lundi 30 septembre 2019

Beaumonts : ça envoie !


Moins de 15 jours après le Saint-Joseph 2018 de Barou,  j'étais curieux de goûter un Crozes-Hermitage 2018 signé David Reynaud. Eh bien, comme je m'y attendais un peu, c'est un autre monde ;-)  Plus coloré, plus mûr, plus dense, plus charpenté. Mais moins cher. Le rapport quantité/prix est donc meilleur. Pour la qualité, c'est le dégustateur qui jugera selon son goût. Les amateurs de vins "généreux" y trouveront leur compte. Les autres pourront se rabattre sur Barou ou les 4 vents. 

La robe est grenat très sombre, à peine translucide.

Le nez est riche, sur la crème de fruits noirs, le lard fumé et une touche de tabac.

La bouche est ronde, (très) ample, déroulant une matière (très) dense au toucher velouté qui vous tapisse généreusement le palais. L'équilibre est là, même si l'on est sur une aromatique bien mûre (mais pas surmûre).

La finale est riche, puissante, avec des tanins présents mais déjà bien fondus, et un retour des fruits noirs et du lard fumé, complété par une pointe de tapenade et une pincée de poivre.


vendredi 27 septembre 2019

Petit août ... fin septembre



La rencontre s'est faite sur le salon Wine in Paris en début d'année, un peu au hasard. Il se trouve qu'au moment où Eric R. passait devant le stand du Petit Août, Nicolas Gonin tenait compagnie à Yann de Agostini. Et que ce dernier avait rencontré Eric il y a plus de dix ans, à l'époque où il animait des dégustations un peu partout en France. Et donc, le chef goûte. Trouve les vins intéressants et originaux. À l'époque,  les 2018 étaient en cours d'élevage. Il a donc fallu patienter. Ils ont été embouteillés en fin de printemps. Après quelques mois de repos, les voilà parmi nous !

N'étant pas présent à ce salon, je n'ai découvert la gamme qu'hier après-midi. Vous pourrez lire mes impressions ci-dessous. Ce qui ressort avant tout, c'est la finesse et la fraîcheur dues à l'altitude (600-700m) et au sol calcaire. Et puis la découverte de deux cépages rouges : le Mollard, dont la surface a été divisée par 30 ces 50 dernières années (passant de 300 à 20 ha) et l'Espanenc dont il ne restait que 0.2 ha avant que Yann de Agostini le multiplie. Il avait été abandonné, car il avait la réputation de donner des vins mous, peu colorés et peu alcoolisés. Celui du Petit Août est en effet peu alcoolisé et peu coloré, mais c'est vach'ment bon ! Et puis j'ai re-découvert la Clairette, trop souvent inintéressante. L'altitude lui apporte une vraie personnalité, ce qui n'était pas du luxe. 

Je vous invite à lire ce très beau reportage qui vous en dira plus sur le domaine et son géniteur. 




Fête foraine 2018 (10.00 €)

42 % Muscat d'Alexandrie,  24 % Muscat à Petits Grains, 15 % Clairette, 
13 % Roussanne, 6 %  Marsanne 

La robe est jaune pâle, brillante. 

Le nez est très muscaté, complété par la pêche, l'abricot et la verveine. 

La bouche est ronde, éclatante de fraîcheur, avec une matière friande, donnant l'impression de croquer dans la baie de muscat. 

La finale tonique même subtilement amertume et astringence, les notes muscatées se mêlant aux herbes froissées (sauge, menthol). 




100 % Clairette

La robe est jaune très pâle aux reflets argentés. 

Le nez évoque les fruits blancs, le citron confit et des notes salines/pierreuses. 

La bouche est longiligne, tout en affichant une rondeur gourmande mais aussi une minéralité affirmée dans l'esprit "jus de caillou". Un vin à la fois joyeux et austère.

La finale prolonge tout cela sans interruption, avec un renforcement du salin, égayé par des notes de "petit beurre" (et une touche de citronnade).


Sur le fil 2018 (10.60 €)

45 % Clairette Blanche, 38 % Roussanne  et 17 % Marsanne 

La robe est or pâle, brillante. 

Le nez fin et intense mêle les fruits blancs et jaunes, avec une touche épicée et une pointe de craie humide. 

La bouche est élancée, tonique, avec une matière dense, (moelleuse) et séveuse enrobant une (très) fine acidité traçante.Le vin affiche un surplus de classe et de personnalité par rapport aux deux autres blancs du domaine. 

