vendredi 28 décembre 2018

2019 sera spiritueux ou ne sera pas


Malraux n'a apparemment pas prononcé mot pour mot la phrase qui m'a inspiré le titre du jour. Mais ce n'est pas bien grave. C'était  juste pour signaler que nous vendons depuis peu quelques "spiritueux" susceptibles de vous intéresser : un rhum, un cognac et un whisky produits en Charente. Leur particularité : ils sont tous bio, et garantis sans les additifs habituels : sucres, colorants (caramel), décolorants, arômes alimentaires, agents texturants, antioxydants et autres fixateurs de couleur. 

Ce n'était pas un exercice évident de déguster ces trois alcools à la suite. Comme je le fais lorsque je bois des whiskies, j'ai ajouté une goutte d'eau dans mon verre pour atténuer l'alcool sans diluer pour autant les arômes. Au contraire, on les perçoit mieux car on n'est plus distrait par le "feu" du spiritueux. 



Rhum Gino (44.00 €)

Issu de sucre intégral bio du Pérou

La robe est or clair, brillante. 

Le nez est très expressif, sur la cassonnade, la banane flambée, l'ananas rôti et les épices. 

La bouche est ronde, généreuse, avec une matière dense et moelleuse, d'une belle pureté aromatique. 

La finale est chaleureuse, intense, sur des notes exotiques et épicées, avec une persistance sur le muscovado. 


Whisky Silène (48.50 €)

Issu d'orge malté bio des Charentes 

La robe est dorée, aux reflets cuivrés. 

Le nez est subtil, sur le grain malté, l'abricot sec, le pain grillé et les épices.

La bouche est  élancée, avec une matière à la fois fine et généreuse. 

La finale est expressive, avec un retour sur le pain grillé et les notes maltées



90 % Ugni blanc et 10 % Colombard  (bio)
Vieillissement 10 ans en fûts de chêne

La robe est d'un or intense. 

Le nez est expressif, complexe, sur le tabac blond, le caramel au beurre, les fruis secs grillés, les épices. 

La bouche est ample, douce, harmonieuse,avec une matière séveuse, presque onctueuse. 

La finale est riche, intense, sur des notes de toffee, de raisins secs et d'épices. 

jeudi 27 décembre 2018

Guilhouret : il a t(h)out bon !


Cela fait du bien de revenir de temps en temps à des "bons vieux classiques" comme ce Clos Guilhouret dont j'ai parlé la première fois il y a 6 ans. Le titre était alors "Une merveille à la portée de t(h)ous". J'aurais quasiment pu garder le même titre, car le domaine a su rester très raisonnable dans ses augmentations : il est passé en 6 ans de 10 € à 12.50 €, alors que dans le même temps, d'autres domaines avec qui nous travaillons ont plus que doublé leur prix. Ne nous en plaignons pas : cela laisse aux vrais amateurs de vins – et non d'étiquettes – un refuge vers lequel il est bon de se tourner. 

La robe est d'un bel or, pouvant faire penser à un liquoreux, si ce n'est qu'il n'y a pas  de larmes qui s'accrochent aux parois du verre. 

Le nez est expressif, gourmand,  dominé par les fruits exotiques : mangue, fruit de la passion, une touche d'ananas frais et une petite pincée de safran. 

La bouche est vive, élancée, tendue par une fine acidité – à peine perceptible  – enrobée par une matière ronde, croquante, déployant une aromatique bien mûre tout en restant dans un registre frais et digeste. Un léger filet de gaz carbonique accentue encore la fraîcheur. 

La finale Triple A est d'une grande intensité, alliant une Acidité énergique et traçante au couple Amertume/Astringence évoquant l'écorce de pomelo, avec un retour du fruit de la passion, une tranchette de mangue et un petit dé de gingembre confit. 

Cette structure vive et cette aromatique exotique permettent de se tourner vers le foie gras, les plats "thaïs" ou chinois, mais aussi les pâtes persillées. Et s'il vous en reste un peu, je ne pense pas qu'il se battra avec un dessert aux fruits exotiques. Son absence de sucre ne devrait pas être plus dérangeante que cela.


vendredi 21 décembre 2018

Pinot Ballorin : je vois triple !!!


Il est important pour un caviste de se poser les questions qui viendraient à la tête d'un client. Par exemple, lorsqu'il voit apparaître sur notre site trois Pinot noir "génériques", lequel est-il censé choisir, d'autant que les infos sur chaque cuvée sont très limitées (euphémisme). Donc, voilà, le plus simple, c'est d'ouvrir une bouteille de chaque cuvée et des les comparer. Ne me remerciez pas : on me paie pour le faire ;-)

Toutes les vinifications et l'élevage sont assurés par Gilles Ballorin : pas d'intrant ni de sulfites durant tout le process, si ce n'est une faible dose de SO2 avant la mise en bouteille, histoire d'apporter un minimum de protection.  La première et la troisième cuvées proviennent d'achats de raisins bio. La seconde des vignes de Gilles Ballorin (label Demeter).


