vendredi 29 juin 2018

Une soirée en Provence


Pour la dernière soirée avant les vacances, le "Club Vins étonnants " avait choisi pour thème la Provence, histoire d'entendre chan'ter  les cigales à Limoges. Le restaurant La Muse Bouche nous avait préparé un menu ensoleillé pour l'accompagner. 


Nous démarrons par une série de mises en bouche. D'abord une chouquette aux anchois de St Jean de Luz (oui, bon, c'est pas la Provence, Saint-Jean de Luz, mais ça sent les vacances !). Deux vins blancs s'affrontent : un Côtes de Provence  Clos de la Procure 2015 (100 % Ugni blanc) Vs un Lubéron Château Fontvert 2016 (50 % Grenache blanc, 50 % Rolle). 


Foie gras & marmelade d'olives vertes

Le Lubéron, même s'il est le plus jeune des deux, est plus prêt à être bu (même si je pense qu'il sera encore meilleur dans 3-5 ans). Il est d'une grande intensité gustative, élancé, tonique, séveux, sur une aromatique provençale : amande, fenouil, herbes, fines notes fumées/grillées. 


Le brouillé d’asperge et fenouil à l’aigre-douce

Le Côtes de Provence est plus en rondeur, plus mûr, avec un élevage en barrique qui laisse plus son empreinte. L'Ugni blanc n'a pas une aromatique très expressive en jeunesse. Par contre, je n'ai pas de doute que dans quelques années, le vin se complexifiera et gagnera en profondeur. C'est un vin à encaver et à attendre au moins 5 ans. 


La terrine maison pour ceusses qui avaient encore faim

Le plus bel accord se faisait avec le brouillé, probablement grâce à l'asperge et au fenouil (parce que l'œuf et le vin, c'est pas ça...) : le Fontvert gagnait  en intensité et devenait vraiment superbe. Quel vin !


Le pain perdu aux 2 tomates façon Lautrec

Avec l'entrée (délicieuse et appropriée), un seul vin : le Baux de Provence rosé du Mas de Gourgonnier, une nouveauté dont je dois vous parler prochainement. Issu d'une saignée courte de 6 cépages rouges, il allie douceur et vinosité, avec juste ce qu'il faut d'épices. Le plat le densifie et lui apporte plus de punch. Un dialogue très sympa  s'installe entre les deux partenaires. On sent qu'ils ont du plaisir à bosser ensemble. Et nous avec. 


La marinade d’araignée de cochon à l’Espelette son risotto à la lavande et ses légumes braisés

Lorsque j'avais lu "risotto à la lavande", j'étais à la fois curieux et perplexe. Je n'aurais pas osé mettre de la lavande dans un plat salé. La première bouchée surprend, car ça goûte vraiment la lavande, mais en fait, on s'y habitue très rapidement et on se régale !

Pour l'accompagner, un nouveau duo ... de rouges : un Baux de Provence Réserve du Mas 2013 du Mas de Gourgonnier (Grenache/Syrah/Cabernet Sauvignon) Vs un Lubéron Château Fontvert 2016 (Syrah Grenache et Mourvèdre). Vous allez me trouver très Lubérophile, mais là encore, j'ai préféré le Fontvert à son adversaire : plus de niaque, de tension, d'intensité (j'en parle plus longuement ICI). Mais le Baux n'a pas démérité : il avait pour lui la complexité et la douceur en bouche, et un véritable charme. C'est juste que l'autre était trop fort ce soir-là. 


Fromages de chèvre du Pic :  rouelles (cendrée et nature), tommette et Lou Pennol

Avec les fromages, un seul rosé ... mais quel rosé ! Le tuilé de Saint-Jeannet dont je parlais il y a quelques jours. Vieilli durant 6-8 mois en bonbonnes de verres en plein soleil, il se madérise dans le bon sens du terme. Je me suis permis de le servir à température ambiante, histoire de profiter de son aromatique complexe/baroque et de sa douceur tactile. Contrairement à un Madère ou à un Banyuls ambré, on ne sentait pas du tout l'alcool (seulement 12.5 %). Un pur régal que l'on peut boire avec des fromages ou des plats épicés, mais aussi seul comme "vin de méditation". 


Les fameuses profiteroles au caramel beurre-salé

Allez, le terme fameuses n'est pas extorqué : c'est vrai qu'elles étaient très bonnes, ces profiteroles. D'autant que la glace dont elles étaient garnies permettait de profiter pleinement du Rasteau Ambré 2009 du Coteaux des Travers. L'alcool (17.5 % cette fois-ci) était équilibré par le froid. On pouvait donc jouir de l'accord avec le caramel au beurre salé. Jouissif !