La finale est fine, intense, alliant les fruits blancs aux notes minérales/salines, avec une belle persistance sur ces dernières (et là encore, une p'tite touche citronnée tonique).


New rose 2018 (10.60 €)

100 % Mollard

La robe est entre le pétale de rose et l'oeil de perdrix. 

Le nez est de belle intensité, entre épices, écorce d'orange et petits fruits rouges confits. 

La bouche est tendu, traçante, avec une fine acidité qui fixe le cap, et une matière ronde, vineuse et épicée, sur fond de marmelade d'agrumes. 

La finale allie mâche gourmande et amertume (quinquina, bigarade), avec une  bonne persistance sur les épices et l'orange confite, suivis de note crayeuses. 




100 % Mollard

La robe est grenat bien translucide. 

Le nez est expressif, mêlant les notes amyliques à la cerise et au poivre. 

La bouche est ronde, ample, fraîche, avec une matière souple et fruitée d'une grande digestibilité (11.5 %). 

La finale allie une fine mâche à de nobles amers (noyau), avec un retour de la cerise et du poivre. 


50 % Mollard et 50 % Cabernet-Sauvignon

La robe est grenat sombre translucide. 

Le  nez est plus discret, sur la  gelée de fruits noirs, le menthol et le poivre. 

La bouche est élancée, étirée par un fil invisible, et déploie une matière finement veloutée, au fruit élégant complété par des notes sanguines et poivrées. 

La finale présente une mâche gourmande et fruitée, tonique, avec toujours cette alliance du poivre et des notes sanguines (on pourrait partir sur Marcillac à l'aveugle). 


100 % Espanenc

La robe est grenat translucide. 

Le nez est fin, élégant, sur les fruits rouges et noirs, le tabac. 

La bouche est ronde, ample, aérienne, avec une matière évanescente qui vous caresse le palais. L'équilibre est superbe, avec toujours cette élégance innée. 

La finale finement mâchue réussit à ne pas rompre le charme, tout en ayant un surcroît de caractère et de concentration, avec en bonus des notes florales et une pointe de ronce. J'aime beaucoup !




100 % Mollard

La robe est grenat intense, translucide. 

Le nez est fin, aérien, sur les fruits rouges confits et les épices. 

La bouche est ronde, ample, juteuse, avec une matière dense et veloutée, charnue, au fruit mûr relevé généreusement  par le poivre. 

La finale est intense, autant dans les tanins que dans l'aromatique épicée, tout en restant savoureux et gourmand, avec une palette fruitée complexe, finement patinée, et une persistance sur les notes sanguines et épicées.  Un joli vin de caractère  qui devrait se bonifier  d'ici 3-5 ans. 




Nicolas Gonin dans le guide RVF

Première apparition de Nicolas Gonin dans le guide de la RVF et ce ne sera sûrement pas la dernière...



mercredi 25 septembre 2019

Sénéchalière 2018 : Bohème ou Miss Terre ?


Les 2018 de Marc Pesnot sont arrivés la semaine dernière. Après les avoir laissés reposer quelques jours, j'ai profité de leur séance photo pour les déguster, histoire de voir si ces deux cuvées ont un profil proche de leurs voisins en Muscadet … ou non. En fait, pas vraiment, car l'approche de ce vigneron est très différente (aucun sulfite avant la mise en bouteille, par ex). Ces 2018 sont plus proches des 2017 du même producteur – je viens de me relire : les similitudes sont étonnants –  que des 2018 de la Pépière ou de Bonnet-Huteau.  Bref, Pesnot fait avant tout du Pesnot, ce qui n'est pas pour déplaire à de nombreux clients !

À noter que la différence entre les deux cuvées est avant tout l'âge des vignes. Celles de Miss Terre ont 50 ans et plus. Alors que celles dévolues à la Bohème sont plus jeunes. 





La Bohème 2018 (13.90 €)

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez fait très cidre, mais un cidre plutôt raffiné, style Bordelet. Avec peut-être même une touche de poire comme à Domfront.

La bouche est ronde, éclatante, avec un léger perlant – et de la pomme à donf' – qui évoque(nt) de nouveau le cidre et renforce l'impression de fraîcheur.

La finale est légèrement astringente – faisant penser aux tanins du cidre –  avec un beau trait d'amertume, et toujours la pomme, dans une version un peu plus confite, voire légèrement beurrée. C'est à la fois gourmand et désaltérant.


Miss Terre 2018 (15.90 €)

La robe est d'un bel or brillant.

Le nez est fin et profond, sur la pomme rôtie au beurre (ça peut paraître antinomique … mais non).

