mercredi 25 mai 2016

François Pinon : modeste et génial !


J'ai découvert les vins de François Pinon sur le beau millésime 2002. À l'époque, il produisait de très bon vin pétillants et des moelleux de premier ordre. Ses blancs secs étaient bons, mais pas au niveau des meilleurs du secteur. 

Et puis, j'ai eu l'occasion de regoûter ses vins lors de salons bio, et je me suis rendu compte que la qualité avait sacrément progressé. Aussi, lorsque nous nous somme mis à chercher un producteur en Vouvray, nous n'avons pas hésité trop longtemps. D'autant que ce choix nous a été confirmé par Dominique Hutin qui a fait récemment un "banc d'essai" de l'appellation : le Silex noir a eu droit au coup de cœur du journaliste. 


Afin de faire un choix définitif, je suis passé début mai au domaine au moment des portes ouvertes de Huet. Avec des amis, nous avons dégusté à peu près toutes les cuvées disponibles. Si 2014 présente un profil assez classique, 2015 a permis de produire des vins de ouf , avec des maturité assez poussées contrebalancées par des acidités dignes des meilleurs Riesling de Moselle. Je me suis dit "c'est ça qu'il nous faut pour démarrer". J'ai aussi pris pas mal de bulles car elle sont d'un excellent niveau pour un prix plutôt raisonnable. Et surtout, pour deux d'entre elles – le rosé et le demi-sec – cela ne ressemble à rien de connu.



Le domaine de 15 ha appartient à la famille de François Pinon depuis 1786 et n'a jamais changé de taille. Avant de faire du vin, l'homme était psychologue pour enfant. En effet, lorsqu'il avait une vingtaine d'années,  il ne se sentait pas prêt à travailler avec son père. C'est seulement lorsque ce dernier a pris sa retraite qu'il a pris la succession. Il avait alors 35 ans, avec l'envie de s'investir pleinement dans quelque chose de nouveau. La passation a durée une année. Ensuite, François a mené seul le navire, même si son père lui apportait volontiers ses conseils. Aujourd'hui, la transition se fait en douceur avec son fils Julien. Avant de suivre les traces paternelles, il a travaillé quelques années comme urbaniste.


Le domaine à commencer à se convertir à l'Agriculture Biologique en 2003, même si l'approche était déjà naturelle auparavant. Les sols font l'objet de labours superficiels. Cela oblige à repasser régulièrement, mais évite de trop perturber les organismes qui y vivent. Depuis quelque années, les cuvée tiennent compte des deux terroirs distincts : sur les pentes , du silex noir, et  pour le reste, argile. Dans les deux cas, l'on retrouve en sous-sol du calcaire crayeux du Turonien. 


En cave, la philosophe est d'intervenir le moins possible. Pour cela, la première chose est de récolter les raisins à maturité optimale (plus facile à dire qu'à faire). Puis, pendant la vinification et l'élevage, veiller à ne jamais oxyder les jus et les vins (inertage au CO2, par ex). Seules les levures indigènes sont utilisées, même si les fermentations prennent plus de temps.


François Pinon apprécie la souplesse de l'appellation Vouvray qui permet d'adapter sa production à chaque millésime. Certaines années, il fera plus de bulles, d'autres fois, des sec, mais le plus souvent il s'oriente vers des demi-secs. En effet, le vignoble est sur l'un des secteurs les plus frais de l'AOP. Conjugué aux sols calcaires, cela donne des vins à l'acidité très marquée (on peut descendre en dessous de pH 3). Un peu de sucre, même s'il n'est pas gustativement perceptible, permet d'avoir des finales plus harmonieuses. C'est donc à la dégustation que cela se décide. Lorsque j'ai découvert son Silex noir 2015, je lui ai dit que j'adorais ça, car ça me faisait penser à un Riesling mosellan. Il m'a fait alors un grand sourire, car ils font partie de ses vins préférés.


Les bulles

Vouvray Brut 2012 : beaucoup de finesse et de fraîcheur, avec des bulles délicates titillant le palais. Belle amertume finale.

Vouvray Brut non dosé 2011 : grande pureté, tension implacable, bulles très fines. Un vin racé !

Pétillant naturel rosé : nez de rose et de framboise. Bouche aérienne, à la fois intense et délicate, tendue comme un arc de compét', avec des bulles d'une grande finesse. Très grande réussite : un must to drink.

Vouvray pétillant demi-sec 2011: nez sur la pâte de coing, les épices. Bouche ronde, dense, et mûre, avec des bulles caressantes et une acidité "mosellane". Finale tonique et gourmande très marquée par le coing confit, sans impression de sucrosité "malgré" les 33 g/l. Un effervescent unique en son genre !



Les demi-secs 

Vouvray Silex noir 2015 :  nez fumé, légèrement terpénique. Bouche ample, aérienne, très pure, avec une acidité tranchante/cristalline très "Riesling de Moselle". Finale d'une grande intensité, sans perception des sucres résiduels. Un équilibre magistral rarement bu en France !

Vouvray Les Déronnières 2015 : nez sur les fruits blancs confits. Bouche qui réussit à être dense et riche, tout en étant tendue par une acidité tranchante. Finale limite monstrueuse. Contrairement à Silex noir, ce vin demande à être attendu quelques années pour délivrer tout son potentiel. Il devrait être alors juste sublime.

Le moelleux 

Vouvray moelleux 2015 : nez foisonnant sur la poire au sirop, le coing confit, l'écorce d'agrume. Bouche ample, mûre, grasse, équilibrée par une acidité monstrueuse. Finale magnifique, sans lourdeur. De la bombe !



Comme vous avez pu le constater, j'ai adoré ses vins. Et je peux vous dire que les secs et demi-secs des autres domaines ont un peu souffert de la comparaison (bon, il y a un effet séquence : j'ai bu les siens en premier). Par contre, reconnaissons-le : Huet produit de superbes moelleux et liquoreux en 2015.






2 commentaires:

  1. Bonjour, entre les caractéristiques physico-chimiques je n'ai pas vu la quantité de sulfites ajoutés. Est-ce que vous savez si le vigneron est "parcimonieux" de ce côté?
    Merci,
    Corrado

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    1. Etant donné qu'il travaille essentiellement sur des demi-secs, le taux de sulfite total est relativement élevé afin d'éviter une reprise de fermentation. On est entre 50 et 100 mg/l selon les cuvées.

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