jeudi 30 janvier 2020

Sauvignon gris et blancs : un miracle de la Madone ?


'scusez pour le silence,  mais j'étais en déplacement depuis samedi dernier et ne suis revenu qu'hier soir. Je suis en effet descendu à Millésime bio et ses différents Off's. Et j'ai profité du voyage pour faire une halte au domaine du Cros à Marcillac.  Les vins servis étaient très (très) bons, mais le plus époustouflant, ce sont les paysages. Un avant-goût :


Mais revenons-en au vin du jour que j'ai dégusté en fait vendredi dernier. C'est un assemblage de sauvignons blancs et gris produit par les Vins de la Madone (Côtes du  Forez).  C'est une vraie réussite, car même s'il ne peut renier le(s) cépage(s) d'origine, il ne cherche pas à copier ses frères ligériens, et encore moins l'Entre-deux-Mers bordelais. On est sur un style plus minéral/cristallin, peut-être dû au sol volcanique (basalte). Et c'est bio(dynamique), peu sulfité. Tout pour plaire, quoi ;-)

 La robe est jaune très pâle, brillante.

Le nez fringant  "sauvignonne" agréablement : bourgeon de cassis, fruit de la passion, pomme granny...

La bouche explose de fraîcheur, éparpillant façon puzzle une matière cristalline et désaltérante. Puis elle gagne en rondeur et en densité, mais aussi en minéralité, avec cette impression de sucer de la craie. L'aromatique tourne autour de la pomme verte, complétée par de la mangue et une fine touche fumée.

La finale est intense, tonique, avec le Triple A cher à votre serviteur : Acidité du fruit de la passion, Amertume et Astringence de l'écorce de pomelo, dans un style pas agressif et gourmand. Et une persistance sur des notes salines et crayeuses, finement citronnées. Un grand MIAM, pour résumer !


vendredi 24 janvier 2020

Vin & Pic : les rouges 2018 sont arrivés !


Je dois l'admettre : j'étais ravi de regoûter la gamme des rouges de Vin & Pic. Ça me rappelle la joyeuse époque de Vins étonnants où les cuvées étaient plus barrées les unes que les autres. Le domaine, comme nous, s'est un peu assagi. Mais, comme nous, il y a de beaux restes ! Nous sommes ici sur le millésime 2018 qui a donné des vins plutôt riches dans le secteur (cf les cuvées de Verdier-Logel à 14,5-15,5 % d'alcool). Je trouve que Laurent Demeure s'en est bien sorti pour sa première année de vinificateur (Pierre Rolle étant parti) : les vins sont plutôt frais et équilibrés, même s'ils sont plus concentrés – particulièrement flagrant sur la Syrah. Comme souvent, c'est le Bacco le plus spectaculaire, et Caractère qui remporte la palme du meilleur rapport qualité/prix


Caractère 2018 (8.90 €)

Vieilles vignes de Gamay de plus de 80 ans

La robe est pourpre translucide, brillante.

Le nez est fin, frais, sur des notes florales (violette, pivoine), fruitées (cerise), avec une touche cacaotée et une pointe d'épices.

La bouche est ronde, ample, élancée,  déployant  une matière souple, fraîche et agréablement fruitée, sur un fond floral et minéral (légère fumée, ardoise chaude). L'ensemble est fin et très bien équilibré au vu du millésime très solaire.

La finale est nette, tonique, avec une accroche délicieusement canaille, avec toujours ce mélange de fleurs, d'épices et de fumée,  et une belle persistance sur des notes salines/poivrées.


Seibel  2018 (14.90 €)

Cépage 5455 Seibel

La robe est grenat sombre, mais tout de même translucide.

Le nez gourmand évoque la cerise (finement) acidulée, le colis de framboise et le poivre blanc fraîchement moulu. 

La bouche est ronde, ample, veloutée, avec une chair dense et mûre, savoureuse, au fruit éclatant de fraîcheur – tout en étant d'une sobre élégance. Pour souligner tout cela,  un joli trait de vert évoquant la rafle. 

On retrouve ce dernier en finale où il tient lieu de colonne vertébrale, complétée par la cerise charnue et le cacao en poudre, le tout dynamisé par l'amertume de la bigarade qui persiste agréablement. 



Syrah 2018 (10.90 €)

100 % Syrah sur sol basaltique


La robe est grenat bien sombre, translucide. 

Le nez charmeur évoque les fruits rouges confits (fraise, framboise, cerise), le benjoin et les épices douces. 

La bouche, fraîche à souhait,  délivre dès l'attaque une matière puissante et généreuse aux tanins mûrs et serrés (sans être durs), à 10.000 lieues des millésimes précédents. Aromatiquement, on  est sur le fruit noir (mûre, myrtille) et le poivre (tout aussi noir). 