La bouche est élancée, étirée par une acidité arachnéenne, enrobée par une matière dense et mûre, presque moelleuse – tout en gardant un côté digeste … et surtout frais. La pomme est aussi présente que dans la Bohème, toujours dans une version rôtie/beurrée.

La finale est finement mâchue, savoureuse, avec une pomme qui tire sur le caramélisé (Tatin) et des amers intenses – mais très bien intégrés – qui évoquent certaines bières et vins oranges. Le tout persiste sur la pomme tapée, le quinquina et les épices.

lundi 23 septembre 2019

Fernand est toujours parmi nous


Comme son nom l'indique, cette cuvée Hommage à Fernand est un … hommage à Fernand Vaquer qui s'est beaucoup battu pour l'appellation Roussillon et ses cépages locaux, le carignan et le mac(c)abeu. Nous avons encore un témoignage de son travail avec ses vins de 1980, 1985, 1986 et 1988. Quand le bouchon n'a pas rendu l'âme, ils montrent qu'un "simple" vin de pays catalan peut vieillir magnifiquement. Cela m'avait moins marqué avec le 2017, mais je trouve qu'il y a une parenté évidente entre l'hommage à Fernand 2018 et les cuvées trentenaires de Fernand Vaquer. On peut soit imaginer qu'elles ressemblaient à celle-ci dans les années 80. Soit qu'elle leur ressemblera en 2050*. Mais rassurez-vous : elle peut-être bue dès maintenant, à condition de bien l'aérer. 

La robe est grenat sombre bien translucide. 

Le nez est d'abord réduit puis s'ouvre la crème de fruits noirs, la framboise fraîche, l'encens et le poivre fumé. 

La bouche est élancée , tendue par un fil invisible autour duquel se développe une matière fine, aérienne, à la fois élégante et austère, pour l'instant plus marquée par la rafle que par les fruits qu'elle porte. Mais aussi des notes sanguines/ferreuses et salines également. Voire même terreuses (dans ce que ça peut avoir de noble). 

La finale est finement mâchue,  mêlant d'abord  la framboise au noyau de prune, puis reviennent les notes sanguines et terreuses. 

A l'époque, les cuvées de Fernand Vaquer ne devaient pas valoir bien cher. Cet Hommage garde le même esprit en étant vendu  8.50 € – et ça les vaut largement. 

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* Eh oui, ça rend moins conceptuel cette "échéance" de 2050 dont en entend parler quasiment tous les jours. On y arrivera plus vite qu'on ne le croit… 


vendredi 20 septembre 2019

Quand le vin change de pot :-)


Je vous avais parlé du millésime 2017 du Pot de vin il y a peu (fin juin). Et voilà que nous passons déjà au 
2018*. Au rythme où ça va, il est probable que nous soyons en rupture avant de recevoir le 2019. Il est important que je vous en parle, car le 2018 n'a pas grand chose à voir avec le 2017. Fini les notes patinées évoquant le tabac et le sous-bois, le toucher soyeux. Place à la bombe de fruit et aux tanins cadurciens**. Autant en juin dernier le clin d'oeil à Bordeaux était pertinent, autant nous filons ici dans le Sud-Ouest entre Cahors et Madiran. Cela plaira à certains, moins à d'autres. C'est la vie, comme disent les Américains stylés... 

La robe est pourpre très sombre, à peine translucide. 

Le nez est fin, sur le coulis de fruits noirs  (cerise, mûre), la ronce et quelques épices douces. 

La bouche est ronde, ample,  déployant une matière dense, pulpeuse, aux  tanins concentrés  mais bien mûrs. Le fruit est intense, juteux, d'une gourmandise communicative.  

La finale confirme la puissance tannique du breuvage – très Sud-Ouest dans l'esprit –  avec toujours un p... de fruit qui fait passer la pilule, souligné par de fines notes poivrées. 

Ce Pot de vin nouvelle formule sera parfait avec un confit de canard, un cassoulet ou une pièce épaisse de boeuf. Le prix (8 €) reste inchangé !

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* Ne cherchez pas le millésime sur la bouteille. Il ne figure que sur le carton de six. 
** évoquant un Cahors charpenté



mercredi 18 septembre 2019

Le Morillon, c'est bon !


