lundi 8 avril 2019

Pierre Ménard, le retour


Les fermentations et les élevages ont été plus longs que d'ordinaire, ce qui explique pourquoi nous venons de recevoir seulement les 2017. Et ce n'est pas encore fini pour le Quart des Noëls, ce qui explique son absence dans cette dégustation. Sur ce millésime, pas de sucres résiduels, ce qui devrait éviter les complications qu'ont dû rencontrer certains d'entre vous sur le 2016. 

Deux nouveautés dans cette livraison : un rosé, Rosetta  – hommage astronomique et non cinématographique – et un rouge, Orion Alpha, dans un style barralo-ligérien. Dans les deux cas, le style est affirmé : on commence à pouvoir dresser un portrait oenologique plus complet de Pierre Ménard. On ne peut pas dire qu'il caresse l'amateur dans le sens du poil  : tu adhères, ou tu vas voir ailleurs (il a tellement peu à vendre, de toute façon).

Les deux blancs secs ont été mis en bouteilles il y a une quinzaine de jours. Ils s'exprimeront probablement mieux dans quelques mois (même si je les aime déjà bien comme ça, moi). 


Laïka 2017 

Sauvignon blanc

La robe est or pâle, aux reflets roses

Le nez est rafraîchissant, sur la pomme mûre (mais pas blette), le miel, la fleur de tilleul et une pointe de poivre de cassis. 

La bouche évoque une lame froide, brillante et acérée qui vous tranche le palais en deux ... sans le moindre mal. Ouf. Au contraire : ça fait un bien fou, ces vins à la pureté cistercienne, sans froufrou qui parasite la dégustation. 

La finale prolonge le fil de la lame tout en gagnant en chair, en mâche, mêlant le pomelo rose à la Granny Smith, avec un prolongement sur de fines notes crayeuses. Un sauvignon unique en son genre !


Clos des Mailles 2017

Chenin

La robe est jaune paille. 

Le nez intense évoque un vin moelleux : poire au sirop, coing, agrumes confits, léger beurré/grillé.

La bouche est élancée, tout en ne manquant pas d'ampleur, avec une matière dense, charnue; enveloppante et une fraîcheur plus due à l'aromatique (agrume) qu'à l'acidité, imperceptible. Les amers arrivent à partir du milieu de bouche. 

Ils s'intensifient en finale, complétés par une noble astringence, sans jamais tomber dans l'agressivité. Au contraire, j'ai rarement rencontré des amers aussi civilisés. Leur contribution à l'équilibre général est essentielle, car l'acidité continue à être imperceptible (mais certainement là, sous une forme très diffuse). Belle persistance sur le coing, la poire et les mêmes notes crayeuses que Laïka, en plus intense.  


Rosetta 2018

Saignée de Cabernet-Franc et pressurage direct de Grolleau

La robe est "grenadine", translucide.

Le nez  est riche, sur les petits fruits rouges confits, le sucre d'orge et les épices. 

La bouche est longiligne, traçante, avec une matière ronde, friande, au fruit gourmand, et une vinosité certaine qui évoque d'aucuns blancs de noir champenois. 

La finale est intense, séveuse, conjuguant une belle acidité et un concentré de fruits rouges, puis délivrant une certaine douceur équilibrée par de nobles amers et une pincée de poivre. 


Orion Alpha 2017

Cabernet-Franc (10 ans et 70 ans) 


La robe est grenat très sombre… mais translucide. 

Le nez est vif, avec une acidité volatile qui a tendance à prendre le dessus sur le cassis, l'âtre de cheminée et le poivre – tout en n'étant pas trop violente. Avec l'aération  – deux jours de repos – le nez est plus harmonieux, fondu, évoquant un Médoc à maturité : cigare, cèdre, cassis, sous-bois, et toujours cet âtre de cheminée. 

La bouche est  traçante et  tonique, avec une matière fine, intense et soyeuse. Le tout rafraîchi et transcendé par la volatile évoquée plus haut – oui, la volatile peut transcender quand elle est du bon côté de la force. Une gifle à la fois violente et délicieuse !

Avec l'aération, la bouche gagne elle aussi en harmonie : l'acidité est plus fondue, la matière plus dense tout en gardant sa douceur tactile. Un vin nettement plus apaisé. 

La finale prolonge les sensations tout en se faisant plus terrienne, mâchue, avec un retour du cassis, de l'âtre et du poivre, et une persistance sur le menthol et du chocolat noir (l'After Eight du Cabernophile). 

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