Pinot noir 2017 (18.95 €)


La robe est grenat translucide aux reflets pourpres.

Le nez est fin, mûr, aérien, sur la cerise noire et la framboise, avec une pincée de poivre blanc et une petite touche de terre humide pinot style.

La bouche est ronde, ample, avec une matière douce et veloutée, fraîche, qui vous tapisse le palais. L'ensemble est harmonieux, avec un fruit naturel – dans le bon sens du terme – mis en avant.

La finale prolonge tout cela sans à-coup, si ce n'est une légère densification des tanins et une fine acidité qui ressort, amenant du peps et de la tension. La persistance se fait sur la cerise, la terre et les épices.



La robe est pourpre translucide.

Le nez est un peu moins causant, sur des notes de Burlat, de noyau et de cacao (et toujours une touche de terre).

La bouche est élancée, étirée par une acidité tellement bien intégrée qu'elle est quasi imperceptible, avec une matière pulpeuse, charnue, terrienne. Le style est moins poli, un peu plus accrocheur, mais ça lui apporte un côté canaille très sympathique.

Cela se renforce encore en finale avec une mâche délicieusement rustique, pétante de fruit (cerise !) avec une belle évocation de la craie du sol-sol et de la terre qui repose dessus.



La robe est grenat sombre translucide aux reflets violacés.

Le nez est plus vif, plus fin, plus profond, aussi, sur la cerise et les fruits noirs, une pincée d'épices grillées. Mais aussi un peu de floral (pivoine) et de minéral (craie humide).

La bouche gagne en tension et en énergie, avec une matière plus fine, soyeuse, mais aussi plus impactante : ça envoie du pâté jambon persillé, tout en gagnant en élégance. L'ensemble est très frais, dégageant une impression de pureté (le franc de pied ?).

La finale est tonique, finement mâchue, avec un fruit très expressif, vivant, et un minéral généreux, vibrant, se prolongeant longuement sur le salin et le crayeux.

PS : au bout de quelques heures d'aération , il y a une légère montée de volatile dans les 3 cuvées qui ravira certains, déplaira à d'autres. C'est ça, les vivants !

mercredi 19 décembre 2018

Georgia on my mind, le retour


Nous venons de recevoir de nouveaux vins géorgiens. Comme nous sommes tout de même en pleine terra incognita, il nous paraît nécessaire de les déguster afin d'informer au mieux nos clients. Nous en ferons probablement une seconde série en début d'année prochaine car la palette est des plus larges.  

Sur cette première série de six, on peut dire que les trois premiers sont proches de l'image que l'on peut avoir des vins "oranges" géorgiens. Par contre, les trois suivants détonnent par leur style plus léger et frais, plus gourmand, permettant de s'initier en douceur  aux vins de ce pays. 



Assemblage des cépages Kisi et Kikhvi -

Vinifié en macération en qvevri 

La robe est cuivrée, légèrement trouble. 

Le nez est très expressif, sur l'abricot et la pêche séchés, l'orange confite et les épices orientales. 

La bouche est  ample et élancée,  fraîche, avec une matière moelleuse, dense, d'une grande intensité aromatique. Ça envoie du lourd tout en restant zen et harmonieux. 

La finale est puissante, corsée, alliant une amertume marquée (écorce d'orange)  et une astringence appuyée (kaki avant sa parfaite maturité, si vous voyez... ), avec une persistance sur les épices.





Vinifié en macération en qvevri 

La robe est d'un or intense,pouvait faire songer à un liquoreux.  

Le nez est assez discret tout en en étant corsé, sur l'écorce d'orange séchée, le miel de châtaignier et les épices. 

La bouche est à la fois ample et tendue, avec une matière dense, veloutée, soulignée par une noble amertume (bigarade, quinquina). 

Cette dernière se poursuit en finale, renforcée par une mâche crayeuse, avec toujours cette aromatique écorce d'orange/miel – sans qu'il y ait le moindre sucre résiduel : c'est sec de chez sec !)




Assemblage des cépages Tsitska et Tsolikouri  

Vinifié en macération en qvevri 

La robe est d'un or intense tirant vers le cuivré. 

Le nez intense, frais, sur la pomme séchée, le miel de forêt et le terpène d'orange. 

La bouche est vive, tendue, avec une  fine acidité qui  l'étire et la tonifie. La matière est souple pour un vin de macération, dans un style juteux. 

La finale est tonique, avec un mix acidité/amertume/astringence, dominée par la pomme au four, faisant penser à un (bon) cidre brut fermier. 