Merci à toute l'équipe de la Muse Bouche. On reviendra en septembre !

jeudi 28 juin 2018

Gaure : le Chardonnay ... donné !


Le Chardonnay, tout le monde aime ça même s'il n'ose pas l'admettre – il est plus chic de lui préférer le Chenin et le Riesling (ce qui est mon cas, j'avoue). Mais souvent, un bon Chardonnay ... c'est pas donné. Je vous avais parlé de ce Chardonnay de Gaure l'année dernière qui a toutes les qualités de ce cépage, sauf le prix. Il nous revient depuis quelques jours sous le millésime 2017 : pour être tout à fait honnête, je lui préférais le 2016 qui était sur un registre un peu moins mûr. Dans l'esprit, celui-ci fait plus Mâconnais que Côtes de Beaune. Mais tout de même, c'est vraiment très bon, bien équilibré, et donne une image fidèle du Chardonnay. Et puis ... c'est donné, car il ne coûte "que" 10.90 €, ce qui ne me semble pas cher au vu de ses qualités.

La robe est jaune paille intense, brillante. 

Le nez est expressif, sur la poire au sirop, la pomme rôtie au beurre, la brioche qui sort du four..  Y a pas, c'est du Chardo !

La bouche est ronde, ample, mûre, avec une matière à la chair dense, veloutée, et une fine acidité en arrière-plan qui étire l'ensemble et apporte de la fraîcheur. 

Celle-ci passe au premier plan en finale, soulignée par de nobles amers (bigarade) et des notes grillées dues à l'élevage. Les fruits blancs mûrs sont discrètement de retour. Le tout persiste sur un trio acide/amer/grillé agréablement dérangeant. 


mercredi 27 juin 2018

Visite au domaine Tripoz



Je vous ai déjà raconté ICI mon après-midi du 25 mai. Voici donc le matin, passé au domaine Tripoz à Loché. Le nom de ce village est connu grâce aux appellations Pouilly-Loché et Mâcon-Loché, mais il est en fait tout petit (300 habitants). Tous les deux natifs de Loché, Laurent et Céline se connaissent depuis leur enfance et ont très vite su qu'ils construiraient leur vie ensemble. 


Fils de métayers, Laurent a fait une formation d'ébéniste (c'est lui qui a fabriqué le meuble ci-dessus). Mais il est difficile de résister à l'appel de la vigne lorsque celle-ci vous cerne. Il commence à planter une parcelle en 1987 qu'il commence à récolter en 1990 ... et à vinifier, contrairement à la plupart de ses voisins qui vendent leur vendange à la cave locale. Petit à petit, le mini-domaine s'agrandit. Céline abandonne son travail dans la formation continue en 1996 pour venir épauler son époux. En 1999, ils commencent à élaborer leurs crémants, au lieu de le confier à une maison spécialisée.  En 2001, le couple fait la pari de la biodynamie, alors que ce n'est pas encore hyper-tendance. Ils obtiennent rapidement des raisins de meilleure qualité qu'il est beaucoup plus facile à vinifier au chai. 


Juste en face de leur maison, il y avait une grande grange qui était à vendre. Céline et Laurent l'ont achetée et en ont fait leur hangar technique (et accessoirement atelier de menuiserie de Laurent). La superficie du vignoble  ne nécessiterait pas trois enjambeurs. En fait, chacun est spécialisé dans une tâche : un pour les traitements, un autre pour le travail du sol, un troisième pour le rognage. Cela évite d'installer et désinstaller les différents équipements au gré des besoins. Plus de temps et moins de stress. 



Ceci est la chaudière qui sert à préparer les tisanes ou les décoctions de plantes : ortie, prêle, valériane, etc... Elles sont ensuite transférées dans le dynamiseur en cuivre situé à quelques mètres et mélangées avec le cuivre ou le soufre, avant de remplir le pulvériseur par gravité. 


Les gyropalettes qui servent à remuer les crémants. On peut faire tourner 500 bouteilles dans le même temps qu'une seule sur un pupitre à l'ancienne. Le but est de passer progressivement les bouteilles de l'horizontale à la verticale afin de pouvoir expulser la lie lors du dégorgement. 