La finale poursuit dans le même registre, avec en sus une mâche savoureuse et un tour de moulin à poivre, et une persistance sur des notes crayeuses. 


Boutonnière 2018 (8.50 €)

Vigne presque centenaire, plantée a 700m d’altitude
50% Gamay, 50 % d’une dizaine de variétés d’Hybride

La robe est grenat translucide. 

Le nez est discret; sur les fruits rouges mûrs et les épices. 

La bouche est ronde, fraîche et  tonique, avec une matière juteuse et canaille, finement accrocheuse, exprimant un fruit gourmand, acidulé juste comme il faut. 

La finale persiste dans l'accroche canaille tout en l'intensifiant, avec encore plus de fruit et de fraîcheur. Si vous êtes dans le trip, c'est assez irrésistible. 


Bacco 2018 (14.90 €)

100 % Baco noir


La robe est grenat trèèès sombre, à peine translucide. 

Le nez est trèèès expressif, sur la crème de fruits noirs, le goudron et le poivre cubèbe. 

La bouche est fougueuse, élancée, délivrant avec générosité une matière mûre et veloutée, sensuelle, avec toujours cette alliance du fruit noir et du goudron qui peut ravir ou énerver. L'ensemble reste malgré tout frais et équilibré. 

La finale prolonge l'élan sans la moindre rupture, avec juste une amertume un peu plus prononcée qui s'équilibre parfaitement avec l'opulence fruitée/goudronnée de la matière, et une persistance sur le poivre et la réglisse. 

jeudi 23 janvier 2020

Négoce Ganevat (1ère partie) : les chardonnays ouillés


Maintenant que la "Folie Ganevat" est passée, nous pouvons nous intéresser aux cuvées qui intéressent moins les amateurs, mais qui portent incontestablement la signature du maître de Rotalier. Quel autre vigneron est capable d'élever durant trois ans des chardonnays sans le moindre ajout de sulfites, et obtient des vins sans une once d'oxydation (et qui ne s'écroulent pas dans les heures qui suivent l'ouverture) ? 


Le dernier est un 2017, et provient du Mâconnais. Si l'étiquette n'est pas forcément très engageante, il se cache derrière une pépite qu'il serait impardonnable de zapper.




Marnes grises du Lias et Marnes irisées - Vignes plantées en 1949

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est fin, mûr, profond, sur la pomme tapée, le beurre noisette, le citron confit, avec une légère note fumée. Avec l'aération, on part sur la tarte aux pommes que l'on aurait nappée d'une gelée de coing.

La bouche est élancée, tendue par une fine acidité traçante qu'enrobe une matière ronde et douce, aérienne, avec une sensation de fraîcheur omniprésente.

L'acidité poursuit son élan en finale sans interruption, ajoutant juste une fine touche crayeuse et des amers évoquant l'écorce de pamplemousse, avec une persistance sur des notes épicées/fumées et la pomme confite.



Secteur de Voiteur - Vignes de 80 ans sur sol  marno-calcaire

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est très expressif, sur la pomme rôtie au beurre et le sésame grillé, avec une touche de cacahuète et de pétard murisaltien. Avec l'aération, ces nobles notes de réduction s'atténuent.

La bouche est ronde, ample, enveloppante, avec une matière charnue et fraîche, finement perlante, qui se répand dans tout le palais comme une pluie bienfaisante. L'équilibre est impeccable, conciliant générosité et digestibilité.

La finale se fait d'abord intense et très concentrée, avant d'exploser et de prendre une ampleur exultante, sur la noisette, la pomme et le sésame grillé.




Vieilles vignes plantées sur des marnes du Lias

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est percutant, frais, pur, évoquant le cidre de glace. Avec l'aération, on a de la noisette,du miel, de la pomme rôtie.

La bouche est raccord : fine, tendue, aérienne, encore plus enveloppante que les Cèdres, dégageant une sensation de grande pureté tout en exprimant un fruit bien mûr, presque confit.

La finale prolonge cette esprit de finesse tout en intensifiant les sensations, avec un beau mix acidité / amertume / astringence, entre orange confite, pomme au four et noisette grillée.




Vieilles vignes plantées à Fuissé (71)  sur des terrains pentus principalement
calcaires et marno-calcaires, dont les sols bruns sont superficiels. 


La robe est dorée, brillante.

Le nez est mûr, frais, expressif, sur la pomme chaude, la poire confite et le pralin de sésame, avec un léger voile de réduction qui demande une aération supplémentaire.

La bouche possède une attaque énergique, traçante qui vous balance un uppercut direct, avant de dévoiler une matière pure, fraîche et élégante, limite cristalline, qui gagne progressivement en rondeur et gourmandise.