Cépage Krakhuna 

Vinifié en macération de quelques jours en qvevri 

La robe est jaune pâle, très légèrement trouble. 

Le nez est dominé par les notes fermentaires (petit lait, yaourt) avec une petite touche citronnée/saline. Avec l'aération, elles disparaissent et gagnent en gourmandise. 

La bouche est ronde, fraîche, croquante,  avec une matière friande et désaltérante. On en boirait plus que de raison. 

La finale nette poursuit dans la fraîcheur avec un renforcement du minéral (salin prononcé) tout en gardant la petite touche citronnée. 




Cépage Aladasturi

Vinifié en macération courte en qvevri 

La robe est  rouge vermillon translucide. Le nez est  très réduit, donnant des notes fumées/animales très "nature". Avec une bonne aération, il est totalement transformé, sur la griotte et des notes florales/épicées.

La bouche est  éclatante, pleine de fraîcheur, avec une acidité ciselée et une matière délicate, aérienne, au fruit pur et intense. 

La finale est nette, très fraîche, avec une légère mâche , sur la griotte et les épices, et une persistance sur la "terre humide". 





Complantation de 417 cépages géorgiens 

Vinifiés ensemble  en macération (courte)  en qvevri 

La robe, trouble, est entre le rose  saumon et l'ambré. 

Le nez est très discret, sur des notes fermentaires, un peu d'orange, de fleurs séchées et d'épices.  

La bouche est  ronde, très ample, avec une matière souple, finement charnue, plus épicée que fruitée, et une amertume (bigarade) qui apporte du peps. L'ensemble est très frais et d'une remarquable digestibilité. 

La finale possède une légère mâche peu habituelle en Géorgie, étirée par une fine acidité (griotte) et soulignée par une subtile amertume (houblon) qui apporte de la niaque. 

mardi 18 décembre 2018

Permien : nouveau look ... et encore meilleur ?

 

Oui, je sais. Je devrais vous parler en cette mi-décembre de vins qui valent la peau du c.. et qui feront l'émerveillement de vos invités sur la table de Noël.  Mais bon, lorsque j'ai vu ce nouveau millésime de Permien, je n'ai pas pu me retenir de l'ouvrir. Comme vous pouvez le voir, l'étiquette a sacrément changé. On passe du minéral au végétal tout en gardant les même couleurs : celles des sols ... du permien qui vous donnent l'impression de marcher sur Mars lorsque vous êtes au bord du lac de Salagou. 

Ma curiosité a été récompensée : dire que c'est méga-bon est un euphémisme. Et bonne nouvelle, il est toujours aussi peu cher (7.50 €) ! Meilleur R Q/P de l'univers ? 

La robe est pourpre sombre, à peine translucide. 

Le nez est très séducteur, proche d'un parfum, sur la violette, la crème de fruits noirs, l'encens, le poivre fumé de Penja... 

La bouche est élancée tout en en manquant pas d'ampleur, avec une matière finement veloutée qui vous envahit le palais. La tension est palpable sans qu'il y ait besoin de faire appel à l'acidité. Par contre, la fraîcheur est omniprésente, faisant passer les 14 % d'alcool comme une lettre à la poste. Mais le plus marquant est l'intensité aromatique : un fruit superbe, et toujours la violette et l'encens. 

Les tanins se montrent plus en finale, mais ils sont bien mûrs et fondus. La fraîcheur s'intensifie encore, avec un fruit noir éclatant, du poivre, du menthol, et toujours cet encens (benjoin, pour être précis), signature de cette cuvée depuis de longues années.



vendredi 14 décembre 2018

4 pieds sur terre !


Nous venons de recevoir une palette de Valentin Morel, un garçon qui a les Pieds sur terre. Comme nous sommes des gens consciencieux, nous avons ouvert les 4 bouteilles juste après les avoir photographiées pour le site, histoire de vous raconter à quoi elles ressemblent. Le point commun entre ces différentes cuvées : aucun sulfite ajouté. Cela se sent sur certaines, pas du tout sur d'autres. J'imagine que cela dépend de la matière de départ, plus ou moins sensible à l'oxygène. 


Crémant du Jura Brut (17.90 €)

100 % Chardonnay  - Sans dosage

La robe est jaune pâle avec des fines bulles formant un large cordon central. 

Le nez est vif, entre "pomme à cidre", écorce d'orange et épices. 

La bouche est  tendue, à l'acidité tranchante, avec une matière ronde, dense, fraîche et des bulles pleines de peps. L'ensemble est vivifiant et désaltérant sans tomber dans l'agressivité (pour peu qu'on ait le palais "brut nature"). 

La finale est Triple A style,  avec l'Acidité qui poursuit son chemin, l'Amertume de l'écorce de citron et du quinquina et une Astringence entre craie et ziste de pomelo. Ça réveille les papilles et l'esprit dans un esprit joyeux communicatif. 