Je n'ai pas vraiment besoin de faire de la promo de Morillon puisque c'est de loin notre best seller toutes catégories. Mais c'est justement la raison pour laquelle je me dois de le goûter, histoire de savoir ce que je vends par milliers chaque année. Eh bien, j'ai été surpris en bien avec ce 2018 : je le trouve plus frais et tonique par rapport aux années précédentes. Et donc moins lourdaud/surmûr, même si on est sur un joli bébé (14.5 % d'alcool). J'ai l'impression qu'il devrait pouvoir vieillir quelques années et gagner en complexité – même si je n'ai guère de doute que 95 % des bouteilles achetées sont bues très rapidement. 

La robe est d'un bel or brillant.

Le nez des plus régressifs fait plus penser à un dessert qu'à du vin : crème brûlée, pralin, flan à la vanille ... et une touche de lemon curd apportant un peu de fraîcheur.

Alors que l'on pourrait s'attendre à un vin lourdaud, la bouche est étonnamment élancée, tendue par une acidité "laser" qui  trace au-delà même de la finale. Elle est enveloppée d'une matière ronde, mûre, moelleuse, plutôt fraîche et aérienne, contrastant avec une aromatique "décadente" :  pomme tatin, poire au sirop, brioche toastée, caramel au beurre...

La finale est concentrée, finement mâchue, avec l'acidité comme fil conducteur, et des nobles amers qui équilibrent les quelques sucres qui traînent. Le tout persiste assez longuement sur des notes fumées/grillées/(subtilement)vanillées.

Lorsque l'on sait qu'il est vendu à moins de 10 € la bouteille, on comprend le succès de ce Morillon D'autant que son style "trans-genre" lui permet d'accompagner tout un repas, de l'apéro jusqu'au dessert en passant par le foie gras, le fromage affiné et le ris de veau. Indispensable, ou presque*.

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* Si vous ne faites pas partie du MFC (Morillon Fan Club), n'hésitez pas me contacter : je vous guiderai avec plaisir vers d'autres pépites.  


mardi 17 septembre 2019

Je rêvais d'un autre monde : Barou l'a fait !


Lorsque j'avais repéré les vins du domaine Barou à Millésime Bio en janvier 2017, le millésime 2015 venait tout juste de sortir. Chez la plupart des producteurs rhodaniens, cela donnait des vins puissants, concentrés, assez lourds "C'est 2015", me disaient les vignerons... Le Saint-Joseph de Barou contrastait alors  par sa finesse et son élégance. Une semaine plus tard, il était référencé sur le site. 

Si je vous parle de cela, c'est que je crains que beaucoup de vins de 2018 ressemblent aux 2015 "en pire". Et là encore, Barou tire son épingle du jeu avec son Autre monde 2018. Certes, il est plus concentré que le 2015, mais l'équilibre du vin est absolument admirable, et vous inciterait à en boire des quantités déraisonnables – si vous n'aviez aucun self control, évidemment. 

La robe est pourpre sombre translucide.

Le nez est plutôt discret, sur le coulis de fruits noirs, une touche de framboise, une pincée de poivre et une pointe de lard fumé.

La bouche est ronde, de grande ampleur, déroulant majestueusement  une matière dense et mûre, fraîche et profonde, intensément minérale. Il y a un peu de gaz carbonique, mais pour une fois, il est le bienvenu : il apporte du relief et du "piquant". L'équilibre général est vraiment top, réussissant à rendre digeste un vin  concentré (mais pas lourd pour un sou).

La finale prolonge tout cela sans rompre le charme, avec encore plus de fraîcheur, de croquant, de fruit, et cette touche savoureuse de tapenade mâtinée de violette poivrée, signant la syrah septentrionale.  Mais aussi une touche mentholée qui renforce l'impression de fraîcheur. Un régal à l'état pur !  



Vendanges au domaine Champ des Soeurs


Les premiers raisins rouges

Voici plus d'un mois que les vendanges ont débuté, tous les blancs sont en cave et les premiers raisins rouges sont cueillis. 
La chaleur des dernières semaines s'est estompée, le thermomètre oscille maintenant entre 17 et 25°C. Le vent du nord a assaini le vignoble après les 20mm de pluie de la semaine dernière. Les raisins sont particulièrement beaux, ce sont maintenant les cuvées Bel Amant et La Tina que nous allons récolter. Il nous reste encore une dizaine de jours de vendanges.
L'ennemi le plus sournois est désormais la fatigue. Il ne faut certes pas lâcher mais un instant d’inattention peut être irréparable. Le plaisir, la joie, un brin de folie et les amis compensent pour l'instant ces trous d'air et nous permettent de passer au dessus de biens des problèmes.
Pour ceux qui le peuvent, venez goûter les jus au domaine avec les enfants. C'est toujours un instant magique de voir les plus petits tendre leur verre et le boire d'un trait. Je ne leur donne pas d’alcool, juste du jus de raisin frais, de Grenache ou de Carignan. Ce sont des souvenirs qui les accompagneront souvent toute leur vie.
À la prochaine


Laurent Maynadier

lundi 16 septembre 2019

Pignier 2018 : Poulsard ou Trousseau ?