La majeure partie des vignes est à proximité du domaine. Nous sommes ici dans une parcelle de jeunes Chardonnay qui vont pour l'instant dans le Crémant. A quelques mètres, il y a les Pinots noirs du Chant de la Tour


De l'autre côté du chemin, la parcelle de Chardonnay qui donne naissance au Bourgogne Les Chênes. C'est la plus ancienne vigne  du domaine et appartenait à la mère de Céline. Elle n'a pas vu de traitement chimique depuis presque 50 ans. 


Entre la maison des Tripoz et les vignes, nous nous  arrêtons dans une très belle maison appartenant à la famille de Céline.


Au sous-sol de celle-ci, je découvre le chai à barriques : environ un quart de la production du domaine est élevé ici. Le reste se fait au cuvier de la propriété. 


Nous y voilà, tiens :-)


Le pressoir pneumatique qui permet d'obtenir des jus clairs tout en douceur.


Discuter et marcher, ça donne soif ! Si on dégustait, maintenant ? 

Fleur d'Aligoté : nez frais, citronné, avec une touche d'embruns (les coquillages ci-dessous ?). La bouche est fraîche, pure, éclatante, avec des bulles très fines. Finale tonique et gourmande. Miam !

Crémant de Bourgogne : nez sur la pomme et la noisette fraîches. Bouche longue, fine, tapissante, avec des bulles frétillantes. Finale plus crayeuse, très Brut Nature !

Crémant de Bourgogne Prestige (2014) : nez sur des notes pâtissières, les fruits secs grillés. Bouche ample, majestueuse, au toucher moelleux, avec des bulles fines et éclatantes. Finale subtilement amère sur le coing et les fruits secs. Déjà très bon, mais encore meilleur d'ici 2-3 ans.

Bourgogne les Chênes 2016 : nez fin et expressif, sur les fleurs blanches, le miel et les fruits secs. La bouche est ample, pure, fine et aérienne, avec une tension d'une grande douceur et des notes iodées. La finale est dominée par une noble amertume.

Bourgogne les Chênes 2015 (prochainement commercialisé) : nez plus minéral. Bouche plus élancée, plus droite, très "jus de cailloux". Un style presque chablisien.

Pouilly-Loché 2015 : nez sur l'agrume confit et l'ardoise chauffée au soleil. Bouche droite, pure, élancée, classieuse et racée, tout en restant en finesse. Longue finale expressive. Excellent !

Les Graves 2016 (Gamay) : robe rouge très clair, presque rosée. Nez gourmand sur la cerise et la réglisse. Bouche douce, très souple, pétante de fruit. Un pur régal !

Le chant de la tour 2016 (Pinot noir) : très joli nez sur les petits fruits rouges et les épices. Bouche ample, soyeuse, avec une très belle tension et de l'allonge. Finale intense, sur la cerise et la terre humide. Extra !


L'un des nombreux fossiles trouvés dans les vignes : minéral, végétal, animal :-)


Merci à Cécile et Laurent pour leur accueil !

mardi 26 juin 2018

Du rat des pâquerettes à son plus haut niveau !


Le cépage Duras est une exception dans le paysage viticole du Sud-Ouest : fruit d'un mariage jurassico-bourguignon (Savagnin X Tressot noir), il n'a aucune parenté avec les Carmenets et les Cotoïdes qui peuplent la région. Et donc, pas de poivre/poivron, de tannins puissants, d'épices, de violette... 

Même si Robert Plageoles est le premier avoir mis en avant le Duras, il existait encore à Gaillac des vieilles vignes de ce cépage. Le domaine Causse Marines possède ainsi une parcelle de 70 ans qui a servi à produire Du rat... et des pâquerettes. Patrice Lescarret  a non seulement extrait la matière tout en douceur – juste quelques pigeages en 3 semaines – mais il n'a conservé que le vin de goutte. Si l'on ajoute à cela une quasi-absence de sulfites, zéro filtration, MAIS beaucoup de rigueur, on obtient un vin d'une grande pureté de fruit, avec une matière superbe, sans la moindre accroche. On ne peut que tomber sous le charme, pour peu que l'on ait l'esprit ouvert – car c'est tout de même un saut dans l'inconnu. 

La robe fait penser à une grosse cerise Burlat liquide (cf photo infra)

Le nez est des plus étonnants, sur la cerise noire, l'orange sanguine/amère, et même quelques plantes médicinales – on croirait qu'on y a ajouté quelques gouttes de Macvin.

La bouche est élancée, tout en gagnant rapidement en ampleur, déployant une matière douce et veloutée, juteuse, profonde, dotée d'une grande fraîcheur aromatique reposant plus sur les amers que l'acidité. Cela lui apporte une intensité vibrante qui personnellement m'enthousiasme.