La première gorgée peut surprendre, mais on devient vite addict !




La robe est jaune paille, un peu trouble. 

Le nez fait "nature" à l'ouverture (cidre/fumée/beurre de ferme/coing)

La bouche est ronde, ample, bien fraîche, avec une matière dense et croquante, donnant l'impression de mordre dans une pomme. 

La finale a une mâche puissante, très crayeuse, avec toujours la pomme et le coing comme fil conducteur, et un peu d'agrume : orange, pomelo. 




15 jours de macération, deux ans d'élevage

La robe est dorée tirant vers l'orangé, légèrement trouble. 

Le nez est intense et profond, sur la pomme tapée, le coing, l'écorce d'orange et le miel de châtaignier. 

La bouche est impeccablement tendue sans que l'acidité ne ressorte, tant elle est enrobée par une matière d'une impressionnante densité. Y a du monde dans le verre, mais c'est très harmonieux et cohérent (sans dureté ni agressivité, limite zen). 

La finale est superbe, avec l'orange qui s'amplifie, rejointe par la pomme tapée et le coing. Il y a une mâche gourmande, juste ce qu'il faut d'amertume, le tout prolongé par des épices, le miel et l'impression de boire un cidre de glace. De l'hors norme  des plus abordables !




La robe est jaune paille, brillante. 

Le nez est très chouette sur les fruits blancs séchés (pomme, poire), une touche de fumée et de beurre noisette. 

La bouche est ronde, ample, aérienne, avec une matière douce et harmonieuse, gagnant progressivement en densité et même en mâche. Cela se fait avec tact et délicatesse, l'air de rien. Difficile de ne pas tomber sous le charme. 

La finale dense et savoureuse, avec toujours ces fruits blancs séchés complétés par l'écorce d'orange façon Grand Marnier, ne rompt pas ce charme. Au contraire, il l'amplifie. Cela se prolonge sur des notes de crème brûlée et d'agrume confit. J'adore !

mercredi 12 décembre 2018

Famae blanc : la beauté de l'épure


Alors que le Mac(c)abeu peut donner des vins absolument admirables, il est souvent cantonné aux petites cuvées du Roussillon, laissant la vedette aux  Grenaches gris et blancs (il y a bien sûr quelques exceptions comme le Maccabeu d'Olivier Pithon). Peut-être est-ce le nom, qui sonne un peu comme le défunt macchabée ? Ou son aromatique plutôt austère qui ne déclenche pas  l'enthousiasme ? Il y a peut-être des explications plus pragmatiques  : il est d'une part sensible aux diverses maladies cryptogamiques, ce qui n'incite pas les vignerons à le conserver dans leur parcelles. D'autre part, il est naturellement très productif, donnant alors des vins sans intérêt. Pour faire bon, il faut faire des petits rendements, ce qui ne doit pas faire l'affaire de certains. En tout cas,  à l'instar du  Carignan (qui a longtemps dédaigné avant d'être réhabilité, je pense que le mac(c)abeu mériterait d'avoir son association qui le mette en avant. 

Pour en revenir au vin du jour, ce Famae blanc est un 100 % Macabeu. Non seulement son rapport qualité/prix est excellent (7.90 €) mais il pourrait réconcilier nombre de personnes avec les blancs du sud qu'ils trouvent souvent lourdauds. 

La robe est jaune très pâle, brillante.

Le nez est fin, subtil, sur la pomme fraîche, l'amande et les fleurs blanches.

La bouche est ample, plutôt aérienne, avec une matière limpide aux saveurs minérales, salines, dans un esprit  "jus de caillou". Certes, on pourrait trouver ça austère, mais c'est de la belle austérité, façon jardin zen (plein de cailloux, justement).

La finale poursuit dans le même registre tout en y a ajoutant une fine mâche crayeuse, avec un retour de la pomme et de l'amande, et une belle persistance sur le salin.

Un parfait "vin à tapas" ou d'apéro, avec des olives vertes et des anchois marinés. Mais il pourra aussi accompagner  un "carpaccio"de poisson blanc légèrement citronné, des huîtres pas trop iodées, des fromages de chèvre.... 


mardi 11 décembre 2018

Et moi, et moi... j'adore ça !


Cela faisait 2-3 ans que nous avions le même millésime de Et moi et moi et moi. J'étais curieux de voir si Olivier Pascal allait réussir à conserver ce mélange de puissance séveuse et de tension (spoiler : oui). Il faut dire que l'assemblage est assez peu commun sur les schistes de Saint-Chinian (côté Berlou) : 50 % Syrah et 50 % Lledoner Pelut. Ce dernier est une vieille mutation du Grenache – remontant au moins au Moyen-Âge – dont le dessous des feuilles est velu. Il est plutôt moins riche en sucres que le Grenache, et peut donner des vins corsés et réglissés – ce qui est le cas ici. Associé à la Syrah, ça ne peut que faire des étincelles !