Si nous avions déjà reçu le Poulsard 2018 de Pignier il y a quelques mois, le Trousseau est une nouveauté. Comme le domaine a eu la gentillesse de nous mettre une bouteille de chaque en échantillon, j'ai eu l'idée de les boire côte à côte, histoire de voir la différence. Sur d'autres millésimes, cela tenait surtout à une aromatique légèrement différente, mais sur 2018, c'est carrément deux mondes. Il suffit de regarder les robes sur la photo ci-dessus pour s'en rendre compte. La contre-étiquette, aussi : l'un titre 12.5 % d'alcool, l'autre 14 %. Je vous laisse deviner... 

Je précise que j'ai carafé/secoué les deux bouteilles, car elles contenaient du gaz carbonique. Mes notes ont été prises après cette aération énergique. 



Trousseau 2018 (24.90 €)

La robe est grenat sombre translucide.

Le nez  gourmand évoque la framboise et la mûre – version coulis – et les épices douces.

La bouche est ronde, ample, avec une matière dense au toucher soyeux qui vous tapisse le palais. Le fruit est bien présent, sous une forme bien mûre – sans tomber dans le surmûr – rafraîchie par un trait vert (rafle ?).

La finale est finement mâchue, avec un retour de la framboise et des épices. On enchaîne direct sur l'orange sanguine, qui apporte du peps et une belle amertume, avant de se prolonger sur sur des notes florales.


Poulsard 2018 (20.50 €)

La robe est claire, entre le grenat et le vermillon.

Le nez est un peu réduit/fermentaire, mais on sent derrière de la griotte, de l'agrume, de la framboise et du poivre. Puis arrivent des notes élégantes sur la fumée et le floral.

La bouche est sphérique, déployant avec grâce  une matière soyeuse et aérienne, caressante, exprimant un fruit pur et frais. Puis elle gagne un peu en densité et en allonge, vous filant un uppercut au fond de la gorge.

La finale est tonique et savoureuse, finement astringente, avec un fruit pétulant, vibrant, puis un chouette  mix rose fanée /orange sanguine qui vous fait penser à un vin d'E. Reynaud, prolongé par des notes poivrées

Personnellement, j'ai une grosse préférence pour le Poulsard, plus fin et aérien. Le Trousseau plaira à ceux qui trouvent que les rouges jurassiens manquent souvent de matière et de richesse : ils devraient être aux anges !

vendredi 13 septembre 2019

Domaine de l'Enclos : Chablis ou Petit Chablis ?


Pour l'instant, nous n'avons reçu que le Chablis et le Petit Chablis 2018 du Domaine de l'Enclos. Les premiers et grands crus ne seront disponibles que le mois prochain. Mais déjà, la tendance est donnée : ce n'est pas cette année que Romain et Damien Bouchard vont rentrer dans le rang et produire des vins qui ressemblent aux Chablis "traditionnels". Et je n'ose parler du Petit Chablis, carrément à l'antipode du genre, avec ses 14 % d'alcool. Le chiffre sur l'étiquette pourrait faire peur, mais en fait, c'est sacrément bien équilibré, sans la moindre note exotique. Pour les deux cuvées, nous sommes plus sur un style "Côte de Beaune" que "Mâconnais". 


J'en profite pour vous mettre une photo des vignes du Petit Chablis qui offre un joli point de vue sur Fourchaume (de mémoire). Quand on sait qu'elles ont pas loin de 40 ans, on ne peut pas dire qu'elles ont été bodybuildées aux engrais chimiques... 





Petit Chablis 2018 (14.90 €)

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est expressif, sur les fruits blancs mûrs (pomme, poire, coing), voire même la pomme tapée, l'agrume confit et le miel.

La bouche est ronde, ample, pulpeuse, avec l'impression de croquer dans le raisin frais, et un très bel équilibre au vu de la richesse de la matière. Celle-ci est dense, mûre, veloutée, avec un côté vineux rappelant certains champagnes.

La finale est intense, concentrée, avec une mâche crayeuse et un retour sur la pomme et le coing, une légère touche beurrée en bonus, suivie de notes citronnées nous baladant entre amertume et astringence, pour finir sur une touche fraîche et nette.  Un beau numéro d'équilibrisme !