La finale savoureuse, très finement mordante, réussit non seulement à ne pas rompre le charme, mais à vous emballer encore plus,  mêlant les notes délicatement citronnées à la pomme fraîche et aux épices douces. Puis le salin en ultime sensation. Un pur délice.

Lors du repas dont je parlais hier, j'ai servi en "bonus" ce qu'il restait des 4 bouteilles aux différentes tables. Les participants ont été unanimes sur la qualité de ces vins (avec une mention +++ pour Fortbeau). 

mercredi 22 janvier 2020

Repas dégustation autour de "petits vins"


Limoux, Isère, Rhône sud, Alsace, Béarn... A priori, peu de choses en commun entre ces différents vins, si ce n'est que je les considère comme des champions dans leur catégorie de prix. Je les ai donc réunis le temps d'une soirée afin de les faire découvrir à une vingtaine de clients, accompagnés d'un repas préparé spécialement pour eux. 

Depuis le mois dernier, j'ai la chance de collaborer avec Philippe Redon qui fut longtemps le seul chef étoilé de Limoges (je me rappelle l'avoir vu dans Bon appétit bien sûr présenté par Joël Robuchon). En avance sur son temps, il avait rendu son étoile pour faire une cuisine bistronomique en toute liberté. Cela fait une dizaine d'années que j'organise des accords mets et vins avec des cuisiniers : jamais je ne me suis senti  autant en osmose qu'avec ce chef. Et cela s'est vu dans l'assiette et les verres : notre repas de décembre fut absolument mémorable (je  n'en ai pas parlé sur ce blog, car la moitié des vins servis n'est plus dispo pour le moment sur notre site...).

En janvier, période de soldes et de sobriété, il fallait changer de braquet, mais hors de question de ne pas se faire plaisir. Si nous avons misé sur des "petits vins" et des mets plus modestes, nous avons misé sur les meilleurs accords possibles qui permettent de transcender les bouteilles et les plats.


Pour l'apéro, Philippe avait préparé un tartare de maquereau, citron et fines herbes. Il était servi avec le Crémant de Limoux Blanc de Blancs Brut nature de Jean-Louis Denois. Un vin éclatant de fraîcheur, aux bulles très fines, sans dosage final qui vient gâcher la fête. L'accord avec la mise en bouche était délicieux, avec des sensations très différentes selon que l'on avait en bouche plus de pain grillé ou de chair de maquereau. Beaucoup découvraient cette cuvée de Denois et se sont rendus compte qu'elle était au niveau d'un bon champagne pour un prix nettement plus modeste (11.50 €) et  ... sans sulfites ajoutés ! 


En entrée, il nous fut servi un velouté de champignon de Paris, crème de noisettes grillées et citron confit. Il y a du chaud, du froid, du cru, du croustillant, de l'acidulé. Il est servi avec deux vins : un Tracteur blanc de Thomas Finot (80 % Jacquère, 20 % Chardonnay) et un Pas vu pas pris de Jeff Carrel (100 % Chardonnay). Le premier est  rond, frais et croquant, étiré par une fine acidité. Le second possède un style plus opulent, tout en restant bien équilibré, pas trop typé sud. Le plat réussit à valoriser remarquablement les deux vins : le Tracteur gagne en gourmandise et en intensité, apportant beaucoup de plaisir, tandis que le Pas vu pas pris possède maintenant de tension et de fraîcheur, ce qui lui permet de se donner à fond sans jamais tomber dans le too much. Dans les deux cas, on est vraiment dans l'interaction excitante, d'autant que chaque bouchée diffère d'une autre du fait de la mosaïque de saveurs et de textures. Un chouette moment de gastronomie


Nous poursuivons avec un parmentier de canard et topinambours, ail confit. Il est accompagné de deux vins : un Costières de Nîmes Marginal de Terre des Chardons (80 % syrah, 20 % grenache) et un  Terrasses du Larzac Rouge Permien du domaine de Malavieille. (très vieilles vignes de carignan complétées par du grenache, de l'oeillade et du mourvèdre). Sur ce millésime 2016, le Marginal est moins puissant et sudiste que d'ordinaire et prend des allures de Rhône Nord avec ses notes de violette et de lard fumé. La bouche est fine et fraîche, légèrement poivrée, entre fruit pur et notes florales. À côté, Permien fait plus "sérieux", avec une matière plus concentrée – n'excluant pas la douceur des tanins – une minéralité et une profondeur que son sparing partner n' a pas (pour un prix très compétitif pour un vin en biodynamie : 7.50 €). Certaines tablées préféraient le premier, d'autres le second. Mais dans tout les cas, 100 % des convives se sont régalés.