La robe est grenat sombre aux reflets violacés. 

Le nez est intense, profond, sur le fruit noir confit, l'olive noire et le goudron, avec des notes balsamiques et épicées. Captivant, pour tout dire, et assez déroutant pour un dégustateur français : on partirait plus à l'aveugle sur un vin portugais (Douro sur schistes), voire une Syrah australienne. 

La bouche est élancée, fraîche et racée, déployant une matière soyeuse d'une densité impressionnante. Je m'explique : les tanins sont fins, très doux, mais avec un séveux d'une rare concentration, et plus encore une grande intensité aromatique sur le fruit confit et la réglisse.

La finale poursuit dans le même registre tout en gagnant en (douce) tannicité, une réglisse qui gagne encore en puissance, complétée par des notes balsamiques. Le tout se poursuit sur le poivre et une fine touche mentholée. C'est bôôôôôô

PS : par contre, le lendemain, le vin avait perdu en harmonie et m'a nettement moins plu. Donc ouvrez et buvez  tout, quitte à vous faire aider par vos proches ;-)

jeudi 6 décembre 2018

Barth, l'intégrale (ou presque)


Ah, si tous les vignerons pouvaient nous envoyer une caisse de 6 bouteilles afin de (re)découvrir leur production, nous ferions ce genre d'horizontale plus souvent (avis aux producteurs qui nous lisent). Nous n'avons eu ici qu'à "sacrifier" une bouteille de notre stock pour ce long billet du jour. Il s'avère passionnant, car cette dégustation bouscule pas mal de nos convictions sur les vins alsaciens : un pinot blanc et un pinot gris aux fraîcheurs citronnées, des rieslings qui se la jouent chenin avec de superbes amertumes, avec un crescendo d'intensité au fil des terroirs. Et un gewurz magnifique pour conclure. Je veux bien recommencer tous les jours !



La robe est dorée, brillante.

Le nez est très expressif, sur des notes fruitées – abricot, melon – florales – rose, chèvrefeuille, oranger – et épicées.

La bouche est ronde, fraîche, croquante,  avec une matière  mûre et digeste qui vous tapisse la palais. On est dans la générosité sans la lourdeur.

La finale est tonique et savoureuse, dominée par les épices orientales, pétales de rose inclus, avec une légère douceur compensée par de nobles amers (écorce d'orange).


Pinot d'Alsace 2017 (9.90 €)

La robe est jaune pâle, brillante.

Le nez est discret et frais,  sur le zeste de citron/citron vert.

La bouche est ample, aérienne, plus en largeur qu'en longueur, avec une matière fraîche, désaltérante, finement citronnée.

On retrouve le citron en final dans sa version écorce, mais là encore, tout en subtilité, jouant sans forcer sur l'amertume et l'astringence. Une caresse rafraîchissante en bouche.


Riesling 2017 (14.20 €)

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est bien mûr, sur la pêche au sirop, la mangue,  l'écorce d'orange et la verveine.

La bouche est élancée, avec une belle tension qui ne repose pas sur l'acidité. Même si celle-ci est forcément présente, elle est à peine perceptible tant elle est fondue dans une matière mûre, dense, au toucher moelleux. L'équilibre repose plus sur une très belle amertume, elle aussi très bien intégrée.

Celle-si s'amplifie encore plus en finale, soulignée par une légère astringence (écorce de pomelo), et l'impression de mordre dans une mangue bien mûre, à la chair soyeuse.


Riesling Rebgarten 2017 (16.90 €) 

La robe est dorée, brillante.

Le nez pousse encore plus loin dans la maturité, sur la mangue rôtie tout en paraissant plus aérienne, distanciée.

La bouche gagne en tension et en intensité, tout en étant plus élégante et aérienne. Caillouteuse aussi. Là encore, l'acidité est des plus discrètes, laissant les (beaux) amers faire le job.

Ceux-ci dominent totalement la finale dans un style expressionniste, avec une belle palette d'écorce d'agrume et une superbe astringence qui monte crescendo. Superbe !



La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est intense, très marqué par les terpènes d'agrume, et puis un peu de verveine.

La bouche pousse encore plus loin le curseur de la tension et de l'intensité. Celles-ci reposent une nouvelle fois plus sur l'amertume que l'acidité. Elle est ici sublimée, avec une matière dense et mûre comme écrin. Ça envoie sévère, mais dans un style captivant/envoûtant.