Chablis 2018 (18.00 €)

La robe est jaune paille, brillante (pour l'instant, pas de différence...)

Le nez fait encore plus mûr que son petit frère – alors qu'il fait 1% d'alcool en moins – sur la pomme et le coing longuement confits au beurre, faisant plus penser à un Vouvray demi-sec qu'à un Chablis.

La bouche a plus d'ampleur et d'allonge, avec une matière plus aérienne et digeste – tout en déposant un subtil film gras sur les parois du palais. L'ensemble est tendu par une acidité arachnéenne, soutenue par un léger filet de gaz carbonique. Même si la maturité est évidente, c'est un sentiment de fraîcheur qui prédomine (très loin du traditionnel style chablisien, toutefois).

La finale élégante  prolonge cette impression, mêlant la pomme chaude au lemon curd, avec un prolongement sur de nobles amers (écorce d'agrume, quinquina) et des notes salines/crayeuses/épicées.

mercredi 11 septembre 2019

Un plant B de folie !


La Folle blanche a eu son heure de gloire avant l'apparition du phylloxera. Non greffée, elle était beaucoup moins sensible aux maladies. Alors qu'elle était la reine de Cognac, elle a dû céder son  trône à l'Ugni blanc, moins fragile... et beaucoup plus productif. Aujourd'hui, elle doit se contenter de jouer les seconds rôle * en pays nantais sous le pseudo de Gros plant. Faut dire que là-bas,  ils ne sont pas très exigeants : pour obtenir l'AOP, les vins doivent titrer entre 8.5 et 11 % d'alcool, avec la possibilité de chaptaliser. Vous comprenez : c'est tellement dur d'avoir naturellement un vin à 11 % d'alcool qu'un coup de pouce est le bienvenu !

Conscient que leur Plant B, vinifié sans soufre, ne rentrait pas trop dans la case habituelle du Gros plant, le domaine Bonnet-Huteau a choisi de suite de le commercialiser en Vin de France. Mais quand bien même il eût voulu, il n'aurait point pu : le vin titre 12 % !  Cette option était donc pertinente, d'autant que c'est tellement bon que ça ne mérite pas d'avoir l'AOP, plus dévalorisante qu'autre chose.

Pour moi, ce vin est LE prototype de ce que doit être la minéralité : beaucoup l'attribuent à des vins acides et tranchants, sans fruitComme le vin est inexpressif, on dit qu'il est minéral, et hopla ! Ici, l'acidité est imperceptible, et pourtant le minéral est omniprésent, me rappelant certaines eaux très chargées que j'ai pu boire en station thermale.

La robe est jaune très pâle aux reflets argentés. 

Le nez fin et frais évoque la groseille à maquereau, le citron pressé et le silex frappé. La bouche est à la fois ample et élancée, avec une matière dense, vineuse et sacrément minéral qui vous tapisse le palais,  tout en affichant une tension dynamique : ça trace droit et loin. 

La finale est intense et tonique, avec une belle mâche et  une salinité rarement rencontrée qui vous immerge totalement, accompagnée par la groseille et le citron. Émotion garantie !

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* Elle existe toujours sur Cognac et Armagnac, mais réservée à des cuvées d'exception


mardi 10 septembre 2019

Chakana : (re)découvrez l'Argentine !


Nous n'avions plus la possibilité de référencer les vins de la bodega Aniello qui faisait des vins formidables en Patagonie. D'une certaine façon, son importateur français s'est racheté en nous proposant ceux de Chakana. Ce domaine créé en 2002 est situé dans la plus classique région de Mendoza. Mais l'altitude élevée des vignobles – entre 950 et 1100 m – apporte un équilibre et une fraîcheur que l'on ne trouve pas souvent dans les vins argentin, grâce entre autres à une forte amplitude thermique entre le jour et la nuit. Par ailleurs, le domaine s'est converti à la biodynamie à  partir de 2012 et ses vins sont certifiés Demeter depuis 2014. Il fait un usage modéré du SO2, voire n'en utilise pas dans certaines cuvées. 

L'arrivée de ces trois vins est donc l'occasion de (re)découvrir les vins argentins, et de dépasser les clichés de vins lourds, très "travaillés" oenologiquement. On en est vraiment à l'antipode ! L'occasion aussi de découvrir deux cépages : le  Torrontés (blanc)  et la Bonarda (noire). Cette dernière provient de l'arc alpin et se trouve être la Douce noire qu'ont commencée à replanter des vignerons savoyards. Le monde est petit....