La finale tonique est totalement raccord, avec cette jutosité délicieusement amère et une tension qui monte d'un cran. Arrive seulement après une mâche gourmande, éclatante de fruit où se mêlent –joyeusement et sans agressivité –  amertume et astringence.


lundi 25 juin 2018

Tuilé de Saint-Jeannet : le rosé comme vous ne l'avez jamais bu !


Bon, j'avoue : je n'avais jusque là jamais goûté le rosé tuilé de Saint-Jeannet. C'est pourtant l'un des plus anciens vins du site. Mais comme il se vend tout seul, je ne m'en suis pas trop préoccupé. Il se trouve que cette semaine, je vais faire une soirée dégustation sur le thème de la Provence. Ce vin me paraissait idéal pour celle-ci, mais ne sachant pas trop à quoi il ressemblait, j'ai sacrifié une bouteille. (on est comme ça, à Vins étonnants). Eh bien, je n'ai pas été déçu : ce vin est une vraie bombe qui vous marque au fer rouge. Il sera servi au repas avec du parmesan, car je ne vois pas beaucoup de plats salés qui pourraient lui résister. 


Issu du Grenache et du Mourvèdre, ce rosé a été exposé au soleil en bonbonne durant 6 à 8 mois. Ce qui explique son profil proche du Madère, si ce n'est qu'il est moins riche en alcool. Même s'il ne contient pas de sucre, on est plutôt sur un "vin de méditation" tant sa complexité et sa puissance rendent difficile la dégustation d'une autre cuvée, à moins que l'on monte encore d'un cran. C'est probablement ce que nous allons faire... 

La robe est...  tuilée, forcément ;-)

Mais on pourrait dire aussi entre l'ambre et le cuivre.

Le nez est fin et intense, évoquant un Rivesaltes ambré, le côté alcooleux en moins : liqueur de noix, épices, écorce d'orange, pêche séchée...

La bouche est ronde, très ample, avec une matière soyeuse qui vous emplit le moindre mm² de votre palais. Une fine acidité traçante apporte une tension et une pêche incroyables. Le tout est d'une grande intensité aromatique.

La finale monte encore d'un cran, confinant à l'explosif : vous êtes submergé de saveurs épicées, avec l'impression d'être dans un souk oriental, avec une puissance et une persistance rares. Magique !




vendredi 22 juin 2018

Sepp Moser : de mieux en mieux !


Cela fait maintenant quatre ans que nous travaillons avec Sepp Moser, domaine en biodynamie en Autriche, dirigé aujourd'hui par le sympathique et talentueux Nikki Moser. Millésime après millésime, j'ai l'impression qu'il trouve de plus en plus ses marques, avec des vins plus précis, des maturités plus abouties tout en gardant de la fraîcheur. 

Entre les gelées qui ont ravagé l'Autriche au printemps 2017 et le succès commercial, une partie de nos références habituelles n'était pas disponible (Riesling, certaines cuvées de Zweigelt). Mais nous avons trouvé notre bonheur dans d'autres cuvées que nous n'avions pas jusqu'ici : un Grüner Veltliner sans soufre ajouté – plus abordable que le Minimal –, un étonnant Pinot noir et un délicieux rosé. Prosit !





La robe est or pâle, brillante.

Le nez est expressif, sur le citron confit, la bergamote, avec une touche fumée/minérale et une petite pincée d'herbes aromatiques (sauge, menthe poivrée).

La bouche est tendue, longiligne,  tout en n'affichant pas une acidité saillante, avec une matière mûre, dense, dominée par le citron confit et toujours ces herbes en arrière-plan. C'est vraiment classe pour un "petit" vin.

La finale est intense, mêlant les amers de l'écorce d'agrume à l'acidité traçante, avec une persistance sur des notes citronnées/salines et une petite touche "Chartreuse". Très bon !





La robe est proche, avec des reflets verts/argentés.

Le nez est plus vif, sur le zeste frais de citron et la craie mouillée.

La bouche est nettement plus tonique, avec une acidité plus marquée et une matière plus fraîche/cristalline. Là encore, l'agrume est plus frais que confit. L'ensemble fait très "eau de roche" sans cocotter le Rochas.

La finale est nette, très rafraîchissante, entre citron et notes caillouteuses. LE vin minéral dans toute sa simplicité dont rêvent nombre d'amateurs.




La robe a un jaune nettement plus pétant, mais trouble (pas filtré)

Le nez est plutôt discret, sur le terpène d'agrume (façon Riesling) et la pomme confite.