Le moment du fromage est toujours le plus "casse-gueule" du repas, mais aussi le plus passionnant : selon les choix opérés, on vire au naufrage ou on monte au septième ciel. Car lorsqu'un vin et un fromage matchent, le résultat est souvent hénaurme. Ce fut le cas hier soir avec cette tomme de brebis basque, fruits secs en tajine. (épicés avec du Ras-el-hanout) qui s'est marié magnifiquement avec le Pinot blanc Les Pierres Chaudes  17/18 de Patrick Meyer. Ce vin à demi-orange (17 l'est, 18 ne l'est pas) allie puissance aromatique et douceur de texture, tout en affichant tension et acidité. Les épices ont réveillé la bête qui sommeillait : le palais des sports de chaque dégustateur est devenu un ring où s'affrontaient deux titans qui alternaient les uppercuts et les bisous, sur fond d'épices, de sucré/salé, de croquant/moelleux... Un moment de grâce, facile à reproduire chez soi (note : servir le vin à température  à 16 °C).


Pour finir, un (demi) ananas Victoria gratiné. Evidemment idéal pour accompagner la nouveauté de la famille Laplace : la Poule aux oeufs d'or (petit et gros manseng). Ce vin de France ne revendique pas l'appellation Pacherenc de Vic Bilh, préférant aller faire la nique à des grives gasconnes (avec un prix percutant : 8.90 €). Sur le papier, c'est un liquoreux (45 g/ de sucres résiduels) mais gustativement, on  est entre le demi-sec et le moelleux, l'acidité des mansengs assurant un très bel équilibre. Très ananas, évidemment, mais aussi mangue et passion. L'accord avec le dessert est d'une totale évidence. Presque trop, seraient tentés de dire certains. Mais non : les choses les plus simples sont les meilleures !

Merci à Philippe et son équipe pour ce chouette repas !

On revient le mois prochain...

mardi 21 janvier 2020

Truculence : pas un grand vin ... mais presque !


Sous le vocable de "vins orange", il existe presque autant de méthodes que de vignerons. Au fil des expériences, ceux-ci trouvent celle qui leur convient le mieux, quitte à s'écarter pas mal du concept de base consistant à mettre des raisins dans une grosse amphore et à les laisser se dépatouiller. Cela engendre souvent trop d'amertume et/ou d'astringence, deux défauts qui dérangent les amateurs lorsqu'ils dégustent des "vins de macération" : vous avez plus l'impression de boire une mauvaise bière IPA  qu'autre chose. La solution qu'a trouvé Vincent Alexis pour sa cuvée Truculence, c'est de faire macérer les baies de sauvignon préalablement foulées durant 8 jours à froid dans une cuve [c'est malin, puisque c'est l'alcool qui extraient les tanins, sources d'astringence et d'amertume]. Puis les jus de goutte sont fermentés en foudres et amphores (moitié-moitié) pendant 10 mois. Sur ce 2018, la réussite est totale sur la texture/structure du vin. On est au niveau d'un grand vin "classique". C'en est même scotchant ! Par contre, sur l'aromatique, il est probable que les avis soient partagés : certains adoreront, d'autres détesteront. Et moi qui fus normand durant 8 ans, je me sens un peu le c... entre deux chaises. Je suis loin de détester, mais je rêverais d'un nez aussi enthousiasmant que peut l'être la bouche. On aurait alors dans le verre un Grand Vin, tout simplement. Allez Vincent, tu nous fais ça avec le 2019? 

La robe est d'un beau doré, très légèrement trouble.

Le nez est expressif, dans un style "vin de macération" : croûte de comté, mousseron, écorce d'orange séchée, malt grillé... Avec l'aération, la "croûte de comté" disparaît, remplacée par du thé Ooolong, mais on reste néanmoins dans un style que l'on pourrait qualifier de "clivant" (en même temps, le sauvignon buis/pipi de chat, c'est à mes yeux encore plus clivant...). 

La bouche est ronde, très ample, déployant avec majesté une matière dense et veloutée à la fraîcheur éclatante. L'équilibre est parfait, et j'oserais même écrire classieux. Après, l'aromatique reste dans un registre particulier (agrume séché/céréales grillées) qui peut décontenancer.

La finale est puissante, intense, mêlant l'amertume de la bigarade à l'astringence de l'écorce de pomelo, sur un fond de malt et d'épices qui persistent longuement, prolongé par des notes d'orange séchée.