Torrontés 2018 (15.95 €)

100 % Torrontés - Sol sablonneux sur calcaire - 1100 m d'altitude

La robe est jaune très pâle, brillante.

Le nez est très sexy sans être vulgaire, sur la fleur d'oranger, la violette et l'abricot mûr.

La bouche est élancée, tendue par un fil invisible, et déployant une matière pulpeuse et fraîche, digeste, mêlant les notes florales et minérales.

La finale est plus intense et concentrée, avec une fine mâche et un retour de l'abricot et de la violette, pour se conclure sur le jasmin et des notes salines/crayeuses persistantes.


Sobrenatural 2018 (11.95 €)

100 % Bonarda. Sol sablo-limoneux sur socle  calcaire - 960 m d'altitude- Sans sulfites ajoutés

La robe est pourpre sombre translucide.

Le nez est frais et discret, sur les fruits noirs et des notes fermentaires.

La bouche est ronde, fraîche, fruitée, reposant sur une acidité tonique et une matière friande à l'accroche canaille.

La finale monte encore d'un cran dans la fraîcheur,  le fruit et l'accroche canaille, sur la myrtille et la cassis, et une persistance affirmée sur des notes crayeuses.




100 % Malbec. Sol calcaire - 960 m d'altitude - Vinification et élevage en cuve  béton

La robe est grenat sombre translucide aux reflets violacés.

Le nez est gourmand, sur le coulis de fruits noirs et les épices douces, avec une pointée lactée.

La bouche est ronde, ample, veloutée, avec une matière à la chair dense, fruitée, aux accents minéraux affirmés.

La finale poursuit dans cette minéralité, tout en affichant un fruit savoureux, avec une persistance sur des notes plus confites/épicées contrebalancées par le crayeux.

vendredi 6 septembre 2019

Pécharmant : time, it needs time.. *


Oui, encore un vin de Barouillet... Allez, je vous parle de celui-ci, et après, je vous laisse tranquille durant quelques mois. Je ne vais pas y aller par 4 chemins : ce Pécharmant 2017 est le meilleur que Vincent Alexis ait produit depuis que je le connais (le Pécharmant. Mais Vincent Alexis, ça marche aussi, en fait). Mais ne vous précipitez dessus que pour l'acheter, pas pour le boire. Vous risqueriez d'être déçus. Car ce que j'aime dans ce vin, c'est son potentiel. Pour l'heure, les deux Cab's (Sauv' et Franc) affichent leur mine austère, mais quand ils vont se réveiller (on va dire à partir de 2025), je pense que ça va faire mal.  À 10.50 € la bouteille, l'immobilisation financière n'est pas réservée au CSP+.  Et je prends le pari que ce vin n'aura rien à envier à une jolie quille de la rive gauche (je vais aussi en mettre 6 de côté. Comme ça, je ferai aussi l'expérience). 

La robe est  grenat sombre translucide aux reflets légèrement violacés.

Le nez est plutôt austère, sur les fruits noirs (cassis, prunelle), le poivron passé sous le grill et la feuille de menthe froissée.

La bouche est élancée, tendue par un fil invisible que l'on ne devine que par la matière soyeuse qui l'enrobe. Là aussi, c'est austère, mais à la façon d'une toile de Soulages : pureté, élégance, profondeur.


Et comme les toiles peintes par Soulages il y a plusieurs décennies, cela devrait vieillir admirablement. L'aromatique va  certainement partir sur la truffe, la boîte à cigare, le bois précieux... tout en gardant cette structure fine et élégante.

La finale dévoile une mâche crayeuse sur le cassis, le poivre et le graphite, et persiste sur le cèdre et le menthol. On n'est toujours pas dans le fun, mais se projeter il faut.  "Time, it needs time" chantait le poète...*

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* la personne qui trouve d'où ça vient sans googliser a gagné ...  ma considération et une bébête qui pique ;-)


jeudi 5 septembre 2019

Top moumout' !


Je vous ai déjà parlé de deux muscadets 2018 de la Pépière : le Sèvre et Maine et les Briords. Je les avais trouvé moins vifs que d'ordinaire, mais  présentant tout de même une bonne fraîcheur. On va dire que c'est un peu la même chose avec Les Gras Moutons, si ce n'est que je le trouve plus "prêt à boire" que ses deux camarades. Dès aujourd'hui, c'est une p'tite bombe. On peut même se demander s'il pourra être meilleur plus tard*. 