La bouche est tendue, tout en étant enrobée par une matière nettement plus riche/ronde que les deux vins précédents. Un léger perlant soutient l'ensemble et apporte un peps supplémentaire. L'ensemble est très bien équilibré, avec une fraîcheur et une gourmandise superlatives.

Celles-ci se poursuivent dans la finale  très "Chenin",  avec des amers assez jouissifs, sur une aromatique "tarte meringuée au citron". C'est vraiment p... bon !




Zweigelt rosé (9.90 €) 

La robe est pétale de rose (ou framboise délavée). En tout cas, elle est jolie !

Le nez est très fraise/framboise, rafraîchie par le zeste d'agrume et une touche de pierre mouillée.

La bouche est fraîche, tonique, pétante de fruit, avec un léger perlant qui crépite agréablement en bouche. L'ensemble rappelle un peu les friandises acidulées de notre enfance

La finale dévoile de nobles amers, soulignés par une acidité vivifiante. Le citron règne en maître, même si des petits fruits rouges sont suggérés. Un rosé parfait pour ceux qui détestent le rosé !




La robe est pourpre translucide.

Le nez est d'abord réduit – pas désagréablement - puis évoque après aération la cerise noire, la cacao en poudre et la terre humide (ou fraîchement retournée).

La bouche est ronde, souple, fruitée, avec une chair délicatement veloutée qui vous caresse le palais. L'équilibre est juste parfait, sur une fraîcheur croquante/gourmande.

La finale n'est pas en reste, avec de la niaque, une fine mâche savoureuse où la cerise domine, accompagnée par le cacao. Le tout se prolonge sur les épices et de nobles amers. Miam !



La robe est grenat translucide aux reflets évolués (si, si).

Le nez est fin, aérien, sur la liqueur de cerise/framboise, le noyau, l'orange confite  et le bois précieux.

La bouche est ronde, très ample, déployant une matière soyeuse au toucher doux et sensuel, limite troublant : c'est un peu la danse des mille voiles ! Une acidité arachnéenne étire le tout et apporte un contrepoint bienvenu de fraîcheur à une aromatique qu'on pourrait qualifier de "compotée". On pourrait partir à l'aveugle sur un grenache de (très) noble origine. A l'instar de ce dernier, on retrouve aussi des notes d'écorce d'orange.

La finale intense prolonge cette acidité en la couplant avec les amers de la bigarade. La liqueur de cerise est toujours là, l'orange aussi. Et puis les épices cacaotés qui prolongent (très) agréablement le tout. Excellent !


jeudi 21 juin 2018

Jasnières, l'Autre pays du Chenin


Quand on parle des grands Chenins, il y en a qui préfèrent ceux de Touraine (ah, Foreau, Huet, Blot !) et ceux qui vénèrent l'Anjou (Bernaudeau, Angéli, Rougeard, Coulée de Serrant...). On a tendance à oublier la Sarthe qui donne naissance aux Jasnières, Coteaux du Loir et François Fillon. Ce Jasnières 2016 de la Roche bleue montre que les vins de ce secteur n'ont vraiment rien à envier aux voisins ligériens. Il est même probable qu'il en explose pas mal en plein vol, tellement sa beauté est évidente. 

La robe est or clair, brillante.

Le nez est fin, intense et profond, sur la poire confite, le beurre frais, le zeste de citron et la frangipane. S'y ajoutent de la craie humide (l'impression d'être dans une cave en tuffeau) et une petite pointe de fumé/grillé. 

La bouche a un profil plutôt élancé/longiligne. Mais la fine acidité qui l'étire est tellement enrobée par une matière ronde, dense et mûre que l'on a cette sensation d'ampleur et de plénitude. L'équilibre entre maturité aboutie et acidité traçante est magistral et renvoie à leurs études nombre de Savennières, Vouvray et consorts. 

En finale, on retrouve les 3 A du Chenin (Acidité, Amertume et Astringence) à un degré élevé : on mord dans le pomelo, écorce incluse, avec un supplément gingembre/quinquina, et la poire qui la ramène ; et la craie, autant dans l'aromatique que le toucher. C'est un festival des papilles ! Comme souvent dans le Chenin, ce sont les (superbes) amers qui finissent par l'emporter. On trouve ça sublime ou on part en courant !




mercredi 20 juin 2018

"Tu m'intéresses !" est-il intéressant ?