La finale est très Triple A, même si le A d'acidité pourrait être ici minuscule. C'est l'Amertume et l'Astringence qui prennent le dessus, avec encore plus d'intensité et de classe que le vin précédent. Superbe +.


Pinot gris 2017 (15.50 €)

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est assez discret, sur un citron confit plein de peps.

La bouche est à la fois ample et tendue, avec une matière douce, aérienne, enveloppante et une acidité plus marquée que sur les cuvées de Riesling. On retrouve aussi une belle amertume. 

On retrouve celle-ci en finale, soulignée par une acidité finement citronnée (mais mûre). Un Pinot gris très atypique (mais qui me plaît plus que d'ordinaire).  



La robe est dorée, brillante.

Le nez est très expressif, sur la rose, les épices orientales et une touche fumée. 

La bouche est élancée, énergique, avec une matière mûre, riche, plus onctueuse que moelleuse, mais sans la moindre lourdeur. 

La finale est magnifique, dans un style baroque, foisonnant, avec l'amertume comme colonne vertébrale, et un sucre très discret malgré l'indéniable richesse. 

Picpoul 2017 : plus punchy que 2016


Cela va faire bientôt un an que nous avons référencé le Picpoul de Pinet de Félines-Jourdan. Nous avons démarré avec le 2016 qui ne correspondait pas forcément à l'idée que l'on peut  avoir du Picpoul : le Muscadet du Sud (même la forme de la bouteille le rappelle), idéal avec les huîtres élevées en Méditerranée, accord local oblige. Ce 2016, même s'il était élancé, avait tout d'un père tranquille et rassurant (ou d'un moine zen ? ).  Sur 2017, on gagne en tonus et en acidité. Un profil plus Muscadet, donc. Tout en étant bien "du sud" :  le profil aromatique est assez éloigné des vins nantais, dans un style plus mûr et patiné. Le tout donne un vin qui ne ressemble à nul autre, et justifie totalement sa présence à Vins étonnants

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est gourmand, sur la gelée de coing, le p'tit beurre (nantais ?), le citron confit et une touche de miel.

La bouche est vive, élancée, tendue par une acidité traçante. Cette dernière est enrobée  par une matière ronde, mûre, harmonieuse, à l'aromatique déjà patinée (miel, mousseron).

La finale est tonique, avec l'acidité qui poursuit son chemin, complétée par une fine mâche et une légère amertume (écorce d'agrume). Le tout se prolonge sur des notes salines, iodées, et une petite pointe beurrée.

Sa vivacité conviendra bien aux fruits de mers et aux fromages de chèvre. Ses arômes "sudistes" devraient être raccord avec des tajines, des crustacés passés au grill, des pâtes dures affinées...  Et tout ça pour 7.90 € ? Limite indécent... 


mercredi 5 décembre 2018

Darons 2017 : ça envoie !


Cela faisait deux mois que j'avais lu sur la page Facebook de Jeff Carrel les impressions de Jeb Dunnuck (qui fut responsable du Languedoc pour Robert Parker durant plusieurs années avant de prendre son indépendance) sur Les Darons 2017. Je vous la recopie là, traduction incluse :


J'avais beaucoup aimé les Darons 2016. 2017 semblait encore meilleur. Restait à voir s'il me plairait autant. Ou plus. J'ai patiemment attendu que nous changions de millésime avant de le déguster. Ma patience a été récompensée. Didiou, quel vin !

La robe est pourpre très sombre, limite opaque. 

Le nez est intense, sur les fruits noirs (mûre, myrtille), la quetsche et des notes fumées (cade), réglissées et poivrées. Cette impression de fumée viennent probablement d'une réduction : un carafage d'une heure devrait être profitable à ce vin. 

La bouche est ronde, de belle ampleur, déployant une matière dense et veloutée, charnue, évoquant la pulpe de cerise noire qui aurait été légèrement fumée et poivrée. Le tout est tendu et rafraîchi par des notes d'écorce d'orange amère allant crescendo. 

L'amertume trouve son acmé en finale : l'orange amère gagne encore en intensité, complétée par le lard fumé, l'âtre de cheminée, le poivre noir.  Cela se prolonge sur la réglisse et des notes balsamiques, séveuses du plus effet. 

Un vin de cette qualité à ce prix-là, ce n'est pas censé exister... À 12-15 €, ce serait un excellent rapport qualité-prix. Que dois-je dire pour un vin qui vaut 7.90 € (6.90 € par 6) ? Ah oui, Jeb Dunnuck a trouvé le bon terme : a killer value



lundi 3 décembre 2018

Deux p'tits nouveaux chez Schmitt !