La robe est jaune pâle aux reflets argentés.

Le nez est gourmand, sur l'ananas frais, la pomme chaude beurrée et la fleur d'acacia (enfin le faux).

La bouche est ronde, (très) ample, éclatante de fraîcheur, éparpillant dans le moindre recoin de votre palais une matière croquante, friande, exprimant un fruit bien mûr – mais pas trop. Un très léger perlant apparaît avec l'aération et le réchauffement, renforçant encore l'impression de fraîcheur. L'équilibre général est juste parfait, même si des esprits grincheux trouveront qu'il n'a pas le mordant d'un Muscadet de comptoir. On peut seulement lui reprocher sa gourmandise et sa buvabilité,  n'incitant pas vraiment à être raisonnable. 

La finale tonique mêle subtilement l'amertume et l'astringence du citron, sans la moindre agressivité. L'astringence finit par l'emporter, avec une mâche finement crayeuse, soulignée par des notes salines persistantes.

On a dépassé maintenant de peu (50ct)  la barre des 10 €, mais franchement, je ne connais pas beaucoup de vins blancs qui présentent autant de qualité à ce prix. Il ne faut pas hésiter trop longtemps, car nous n'en recevons pas des quantités illimitées... 

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* Je suis persuadé en fait du contraire : encore faut-il ne pas y toucher jusqu'en 2030, ce qui demande une volonté presque inhumaine. 






mercredi 4 septembre 2019

Vinus maximus !


Lorsqu'un vin est présenté par Vincent Pousson, je ne vois pas trop l'utilité de le paraphraser : non seulement je n'écrirai jamais aussi bien que lui, mais j'avoue ma connaissance limitée du domaine Borie de Maurel, avec qui il est profondément lié. Je lui laisse donc la parole : 

"Maxime, c’est la puissance contenue, la force intérieure, une noblesse sans affectation. Taiseux mais formidablement profond, structuré mais incroyablement velouté, le mourvèdre, enfant du Levant, pendant méditerranéen du cabernet-sauvignon, compose intégralement cette cuvée. Mais pour que ce cépage sorte de son mutisme pour exprimer toute son énergie, il faut qu’il rencontre un terroir à sa mesure ; en l’occurrence, un cirque d’argiles fines et sableuses lové dans les garrigues, exposé sud-ouest et posé sur un lit épais de roches gréseuses concassées. Il lui fallait aussi de vieilles vignes, maintenues à très bas rendements, une vendange manuelle avec égrappage, une longue cuvaison de 20 à 45 jours."

Pour la dégustation, je reprends la main, parce qu'il faut bien que je bosse un peu. Et puis mon avis est spécifique au millésime (2016) alors que l'avis de Vincent est plus général. 

La robe est pourpre violacé très sombre, faisant songer à nos encriers de l'école primaire – oui, j'ai appris à écrire avec une plume ... vite remplacée par un Bic. 

Le nez a ce côté "brun ténébreux", mêlant sans ostentation le coulis de cassis, le graphite, l'encre (encore) et le Cachou– vraiment régressif, ce Maxime !. En tout cas, dès le nez, la promesse poussonienne est tenue : il y a de la profondeur, de la force intérieure et du taiseux. 

La bouche est de grande ampleur, déroulant – presque gravement, sans se précipiter – une matière dense au toucher soyeux qui prend possession de tout votre palais.Elle est mue par une énergie semblant venir des profondeurs de la terre – tellurique, en un adjectif–  et qui vous submerge progressivement, vous noyant de bonheur. 

La finale est puissante et concentrée, avec une mâche savoureuse autour du cassis et de la réglisse, et une longue persistance  sur des notes salines et résineuses (garrigue). 

Du  très bel ouvrage, à la fois sobre et majestueux, et une lecture du mourvèdre que je n'ai que rarement rencontré, plus dense qu'un Enclos du Terrasse d'Élise, mais beaucoup plus sensuel que la plupart des Bandols.

Et le prix, allez-vous me demander ? Eh bien, ce n'est pas spécialement donné (19.50 €). Mais je pense que ça les vaut largement. Peu de vins de ce prix offrent autant de plaisir et de sensations.  Il les vaudra encore plus si vous l'encavez quelques années : la palette tertiaire promet d'être magnifique. On devrait alors avoir quelque chose qui ressemble à un grand vin .

PS : rien que 15 h plus tard, le nez offre plus de complexité, avec l 'arrivée de la violette et de la truffe, et un cassis qui se présente plus confit.