Cela dit, un ami amateur (ouvert, mais pas naturaddict) est passé à Vins étonnants  le jour où j'ai ouvert cette bouteille. Cela lui a beaucoup plu. Il m'en a acheté une bouteille qu'il a servi le lendemain à des amis après un carafage d'une heure (et une température de 16-17°C) : "c'était magnifique. Tout le monde a adoré." m'a-t-il écrit. Il ne vous reste donc plus qu'à faire votre propre idée ;-)

lundi 20 janvier 2020

Pitchounettes rouges : l'écrozante différence


J'ai parlé il y a peu du Crozes-Hermitage 2018 de Thomas Finot ... qui ne ressemblait pas vraiment à l'idée que l'on se fait d'un vin de cette appellation – tout en étant très intéressant. Lorsque j'ai ouvert cette bouteille de Pitchounettes rouge 2018  – également en Crozes-Hermitage –  je me demandais si l'effet millésime serait aussi marqué. La réponse arrive dès  que je mets le nez au-dessus du verre : non. Indubitablement, nous sommes face à une Syrah rhodanienne – ou à un vin qui ferait tout pour  lui ressembler. Et la finesse de la structure et des tanins pourrait évoquer un millésime comme 2016. 

C'est là que l'on voit que face à un millésime solaire comme 2018, un domaine peut faire des choix très différents aboutissant à des vins qui n'ont pas grand chose à voir. Et finalement, c'est tant mieux, tous les goûts étant dans la nature :-)

La robe est grenat très sombre, limite opaque.

Le nez est fin, aérien, sur la crème de mûre, la violette et un soupçon de lard fumé. Une pincée de poivre, aussi. 

La bouche est ronde, ample, soyeuse, avec une matière fine, douce et caressante qui tapisse le palais, et une  tension énergique couplée à une belle fraîcheur. L'ensemble est harmonieux et digeste, sans la moindre petite accroche qui viendrait rompre le charme. Le fruit est à sa juste maturité – ce qui est appréciable dans un millésime comme 2018 – et partage équitablement la vedette avec le floral. 

La finale fraîche et savoureuse, finement mâchue, poursuit dans le même esprit, avec toujours cette alliance du fruit noir et de la violette, et une persistance sur des notes fumées/réglissées.

J'ai hâte de découvrir maintenant les autres cuvées du domaine sur ce millésime... 


jeudi 16 janvier 2020

Jour de Teuf' : pour démarrer joyeusement 2020


On peut dire que Jour de teuf est le premier vin partiellement vinifié et élevé dans les locaux de Vins étonnants. En effet, lorsque Nicole et John nous ont envoyé fin novembre les cartons du millésime 2019, le vin n'avait pas fini sa fermentation en bouteille. Il a donc eu droit à un régime spécial en passant ses jours et ses nuits dans notre bureau (aux alentours de 20 °C). Hier, le maître de chai auxiliaire que je suis devenu a ouvert un flacon, histoire de faire le point. Eh bien, ça ne m'a l'air pas mal du tout : il y a des bulles, mais pas trop. Le sucre est bien intégré, même s'il en reste encore – de toute façon, il n'était pas possible qu'il soit entièrement transformé en alcool. Et certes, le muscat domine – le contraire eût été surprenant – mais il est bien équilibré par les arômes et l'amertume du pomelo.

Donc voilà, je suis fier que notre collaboration ait porté ses fruits*. Y a plus qu'à les savourer en  portant un toast aux Bojanowski ! 


La robe est dorée et un peu trouble (le vin est passé de couché à debout 5 mn avant la photo. Mais si vous la mettez debout 24 h à l'avance, vous devriez avoir une robe claire et brillante). 

Le nez est très expressif; sur le muscat (logique), la fleur d'oranger, l'écorce d'agrume et quelques notes fermentaires (lactées). 

La bouche explose de fraîcheur dès l'attaque, soutenue par un perlant tonique et gourmand, avant d'envahir le palais d'une matière ronde et aérienne, digeste, au fruité intense, mêlant le muscat au pomelo, avec une touche de citronnelle et d'orange amère. 

La finale est énergique – pétulante, même –  alliant l'amertume de l'écorce de pomelo à des amers évoquant le spritz, avec tout de même le muscat en arrière-fond et un sucre très discret, même si indéniable.

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* C'est de l'humour, hein. Nous sommes tout de même des grosses feignasses, dans cette affaire ;-)


mercredi 15 janvier 2020

Mas Bécha Classique + : impressionnant !


Le Mas Becha Classique est de retour dans sa version +. Non pas par choix  – nous ne savions même pas qu'elle existait –  mais parce que la version "normale" n'était plus disponible. C'est finalement une bonne chose, car cette version + aurait été adoubée par Monsieur Plus : issue des meilleurs lots avec un élevage plus long (en cuve), elle offre plus de concentration, plus de complexité ...et plus de plaisir. PLUS, quoi. Cela pourrait donner un vin too much. Eh bien pas du tout : l'obsession de Charles, c'est la finesse. Et cela se sent dans ce vin qui envoie du lourd, tout en restant dans l'élégance. Un paradoxe qui n'en est pas un au Mas Becha.  Dont je me réjouis de regoûter les vins dans une dizaine de jours à Montpellier. 