Sur la palette qui vient de nous arriver du domaine Roland Schmitt, il y a deux nouvelles cuvées dont l'étiquetage dénote avec leurs soeurettes. Leurs noms sont assez mystérieux : Argentoratum et 407. Argentoratum, c'est le nom donné par les Romains au campement qui allait devenir Strasbourg. Cela ne se voit pas très bien sur la photo, mais la cathédrale de la capitale alsacienne occupe tout le fond de l'étiquette. C'est un assemblage peu courant – mais pas inédit * – de Riesling et Pinot gris. Le résultat est détonnant, et superbement équilibré. L'équilibre, on le retrouve aussi dans le Muscat 407. (= 407ème vendange de la famille Schmitt à Bergbieten). On sent à peine les 43 g/l de sucres résiduels. À la dégustation, on partirait sur un demi-sec, alors qu'on est techniquement sur un moelleux /limite liquoreux ** .




Argentoratum 2017 (14.90 €)

80 % Riesling, 20 % Pinot gris

La robe est jaune paille /dorée.

Le nez est très expressif, gourmand, sur l'abricot, la poire, l'ananas et la rose, et puis une pointe de terpène d'agrume (avec l'aération). La bouche allie rondeur, fraîcheur et tension, avec l'impression de croquer dans un grain de raisin. L'aromatique explosive est dominée par le fruit, mais il y a aussi des notes florales (rose séchée) et des épices orientales.

La finale, finement mâchue, monte encore d'un cran dans l'intensité, mêlant l'ananas à l'abricot et au Ras-El-Hanout, avec une grande persistance sur le gingembre, le quinquina et les épices.




30 % Muscat d'Alsace, 70 % Muscat Ottonel

La robe est or pâle, brillante. 

Le nez est exubérant – sans être saoulant –  sur le grain de muscat confit, avec des notes de fruits jaunes rôtis, l'écorce d'orange, la verveine et la rose.  

La bouche est élancée, tendue par une fine acidité, tout en déployant une matière mûre, moelleuse, exprimant intensément le muscat.  

La finale affiche une certaine douceur – voire une douceur certaine –  équilibrée par la fraîcheur et l'amertume de l'agrume confit. On a l'impression de manger un bonbon acidulé à la bergamote et la verveine, avec une belle persistance sur des notes muscatées. Le tout est très gourmand sans jamais tomber dans la lourdeur. 

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* il y a plus de 20 ans, Marc Kreydenweiss avait lancé la cuvée Val d'Eléon, un assemblage mi-Riesling, mi-Pinot gris. 

** un vin est déclaré liquoreux à partir de 45 g/l

vendredi 30 novembre 2018

Le "jugement de Limoges" ou Bordeaux Vs le reste du monde


Lors de la rencontre précédente du club "Vins étonnants", nous avions évoqué de faire une soirée Bordeaux. C'est vrai que, l'air de rien, les amateurs ont tendance à éviter cette région viticole car il y a a tellement d'autres choses à découvrir. Et puis je me suis dit qu'il serait plus intéressant de confronter à l'aveugle chaque vin bordelais à un challenger d'une autre région, qu'elle soit française ou étrangère. Alors, bon, pour chaque paire, j'ai fait avec les vins que j'avais à ma disposition dans l'entrepôt, en essayant d'avoir une confrontation équilibrée. D'une façon générale, les outsiders étaient un brin plus chers que les Bordeaux (à 1-2 € près). Que la confrontation commence !


Nous démarrons avec une paire de vins blancs, très différents l'un de l'autre : à ma gauche, le Sauvignon by Beynat 2017, un Bordeaux blanc 100 % Sauvignon. À ma droite, un Bergerac blanc Ulma 2017 de Tirecul la Gravière, composée de sémillon, muscadelle ... et de Chenin (ça, je ne l'ai pas indiqué, car ça aurait mis la puce à l'oreille de mes dégustateurs). Le Sauvignon sauvignonne comme il se doit, heureusement plus sur le bourgeon de cassis et le pomelo que sur le buis et le pipi de chat. Un vin frais, plutôt énergique, bien équilibré, qui va bien avec les rillettes de carrelet. Le Bergerac a un nez plus original, sur les fleurs blanches, le miel, la poire, une bouche plus ronde, moins tendue, et une finale est plus crayeuse (sols très calcaires). Il est un peu écrasé par les rillettes. Un carpaccio de Saint-Jacques lui conviendrait mieux. 

On me demande s'il y a un piège. Je fais l'erreur de répondre non. Du coup, une majorité répond sans hésiter que c'est le Sauvignon le bordelais. Il faut dire que Ulma ne ressemble pas du tout à un Bordeaux. Fallait bien démarrer facile ;-)

D'une façon générale, Ulma a été préférée par les dégustateurs, même s'ils ont bien aimé le Sauvignon qui réussit à ne pas tomber dans la caricature. 