Certains d'entre vous savent que tu m'intéresses est la suite logique de la cuvée Cause toujours. Lorsque l'on dit "Cause toujours, tu m'intéresses", cela signifie exactement l'inverse. En gros : "cause autant que tu veux, j'm'en f... "

Faut-il donc se f... de tu m'intéresses ou faut-il au contraire s'y intéresser ? Réponse tout de suite, sans coupure publicitaire ;-)

La robe est grenat translucide, aux reflets violacés. 

Le nez est d'abord marqué par le fermentation carbonique, vous faisant penser à un Beaujo nouveau. Puis, avec l'aération, il devient plus intéressant, partant sur la pivoine, la framboise confite, l'ardoise chaude, avec une touche poivrée. 

La bouche est ronde, ample, enveloppante, avec une matière soyeuse qui gagne progressivement en densité tout en restant souple et équilibrée. C'est d'une digestibilité assez unique en Languedoc. 

La finale est finement mâchue, savoureuse, avec des notes ferreuses/poivrées qui soulignent le fruit gourmand.  Celles-ci persistent assez longuement, avec une jolie rétro-olfaction sur le floral. 

Donc OUI, tu m'intéresses  est vraiment intéressant, surtout lorsque l'on sait que c'est vendu à (un tout petit peu) moins de 10 €, que c'est en BIO, peu sulfité, toussa... L'affaire du jour, quoi ! 


mardi 19 juin 2018

Cinsault seriously cool : la patience finit par (bien) payer !


Ce Cinsault by Waterkloof * est un vin qui a demandé beaucoup de patience. J'aurais dû m'en douter : c'était marqué Seriously cool sur l'étiquette. Il faut en effet être seriously cool pour ne pas benner la bouteille au bout de plusieurs dizaines d'heures de mutisme. J'vous raconte

Je l'ai donc ouvert mardi 12 juin, en même temps que le Pinot noir patagonien et le f...  Merlot américain dont je vous parlais ICI. Au départ, j'avais prévu un trio. Mais ce Cinsault était tellement inexpressif au nez que j'ai du me contenter d'un duel. Ceci dit,  un p'tit quelque chose me faisait pressentir qu'avec le temps, tout s'épanouit (oui, c'est presque du Ferré).  

Le lendemain, ce n'est guère mieux, même si le nez est déjà un peu plus expressif. Mais en bouche, s'il y a bien une attaque et une finale plutôt sympathiques, c'est le vide sidéral entre les deux.

Le surlendemain, miracle.  Le vin s'est enfin ouvert. Le nez est non seulement complexe, mais part sur une aromatique incroyable que je n'ai jamais senti dans un vin La bouche est ciselée, avec de la tension et de la délicatesse. La finale est encore plus incroyable. Mais je vous laisse découvrir...


La robe est grenat bien translucide, aux reflets légèrement évolués.

Le nez est fin et intense sur l'orange cloutée aux clous de girofle et le Grand Marnier (yesss !)

La bouche est longiligne, hyper-tendue – mais pas raide – à peine enrobée d'une matière très fine, fraîche, limite impalpable, plus gazeuse que liquide.

La finale tonique prolonge sans rupture la tension perçue en bouche. Elle est très marquée par l'écorce d'orange confite et les épices, avec un beau mariage amertume/astringence. Le tout persiste longuement, avec l'impression d'avoir bu un Grand-Marnier, le sucre et l'alcool en moins. 

Bref, un vin à l'aromatique totalement dingue : vous vous demandez ce que vous êtes en train de boire. Si vous avez à votre disposition, c'est le style de bouteille à servir en verres noirs, histoire de ne pas se laisser influencer par la robe. 

Reste à savoir comment vous y prendre si vous achetez cette bouteille. Si vous voulez le servir le jour de l'ouverture, je pense qu'en le carafant le matin pour le soir (quitte à secouer un peu la bouteille si ça n'a pas évolué à 18h00), ça doit pouvoir le faire. Sinon, deux jours à l'avance en épaulant, je peux témoigner : ça le fait !

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* Certains doivent se demander ce que fait du Cinsault en Afrique du Sud. Eh bien sachez qu'il y est présent depuis plus d'un siècle sous le nom d'Hermitage. Il a joué un rôle central dans la viticulture locale : les vignerons avaient essayé d'implanter le Pinot noir en Afrique du Sud, avec des résultats guère satisfaisants. Le Pr Abraham Perold a alors tenté un croisement avec le Cinsault, et ça a beaucoup mieux fonctionné : le Pinotage est devenu le cépage rouge emblématique de l'Afrique du Sud.  



lundi 18 juin 2018

Pinon, collection automne 2017


Comme on n'est jamais mieux servi que par les personnes concernées, voici comment François et Julien Pinon parlent du millésime 2017 :

"2017 est l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre. Chaque année, le record est battu… Une fois de plus, le gel ne nous a pas épargné et nous avons perdu 20 % de la récolte, le 26 avril. Afin de lutter contre le froid, nous avons fait voler un hélicoptère au-dessus de nos parcelles. 