La robe est pourpre très sombre, limite opaque.

Le nez est fin et profond, complexe, sur la framboise, la cerise noire, le cacao, la pivoine et le poivre blanc, rafraîchi par une subtile pointe de volatile.

La bouche est ronde, très ample, déployant avec volupté une matière finement veloutée,  l'ensemble étant  tendu/étiré par l'acidité volatile précédemment évoquée. Ce qui est impressionnant, c'est la concentration, la sève et la fougue qui traverse ce vin sans que ce soit lourd ou démonstratif. C'est d'une grande naturalité, dirait Ducasse.

La finale joue les prolongations, tout en intensifiant encore la matière, la soulignant d'un joli trait frais mentholé/crayeux, et s'achève sur une fine mâche d'une irrésistible gourmandise, sur les fruits rouges et noirs confits, le cacao et les épices douces (et une ultime touche résino-balsamique qui me fait fondre littéralement). Su-perbe !

Honnêtement, je ne connais pas beaucoup des vins de ce niveau à 10.95 €. C'est vraiment une cuvée qui réussira à réconcilier les amateurs de vins fins et de vins puissants. Elle me semble un modèle à suivre dans le Roussillon où l'on sent que les producteurs se cherchent pour trouver l'équilibre idéal. Celle-ci l'a, sans aucun doute.








lundi 13 janvier 2020

Irouléguy blanc 2018 de Bordaxuria : du bonheur liquide !


J'avoue avoir écrit mes impressions  il y a deux mois, au moment où nous avons reçu ce millésime 2018 de l'Irouléguy blanc de Bordaxuria. Il se trouve qu'à ce moment-là, il y avait des vins à mettre plus urgemment en avant, et il est tombé dans d'étonnantes oubliettes. Dieu merci, il existe une fonction qui permet de recenser les vins déchus. Lorsque j'ai aperçu l'Irouléguy dans cette basse-fosse, j'ai décidé derechef de le réhabiliter car il m'avait laissé un excellent souvenir. Le voici donc dans la pleine lumière qu'il mérite. Je vous conseille néanmoins de le placer dans une cave sombre dès que vous l'aurez réceptionné. Il vous en sera reconnaissant !

La robe est d'un or intense, brillante.

Le nez est fin, profond, sur l'ananas rôti, la mangue, le citron confit, avec une touche fumée/grillée.

La bouche est élancée sans qu'il y ait une tension trop marquée, et encore moins la fine acidité traçante typique du Manseng; qu'il soit gros ou petit – nous n'excluons personne à Vins étonnants.  La matière est ronde, mûre, plutôt dense, au toucher moelleux, et offre beaucoup de fraîcheur, (omni)présente de façon très  diffuse. Elle semble plus due à l'aromatique intense – yuzu, fruit de la passion, pomelo – qu'à l'acidité elle-même.

Nous l'avions remarqué au printemps dernier  lors d'une dégustation comparative avec la Virada de Camin Larrédya : les blancs de Bordaxuria sont des vins de finale. Cela se confirme sur ce 2018 : c'est exultant au possible, avec des amers somptueux à rendre des chenins jaloux, une astringence évoquant le citron et le pomelo, et une acidité percutante qui se décide enfin à pointer son nez (3 A+++ en langage Eric B). Tout cela sur une aromatique très exotique, associée à un élevage noble. Du bonheur liquide !


vendredi 10 janvier 2020

Lo sang del païs 2018 : ça envoie !


L'éphémère cuvée N° 25 nous avait donné un aperçu de ce pouvait donner le Mansois dans un millésime comme 2018 : d'la bombe !  Je n'ai pas pu boire les deux vins côte à côte, mais j'ai l'impression que ce Lo Sang del Païs est un peu moins dans l'exubérance et un peu plus dans la finesse. Par contre, si l'on compare ce 2018 aux millésimes plus "classiques", on est en face d'un vin plus dense, plus fougueux et expressif. Un Lo Sang puissance 2 voire 3. De plus, sa maturité un peu plus poussée accentue ses notes de cassis et de menthol : la parenté du Mansois avec le Cabernet-Franc devient ici flagrante !

La robe est pourpre sombre translucide.

Le nez est plus expressif que d'ordinaire, tout en gardant l'aromatique "mansois" : prunelle, poivre, fer, sang séché, avec une touche de violette et d'olive noire.

La robe est ronde, ample, veloutée, avec une matière mûre, gourmande, qui vous nappe tout le palais, tout en donnant une sensation de fraîcheur et de digestibilité. Le fruit  (cassis !) est omniprésent, toujours accompagné du poivre et de la violette, auxquels vient s'ajouter une touche mentholée.