Pour la deuxième confrontation, j'avais choisi deux vins légers, non boisés, qui ne ressemblaient pas du tout à des Bordeaux.  Ce qui rendait plus difficile de savoir  lequel était bordelais. À ma gauche, donc un Aglagla by Beynat 2017, une macération carbonique de raisins provenant de vignes qui avaient gelé au printemps (avec une peau insuffisamment mûre pour être vinifié classiquement). À ma droite, Pretty Good 2015 de Tillia Estate, un 100 % Cabernet Franc de Croatie. Le Bordeaux a un faux vrai air de Beaujolais avec une bouche ronde, légèrement pulpeuse, au fruit primaire, un peu floral. Le Croate poivronne pour certains (je le trouve plus feuille de cassis, perso), avec une bouche beaucoup plus vive, une matière plus fine, une finale plus tonique, un peu végétale.  Une majorité le place en Loire. Et donc par déduction, place l'Aglagla à Bordeaux  ... tout en ayant du mal à croire que ça en est un ! Evidemment, grosse surprise lorsque j'annonce que son challenger était croate !

À noter que les deux vins étaient beaucoup plus plaisants avec la terrine (faut dire que ce sont des vins de casse-croûte). Cette dernière apportait le peps qui manquait au Beynat. 


On arrive maintenant aux choses sérieuses avec des vins d'un autre niveau : à ma gauche, Hécate 2015 du Ch. Barouillet (Merlot, Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc). À ma droite le Haut-Médoc 2015 du Clos du Jaugueyron (Cabernet Sauvignon, Merlot, Petit Verdot). Le Pécharmant se montre plus complexe au nez comme en bouche : vous en prenez plein les papilles. Le Haut-Médoc est plus sérieux, plus droit. Il ne cherche pas à faire son intéressant, mais on sent qu'il a un très beau potentiel : lorsque le Cabernet Sauvignon va commencer basculer sur le tertiaire, il sera superbe. Avec la tranche de rumsteck, on le sent bien dans son élément. Je ne sais pas si les dégustateurs se sont dits inconsciemment que le plus séduisant était forcément le Bordeaux, mais une bonne partie croit que c'est l'Hécate. Per-du !  Ils vont pouvoir se refaire avec la paire suivante... 


Dernière paire de rouges sur les fromages, avec cette fois-ci, deux vins à majorité Merlot. Le premier, Chloé 2015 de JL Denois (Limoux) est même un monocépage. Son adversaire, un Pavillon de Saint-Jacques 2015 (Lalande de Pomerol) a un assemblage 75% Merlot, 20% Cabernet franc, 5% Cabernet sauvignon. Cette fois-ci, c'est le non-bordelais qui se la joue "sérieux", avec une matière dense, profonde, et une puissante mâche calcaire finale. Alors que le Bordeaux, issu de terroirs argilo-graveleux, a une bouche plus souple, un nez plus séducteur, intégrant avec doigté les notes d'élevage en fûts.  Gros doute dans l'assistance. Car si l'on prend la logique précédente, le premier serait bordelais... Mais tout de même,  le second ressemble sacrément à ce que l'on attend d'un vin de Bordeaux. Après réflexion, une majorité penche pour Lalande. Bravo ! Par contre, pas grand monde imaginait que le challenger venait de Limoux.... 


Nous terminons avec deux liquoreux sur un crumble aux pommes : à ma gauche un Monbazar 2017 de Barouillet, un Monbazillac sans AOC pour cause de degré trop faible (11 %) et de Chenin trop présent (50 % !!!), et sans sulfites ajoutés. À ma gauche un Palais d'Or 2015 de Bouillerot (Côtes de Bordeaux Saint-Macaire) issu de très vieilles vignes de Sémillon. Le premier sent le coing confit et l'écorce d'orange confite. Sa bouche est dense, onctueuse, avec une grande sensation de fraîcheur, et très peu d'alcool ressenti (et pour cause).Un très joli vin. Le second a un nez plus abricoté /vanillé, avec également de l'orange confite. La bouche est plus fine, un peu plus élancée, mais moins fraîche : on ressent plus l'alcool. Bu seul, je pense qu'il aurait été bien apprécié, mais il souffre un peu de la comparaison. 

Vu le nez "cognassié" du premier, il est facile de le repérer comme intrus. Par contre, lorsque j'ai demandé quelle était l'appellation du Bordeaux, ça a patiné pas mal, mais Yves a finit par trouver Saint-Macaire : félicitations !

Contrairement à ce que le titre pouvait laisser entendre, il n'y a bien sûr aucune leçon à tirer de cette confrontation, si ce n'est peut-être que les appellations "hors-Bordeaux" n'ont rien à envier à ce qui fut longtemps un modèle pour la viticulture mondiale. En tout cas, cette première dégustation a beaucoup plu : cela donne envie de recommencer sur d'autres thèmes. Le Malbec, par exemple ?