En France, 2017 est la plus faible récolte depuis 1945 ! Cette année-là, il a gelé les 1er et 3 mai (Claude s’en souvient), avec 10 cm de neige à Paris quelques jours avant l’Armistice.

Après les frimas, une canicule s’est installée en mai-juin, puis la pluie est arrivée juste avant les vendanges. Ces à-coups climatiques ont créé une différence de maturité entre les grappes, avec –  sur une même parcelle –  des raisins mûrs, des verts et des pourris.

Vu ces disparités, nous avons trié trois fois chaque parcelle. Un travail de fourmi, mais nécessaire pour ramasser les bons raisins au bon moment et laisser mûrir les autres. C’est le seul moyen pour récolter la meilleure matière première.

Les premiers coups de sécateurs ont retenti le 14 septembre, avec un mois d’avance. Les fermentations sont allées très vite et se sont bien passées. Au Nouvel An, les vins étaient déjà prêts, leur permettant un élevage plus long. Au final, ils sont fins et équilibrés; tout en rondeur. "



Vouvray Sec 2017 (13.50 €)

La robe est jaune pâle, aux reflets verts/argentés.

Le nez est fin, frais, profond, sur la poire, la fleur d'acacia et la craie humide. 

La bouche est tendue comme un arc de compét', avec un fil acide qui s'étire et s'étire encore. Il est juste enrobée par une matière ronde, finement pulpeuse, aux accents minéraux et citronnés. 

On retrouve l'acidité et le citron en finale, avec l'impression de croquer dans le fruit. Ceci, sans agressivité. On a plutôt l'impression de se désaltérer avec une limonade maison non sucrée. 



La robe est proche du précédent, mais avec des reflets plus dorés. 

Le nez est plus discret, mais sur des notes plus mûres : pomme rôtie au beurre, miel, avec toujours ce contrepoint frais de la craie humide. 

La bouche est presque aussi tendue que le vin précédent, mais l'acidité est moins saillante, du fait d'une matière plus riche et dense, presque moelleuse. Le premier était plutôt strict : ce vin, lui, est gourmand, sur des notes de poire, de miel et de coing. 

La finale est une merveille d'équilibre, avec non seulement le Triple A déjà évoqué précédemment (Amertume, Astringence, Acidité) mais des discrets sucres résiduels allié à des notes mûres/confites. Et le crayeux pour finir, tout en subtilité. Excellent !


Le nez est plus aérien/diaphane, mais en même temps plus mûr encore : on a l'impression d'avoir un liquoreux dans le verre. 

La bouche est aussi tendue que ses "collègues", mais sur un style plus ample, plus aérien, avec un toucher d'une grande douceur : une vraie caresse qui vous envahit le palais !

Par contraste, la niaque de la finale détonne : elle est fraîche, tonique, avec là aussi un bel équilibre 3A/sucres. Les (nobles) amers finissent par l'emporter et c'est assez somptueux. Ou jouissif. Les deux à la fois, on va dire. 


vendredi 15 juin 2018

Harmonie la bien nommée


Cette Harmonie de Gaïa est certainement la cuvée dont j'ai le plus parlée sur ce blog. Il faut dire que c'est l'un des vins rouges que nous vendons le plus, mis à part les Darons de Jeff Carrel. Il faut donc année après année s'assurer de voir si le vin se rapproche du précédent... ou non. Pour ceux que ça intéresse, voici la récap'





La robe est grenat bien sombre aux reflets violacés. 

Le nez est expressif, sur le coulis de fruits noirs, la grenadine, la tapenade et une petite touche lactée (yaourt). Une pointe fumée, aussi.

La bouche est ronde, charnue – voire charnelle –  avec une matière dense et veloutée qui vous envahit le palais. Un peu la sensation de boire un smoothie (ou du Yop ?) en terme de texture, v'voyez ? On a du mal à appeler cela des tannins, car c'est tout doux, rassurant comme la peluche de votre enfance. En même temps, dirait E.M., c'est une boisson d'homme. Enfin d'adulte. avec de l'alcool (bien planqué), une aromatique intense mêlant les fruits noirs, le tabac gris et la réglisse. Le tout est vraiment harmonieux – comme quoi, il y en a qui tiennent leurs promesses. 