La finale gagne en densité et en mâche, mais également en puissance aromatique, aboutissant à  une véritable explosion du cassis et du menthol,  avec une persistance sur les notes poivrées/ferreuses.

La bonne nouvelle, c'est que pour l'instant les millionnaires du monde entier se contrefichent du Marcillac. Il n'y a donc pas de flambée des prix comme dans d'autres régions françaises. On peut continuer à se faire plaisir à prix raisonnable (8.50 €). 




jeudi 9 janvier 2020

Pas vu pas pris : j'en ai rêvé. Jeff l'a fait !


Lorsque j'avais découvert en février 2019 le précédent (et premier)  millésime de Pas vu pas pris de Jeff Carrel, je lui avais trouvé plein de qualités, tout en trouvant – sans l'écrire – qu'il aurait pu être typé plus Chardonnay.  Faut croire que je l'ai pensé si fort que Jeff m'a entendu : ce 2019 répond exactement à mon attente, que ce soit dans l'aromatique ou dans la texture/structure. On peut le considérer comme un "chardo d'école", ce qui est toujours intéressant pour des clubs de dégustation ou des personnes qui veulent s'initier au vin, d'autant que le prix est cadeau au vu de la qualité : 9 € la bouteille (voire moins si on l'achète par 6, 12 ou 24). 

La robe est or pâle, brillante. Le nez est charmeur, sur la pomme chaude beurrée, la bergamote de Nancy – ce mélange de bonbon acidulé et d'agrume – et la noisette fraîche.  

La bouche est ronde, fraîche, croquante,  déployant une matière finement pulpeuse, gourmande, avec toujours cette alliance du fruit blanc et du beurre légèrement noisetté. 

La finale est tonique, associant une fine mâche subtilement végétale (Granny Smith) à de nobles amers (écorce d'agrume, caramel), avec une persistance sur les épices et la poire séchée. 

Ce vin sera aussi à l'aise à l'apéro qu'avec des noix de Saint-Jacques, un risotto, un gratin de chou-fleur ou des fromages à pâtes dures (Comté, Beaufort...)


mardi 7 janvier 2020

Ganevat : arrivage des millésimes 2016 en blanc et 2018 en rouge






Au programme....





Une dégustation d'anthologie car le millésime 2016 est remarquable en blanc. Il a produit des vins tendus et minéraux, dans le style qu'affectionne Jean-François rappelant celui de 2010.

Entre nous ... profitez des 2016 car le millésime prochain  sera chiche, voire inexistant pour les vins du domaine, sur le millésime 2017. Cette année-là, un gel de printemps a dévasté le Sud Revermont et le domaine a perdu 95% de sa récolte. Le secteur d'Arbois a été un peu moins touché. En 2019, ce fut l'inverse.

Les blancs sont désormais élevés 3 ans minimum car il trouve que ses vins sont consommés trop tôt. Il n'y a d'ailleurs pas de Chamois du Paradis, ni de Grusse en Billat cette année et globalement moins de bouteilles disponibles que l'année dernière car des jus ont été conservés pour des élevages encore plus longs. Ce seront d'ailleurs peut-être les seuls vins blancs disponibles l'année prochaine. A bon entendeur...

Le millésime 2018 est consacré aux vins rouges, un millésime solaire offrant des vins colorés et généreux. Jean-François a également fait évoluer ses méthodes de vinification. Grande année pour ses rouges donc.

Un bon cru 2020 tant sur les blancs que sur les rouges et malheureusement une année de vaches maigres prévue pour 2021...

Ce début d'après-midi-là avait été hélas endeuillé par l'enterrement de "La Madeleine", 86 ans, figure emblématique de La Combe, véritable force de la nature dont l'étiquette vous donnera un aperçu, voisine que Anne et Jean-François ont toujours connu. La Madeleine fut à l'origine de la cuvée Madelon. Ce vin lui rappelait justement les vins qu'elle buvait de sa jeunesse d'après-guerre, leur avait-elle affirmé. 

Pour clore cette journée, Jean-François nous a débouché un Savagnin Ganevat 1947. Année exceptionnelle car elle a produit des vins naturellement doux, maturité très rare à l'époque. Un nez envoûtant, une fraîcheur, une jeunesse incroyable, un équilibre demi-sec alors que le vin était moelleux à la mise.

Le domaine ne couvrait que 1.5 ha après-guerre et pratiquait la polyculture, comme la plupart des producteurs de vin. Le domaine a commencé à s'agrandir à partir de la fin des années 40. C'est le père de Jean-François qui a franchi le Rubicon et converti le domaine à la seule culture de la vigne et a réaménagé la propriété. Par exemple, la salle que vous voyez dans les photos ci-dessus était à l'origine une étable...  




