vendredi 3 février 2017

Une dégustation vraiment étonnante


Un club de dégustation de Thouars (79) qui avait fait appel à Vins étonnants dans les années héroïques* nous a demandé s'il serait possible de revenir faire une dégustation (forcément) étonnante. Nous n'acceptons de le faire que très rarement. Mais nous ne pouvions refuser à un client historique. Une fois que le budget global a été défini, j'ai essayé de faire une sélection des plus éclectiques qui reflète l'esprit de la maison : cépages rares, vins bios, vins étrangers, vins sans soufre ou ... vins étonnants. Il a fallu ensuite proposer des accords mets/vins au chef-cuisinier du Relais du château à Oiron où se déroulera la dégustation. Celui-ci a été des plus coopératifs, et je l'en remercie.

Nous étions plus sur des "mises en bouches" successives que de vrais plats : cela permettait d'apprécier l'accord sans caler au milieu du repas (huit à la suite...)


Nous avons démarré avec un Moscato Spumante demi-sec, servi avec du jambon cru et un gressin au sésame. Fruité, léger, avec une bulle discrète, il ouvre l'appétit et affûte les papilles pour la dégustation qui s'annonce. Le léger sucre du vin est compensé par le sel du jambon.


Le premier vin blanc sec  est un classique de Vins étonnants : le Bourboulenc 2015 de Christophe Barbier.  Ce cépage peu connu planté dans un ancien marais salant est une vague de fraîcheur marine, avec ses notes iodées et salines. Forcément, il est servi avec une huître surmontée d'un suprême de pomelo rose. Si le vin est très bon bu seul, il gagne en intensité et en longueur dès qu'on attaque la mise en bouche. 


Puis j'ai servi l'un de mes chouchous : l'Altesse  2015 de Peillot.  Là encore, cépage peu connu provenant d'une région peu réputée pour ses vins : le Bugey. C'est un tort, car ce vin est un bijou. Logique lorsqu'on voit le travail d'orfèvre réalisé par le producteur : les raisins sont vendangés en trois fois, avec à chaque fois une vinification adaptée. Le tout est assemblé une fois les fermentations achevées. D'où cette alliance de la maturité et de la fraîcheur, du gras et de la tension. Le tout à un prix d'ami (11.60 €). Elle est servi avec une noix de Saint-Jacques snackée sur une crème de chou-fleur légèrement beurrée.


Le dernier vin blanc était également un classique de Vins étonnants : l'Equinoxe 2014 de l'Arjolle. Assemblage peu commun de Muscat, Sauvignon et Viognier, ça déchire grave, autant par son énergie, sa richesse que son aromatique. Les papilles sont très sollicitées. Il lui fallait un plat qui non seulement résiste, mais lui serve d'écrin : j'ai proposé le risotto aux agrumes confits et fenouil (testé à plusieurs reprises avec succès).  Et ma foi, ça fonctionnait bien.


Nous passons ensuite aux rouges. Pour démarrer, le très peu connu (en France) Blaufränkisch. Il provient d'un domaine en biodynamie qui produit des céréales anciennes (et une bière issu de celles-ci)  élève vaches et moutons, possède un grand verger (avec production de jus de fruit). La vigne ne représente que 3 % du domaine (mais cela fait tout de même ...  70 hectares !). J'étais resté sur le millésime 2013 de cette cuvée, très pulpeux/gourmand  – et m'avait fait penser au canard et panais rôti qui nous fut servi. Le 2014 s'avère plus bourguignon, autant en structure qu'en acidité. La robe est claire, le nez pinote, et la bouche est vive et traçante. Du coup, les avis étaient un peu mitigés. Cela dépendait si vous avez un palais "nordiste" ou "sudiste".


Le vin suivant est un bon compromis entre le premier et le dernier rouge : il possède la fraîcheur du premier (avec tout de même moins d'acidité)  et la générosité sudiste du dernier. Ce Cairanne Terra Rosea du Coteau des Travers présente vraiment un super équilibre, assez rare dans son appellation. Même bu seul, c'est une gourmandise fine et digeste, avec du fruit frais et moultes épices. Avec la côtelette d'agneau, c'est encore meilleur. Un régal !


J'avais choisi pour finir cette série un vin sans soufre, histoire de montre que s'ils étaient (très) bien faits, ils pouvaient plaire à tous. Le Bois du Roi de Costes-Cirgues en est un superbe exemple. Une matière riche, expressive, généreuse, et en même temps fraîche, gourmande (et zero défaut). Le mariage avec l'agneau confit est juste parfait !


Nous passons directement au dessert avec un vin que les gens ont rarement bu autre part que dans des sauces que préparaient leur mémé : du Madère. Contrairement à la grosse production qui est prête à être embouteillée en deux mois, celui-ci, issu du cépage Malvasia (= le Furmint hongrois) est resté 5 ans en fûts dans des greniers exposés aux écarts de températures. Il en résulte des arômes oxydatifs (café, pralin, noisette grillée, caramel) qui s'accord bien avec le dessert (moelleux au chocolat, sauce café/caramel). Mais le plus bluffant est sa fine acidité intense qui apporte une tension et une fraîcheur inattendues. Ce vin a un peps tout juste incroyable (ce qui a tendance à manquer à nos Rivesaltes ambrés). 19.90 € pour un vin de cette qualité, c'est vraiment cadeau.

À peine rentré de Thouard, je suis reparti sur Montpellier puis Marseille durant plusieurs jours. Cela explique la moindre grande régularité de ce blog. Mon départ prochain pour l'Anjou ne va pas arranger les choses. D'ici une petite semaine, cela devrait rentrer dans l'ordre... 
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* 2003-2006, période pendant laquelle Eric R. se déplaçait beaucoup pour animer des dégustations, histoire de se faire connaître.  C'est comme cela que nous nous sommes rencontrés, d'ailleurs... 

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