s'est énormément planté en France suite à deux épisodes dramatiques. Au début du XXème siècle après la destruction du vignoble par le Phylloxera, et dans les années 60 après le gel de 1956. Dans les deux cas, il fallait trouver un cépage qui se développe rapidement et puisse pouvoir répondre à la forte demande. Et pour cela, le Carignan est un champion : dans des sols de plaine, il pouvait vous faire du 200 hl/ha sans souci. Après, est-ce que c'était bon ? Ce n'était pas vraiment la problématique du moment... Résultat : en 1968, il était de loin le cépage le plus cultivé en France avec 211 254  hectares. Depuis, ce chiffre a diminué de plus de la moitié,  mais le Carignan n'a été détrôné par le Merlot qu'au début des années 2000.

Caractéristiques

Au niveau cultural, le Carignan offre bien des avantages : il débourre tard (peu de risque de gel au printemps), il a un port érigé (=ses pousses se tiennent bien à la verticale), ce qui facilité la taille en gobelet (=taille courte). Il supporte bien le vent, la sécheresse, et les sols peu fertiles. Tout ce que l'on attend d'un grand cépage dans des conditions difficiles. Et en plus, il a l'air de s'y plaire : dans les zones viticoles les plus extrêmes d'Espagne ou du Languedoc-Roussillon, l'on "redécouvre" aujourd'hui des pieds de Carignan qui ont plus de 100 ans et qui n'ont pas l'air de vouloir partir à la retraite. 

Par contre, il est clair qu'il faut les chouchouter, ne pas leur demander de produire plus qu'ils ne le peuvent, mais le résultat en vaut vraiment la peine ! 


Carignan de 120 ans du domaine Lédogar

Voici quelques domaines possédant des pieds centenaires : Mas de mon père, Lédogar, Clos du Gravillas, le Val Auclair, mais on en trouve aussi en Roussillon (par ex Ferrer Ribière) ou dans le Priorat. 

Quand le Carignan est  exploité à 200 hl/ha, il donne des raisins aux jus fades et aux peaux âpres. Les viticulteurs languedociens avaient trouvé donc trouvé une solution pour le rendre plus attrayant et moins rustique : la macération carbonique (= proche des vinications beaujolaises). Par contre, lorsqu'ils poussent sur un terroir pauvre, avec des petits rendements (environ 20 hl/ha), les raisins sont de très belles qualités. Ils peuvent alors subir des vinifications classiques, en faisant tout de même attention à ne pas trop extraire (pigeage plus conseillé que remontage).





Selon les méthodes employées par le vigneron, on obtient deux styles de vins assez différents :


Le vin qui se boit tout seul (et tout de suite): la Mariole, le K, le Carignan de Cauquenes (issu de vignes non greffées),  les Barras rouge, le temps fait tout...


Le vin noble et puissant, apte à la garde : Lo Vièhl, C comme ça, la mauvaise réputation, Corbières 2010 de la Sorga (sans soufre ajouté, avec des vignes centenaires). 





Et puis, pour les bouches à sucre, il y a une version douce du Carignan Noir : l'Abus d'ange heureux du domaine Les Sabots d'Hélène. Après une macération pelliculaire, le moût est muté à l'alcool, puis mis en bonbonnes de verre pour un élevage de 6 mois à l'extérieur. Idéal pour la fin de repas, avec un dessert au chocolat ou un bon cigare (ou les deux).


Existe en plusieurs teintes

Nous vous avions parlé ICI des mutations du Pinot Noir. Eh bien le Carignan mute lui aussi. En 1892, un certain Aloïs Combettes a décrit un Carignan Gris. Et un Carignan Blanc en 1900. 



Ce dernier s'était plutôt bien développé dans la première moitié du XXème siècle, mais il a maintenant tendance à disparaître.Les chiffres parlent d'eux-même : alors qu'il était planté sur plus de 2000 hectares en 1958, il était passé à 1000 hectares en 1998, 460 hectares en 2007 ... et 230 ha en 2009. Inquiétant.

Et c'est bien dommage, car les vignerons qui l'ont préservé en font des cuvées absolument remarquables, parmi les plus beaux blancs du Languedoc. Il faut dire que comme le Carignan Noir, il arrive à maturité tardivement, et garde donc une belle acidité, essentielle pour un bon équilibre. Là aussi, pour avoir des vins de qualité, il faut privilégier des petits rendements. Pour vous donner une idée, Marcel Gisclard, du domaine d'Emile et Rose réussit à produire 3000 bouteilles dans sa parcelle de 1.3 ha, alors que son père en faisait 17 000 !!!




Très belles cuvées à base de Carignan Blanc : celle d'Emile et Rose, donc, mais aussi celle du domaine Lédogar. Pour les amateurs de douceurs, Emile et Rose ont vinifié un Carignan Blanc moelleux aux notes de miel et d'abricot.


Et pour finir, encore plus rare :



Le Carignon Blanc de Grenoble

2 commentaires:

  1. Pardon d'abuser de la situation, mais je ne peux m'empêcher d'indiquer la rubrique dominicale et hebdomadaire que je tiens depuis plus de deux ans sous le titre Carignan Story qui en sera dimanche prochain à son 137 eme numéro ! http://www.les5duvin.com/categorie-11332011.html

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  2. Non Michel, ce n'est pas abuser, vu que tu es le grand défenseur de ce beau cépage. J'aurais même du déjà faire un lien sur tes Carignan Stories.

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