 La bouteille... 


Savagnin accompagné de délicieuses charcuteries artisanales ibériques apportées par un des convives, nous faisons un métier difficile mon pôv monsieur....  ;-)

Roucas, un remplaçant qui fait le job


Le Château Fontvert est victime de son succès : au bout de quelques mois, ses Restanques ne sont plus disponibles, quelles que soient leur couleur. C'est alors que nous sont proposées les Roucas, issues de raisins BIO achetés à des producteurs voisins, vinifiés dans le même esprit et vendus légèrement moins cher (8.90 € pour celui-là).  Je n'avais pas encore eu l'occasion de goûter Le Roucas rouge 2018. Ben, c'est pas mal du tout. Peut-être un peu plus austère que les Restanques, mais c'est justement ce qui me plaît, son côté un peu rude/caillouteux. Ça lui donne le charme des voix éraillées des chanteurs italiens ;-)

La robe est grenat sombre aux reflets violacés.

Le nez est expressif, sur les fruits noirs sauvages, le laurier et le poivre, avec une légère touche fumée.

La bouche est ronde, ample, veloutée, déployant une matière mûre, charnue, finement épicée, avec un fond pierreux/minéral.

La finale intensifie encore ce dernier, renforcée par une belle mâche savoureuse, sans dureté et des notes salines/épicées qui le prolonge très agréablement.


lundi 6 janvier 2020

Le regain éternel ?


C'est la troisième fois que je parle de la cuvée Regain du domaine Semper sur ce blog, et à chaque fois, je suis épaté par son numéro de voltige, entre richesse très sudiste et tension pleine de fraîcheur. Les schistes noirs de Maury ne doivent pas y être étranger. Le grenache gris, présent à 75 %, non plus. Le prix, même s'il a un peu augmenté, est tout aussi épatant : il y a peu de vins blancs de ce niveau en France à 12.90 €. Le Roussillon regorge vraiment de pépites !

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est mûr et expressif, sur les fruits jaunes, le fenouil confit, la crème tout juste brûlée et la pierre chauffée au soleil.

La bouche est élancée, dynamisée par une tension traçante et une fraîcheur qui vous envahit le palais, tout en affichant une grande ampleur et une matière ronde, généreuse, au toucher moelleux. L'équilibre peut sembler périlleux sur le papier, mais dans les faits, pas du tout : c'est très harmonieux, d'une grande évidence, avec la fraîcheur qui remporte la manche.

La finale toute aussi généreuse , qui pourrait se mettre à chauffer dangereusement,  a trouvé deux parades :  une fine mâche crayeuse et une amertume qui évoque l'écorce d'agrume, le quinquina et le caramel au beurre, avec une ultime persistance sur le lemon curd et le pain grillé – et une pointe de fenouil qui vous fait partir en Provence... 


jeudi 2 janvier 2020

Crozes-Hermitage 2018 Finot : on dirait le sud !


2019 est déjà là pour nous "rassurer" : toutes les années ne ressembleront pas à 2018. Non pas que le climat fut beaucoup plus tempéré cet été – souvenons-nous de la canicule du mois de juin – mais les nuits furent plus fraîches fin août/début septembre, permettant aux raisins de conserver de l'acidité. 

Dans ce contexte, ce Crozes-Hermitage 2018 de Finot s'en sort plus que bien en terme d'équilibre. Par contre, il faut admettre que l'aromatique de la Syrah ne fais pas très "Rhône nord". J'avoue qu'à l'aveugle, je pense que je partirais sur un vin étranger. Il n'empêche qu'elle est très intéressante, d'autant qu'elle garde une grande cohérence du début à la fin. Ce vin mérite d'être vraiment découvert, même s'il n'a pas le profil Crozes classique.

La robe est grenat bien sombre, à peine translucide.

Le nez est à la fois fin et corsé, mêlant les fruits noirs confits à la réglisse, au poivre et à l'âtre de cheminée.

La bouche reprend à son compte les paradoxes du nez : d'un côté fine et élancée, au toucher doux, soyeux ; de l'autre, une grande intensité aromatique sur les fruits très mûrs et des notes fumées/réglissées, du séveux et du balsamique à foison, tout en restant dans un registre élégant. Zéro aspérité. Le tout forme un ensemble très cohérent, mais assez inhabituel pour un Rhône nord – on partirait plus en Italie ou dans le Douro.

La finale prolonge l'élan sans la moindre rupture, ni même une intensification des saveurs.On retrouve ce mix fruits noirs confits/réglisse/balsamique, avec une fine mâche fraîche et crayeuse en ultime sensation (l'effet kaolin ?)

Bonne année 2020 à toutes et tous !