La finale gagne en concentration et en niaque sans perdre en harmonie, sur des saveurs réglissées/poivrées, complétées par des notes de garrigue. Et la petite touche yaourtée qui fait un tour d'honneur. Jusqu'au bout, il nous garder notre âme d'enfant ;-)


jeudi 14 juin 2018

Après les petits cailloux, les petits Rochers...


Sur la dernière palette qui nous est arrivée de chez Xavier Weisskopf, il y avait en plus de Négrette et Touche-Mitaine trois "petits" vins qui ne sont pas en appellation Montlouis. Je vous ai déjà parlé du Chardonnay ICI en décembre dernier,  mais une piqûre de rappel ne fait pas de mal – enfin, celle-ci, en tout cas. Par contre, le Touraine rosé et le Chenin sont des vraies nouveautés à Vins étonnants

Le Touraine est un rosé de pressée issue de vieilles vignes de Côt et de Grolleau. En Loire, on pratique plus souvent la saignée, ce qui apporte un fruit gourmand. Là, seul ressort le caractère poivré/épicé des cépages. Ce qui en fait l'un des rosés les plus austères que j'ai pu boire (et ce n'est pas pour me déplaire). 

Le Chenin est issu de raisins provenant de Vouvray (sur argiles à silex).  Xavier Weisskopf a été confronté aux mêmes problèmes que Jacky Blot et François Chidaine. La vinification s'étant effectuée à Montlouis, cette cuvée a été classée en Vin de France. Précisons qu'elle a été vinifiée et élevée dans des demi-muids de 500 l de plusieurs vins.



Chardonnay 2016 (10.95 €) 

La robe est jaune paille, brillante. 

Le nez fait très Chardo, avec ses notes de beurre noisette, les fruits blancs bien mûrs, une pointe de grillé. Le tout rafraîchi par une touche de pierre humide. 

La bouche est ronde, fraîche gourmande, avec l'impression de croquer dans la baie de raisin. L'ensemble est frais, digeste, facile d'approche, tout en ayant du fond. 

On le sent d'ailleurs dans la finale crayeuse/saline, avec un retour du beurre et des fruits blancs. Des épices aussi.  Un vin très agréable, qui sera parfait dans une dégustation d'initiation "vins de cépage". 


Chenin 2016 (11.50 €)

La robe est entre la paille et l'or, brillante.  

Le nez frais évoque les fruits blancs – pomme, poire, coing –  le miel et la craie humide.  

La bouche est  longiligne, tendue par une fine acidité qui gagne progressivement en vigueur et intensité. Elle est heureusement enrobée par une matière ronde, à la chair dense, mêlant les notes "caillouteuse" à la poire et au tilleul. 

La finale est intense, avec le triple A  qui vous en met plein les papilles : on a  l'Astringence et l'Amertume de l'écorce d'agrume ainsi que l'Acidité évoquée plus haut qui gagne encore en puissance, et persiste même une fois la dernière goutte avalée, soulignée par une sensation crayeuse.

Clairement un vin d'amateur à ne pas confier à tous les palais. Si l'heureux acheteur garde cette bouteille au moins 5 ans en cave, sa patience devrait être récompensée : elle a tout pour devenir superbe !



La robe est oeil de perdrix*. 

Le nez  est réduit à l'ouverture. Après aération, il part sur la groseille à maquereau et des notes ferreuses/poivrées (l'effet Pineau d'Aunis ?).  

La bouche est tendue, avec une fine acidité traçante qui étire le vin.  Ici, pas d'enrobage pour arrondir les angles : la matière est des plus fluides, évoquant l'eau d'un torrent qui dévale à toute vitesse. L'aromatique "minérale" cistercienne est plus typique d'un blanc que d'un rosé. Le tout fait penser à une lame d'acier qui vous fend le palais en deux avec une  précision chirurgicale. 

La finale est proche des blancs du producteur, avec une fine mâche crayeuse et une acidité tonique. Une petite touche vineuse/épicée et des notes groseillées/ferreuses vous rappellent tout de même que ce vin a été produit avec des raisins noirs. 

Ce vin est clairement destiné à ceux qui détestent d'ordinaire le rosé (et sera détesté par ceux qui l'aiment d'ordinaire). Il pourra être servi avec tous les plats qui requièrent d'ordinaire un blanc  vif : huîtres, poissons grillés, fromages de chèvre... 

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* couleur que prend l'œil d'une perdrix à l'agonie (végans, s'abstenir)