mardi 30 avril 2019

Emile & Rose 3.0


Le domaine des 1000 roses fut créé en 2004 par Marcel et Caroline Gisclard suite à une reprise du domaine familialÀ peine commençait-il à être connu et reconnu qu'il dût être rebaptisé car un château médocain portant le même nom en réclama l'exclusivité. La vie fait bien les choses : parmi les ancêtres des propriétaires, il y avait un Emile et une Rose. Et ainsi renaquit de ses cendres encore chaudes le domaine d'Emile et Rose !

Début 2018, Marcel et Caroline ont pris une retraite bien méritée. Anne-Laure et Marc Royo se lancent dans l'aventure viticole. Ils profitent du rachat pour doubler quasiment la taille du domaine. Tout passe évidemment en bio. Les cuvées "historiques" gardent leur certification AB, mais les nouvelles sont parties pour trois ans de conversion (comme par exemple les deux blancs que je vous présente aujourd'hui). 

J'ai pu déguster toutes les cuvées 3.0 à Millésime BIO en janvier dernier : j'ai vraiment été impressionné par le niveau général. Est-la chance du débutant ? Peut-être. En tout cas, pas de doute que Emile & Rose sont entre de bonnes mains. L'avenir leur appartient !





100 % Grenache blanc - Vinification et élevage en cuve

La robe est jaune très pâle, aux reflets argentés.

Le nez est à la fois riche et frais, sur la poire au sirop, la fleur d'acacia, la fraise acidulée et les épices.

La bouche est ronde, ample, déployant avec générosité une matière  fine et onctueuse,  déposant un léger film gras sur les parois du palais. Ce qui est fou, c'est que l'on ressent en même temps une grande fraîcheur, sans trop réussir à comprendre d'où elle provient.

La finale est énergique, séveuse, gagnant encore en onctuosité et en puissance aromatique, avec une persistance sur les fruits jaunes et les épices (gingembre, entre autres).






100 % Grenache blanc - 40 % amphore et 60 % fûts 


La robe est quasi identique.

Le nez est moins exubérant, sur la pêche blanche, l'abricot et le chèvrefeuille.

La bouche est plus élancée et aérienne, avec une matière proche du "gazeux", d'une rare délicatesse pour un grenache blanc. L'aromatique florale est soulignée par des notes épicées/grillées provenant de l'élevage partiel en fûts. Très bien intégrées et subtiles, elles ne sont pas du tout dérangeantes (c'est quelqu'un qui détestent le boisé qui vous le dit). 

La finale prolonge la bouche sans à-coup, tout en gagnant en concentration, avec un retour de l'abricot et des épices, complétés par des notes fumées et pâtissières (crème brûlée, pâte sablée au beurre).






100 % Cinsault -  Vinification et élevage en cuve 

La robe est grenat bien translucide

Le nez est très gourmand, sur la cerise, le noyau  et les épices.

La bouche est ronde, ample, soyeuse, déroulant avec maestria une matière fraîche, croquante et fruitée absolument irrésistible. Résumé en deux mots :  harmonie et digestibilité.

La finale est savoureuse, hyper gourmande, avec un fruit qui gagne encore en intensité et en "croquant". Une légère mâche "cerise/terre pinotante" achève le maraboutage. J'a-dore !


Pierre figée 2018 (10.50 €)

100 % Grenache noir - Élevage en amphore

La robe est proche du précédent.

Le nez est très beau, sur la cerise confite, la framboise, la pivoine et l'orange sanguine.

La bouche est sphérique, très enveloppante, avec une matière soyeuse qui envahit le moindre mm² disponible. Le fruit est d'une pureté totale, si ce n'est un "rafraîchissement"  par les agrumes.

La finale est fraîche, tonique, avec un fruit explosif et cet agrume qui gagne encore en intensité et qui persiste, accompagné par la cerise et son noyau (et cette légère touche de terre). J'adore ++.

PS : je suis de nouveau en vacances à partir de ce soir. Ne vous étonnez donc pas de mon silence durant une bonne semaine. 


lundi 29 avril 2019

Bohème : c'est extra !


Au départ, j'ai juste ôté la capsule de cette Bohème Extra Large pour connaître le millésime qui n 'est pas indiqué sur l'étiquette. Et … nada. Le bouchon est neutre de chez neutre. Il n'y a même pas le nom du producteur. Sans capsule, la bouteille est difficile à vendre, quand bien même la qualité du vin n'est pas altérée. Ayant reçu la veille un mail d'un client qui me demandait à quoi ressemblait ce nouvel arrivage de Bohème, j'ai donc sacrifié cette bouteille sur l'autel de la transparence commerciale. 

Durant les deux premières minutes d'observation, j'ai trouvé ce vin un peu trop "nature" pour déclencher mon enthousiasme. Je ne me voyais pas en parler sur le blog. Mais assez rapidement, l'aération  faisant,  je suis tombé sous son charme, et il m'a fallu un sacré self-control pour en laisser un tiers pour que le chef puisse y goûter. 

La robe est or pâle.

Le nez évoque la pomme chaude, le beurre frais, avec une touche caillouteuse. La bouche est éclatante de fraîcheur, avec une "eau de roche" désaltérante qui vous emplit le palais, tout en ayant aucune acidité perceptible. Rien d'agressif, tout au contraire : il a la rondeur et la zénitude de Bouddha.

La finale, savoureuse et finement mâchue,  mêle de subtils amers aux fruits blancs, avec une belle  persistance sur des notes salines et la poire tapée.

Ce n'est certes pas très complexe, et plutôt à l'opposé des vins qui me bottent d'ordinaire : rieslings, chenins, mansengs… Et pourtant, je ne peux m'empêcher d'y prendre beaucoup de plaisir, car il dégage une évidence – une naturalité, dirait Ducasse – qui ne peut laisser indifférent et finit par vous ensorceler. 

PS : j'ai téléphoné au domaine pour connaître le millésime : c'est un assemblage de  2015 et 2017 (d'où Extra-Large)



vendredi 26 avril 2019

Y a qu'du bien à s' faire le Mal :-)


Se mettre aux vins sans soufre, pourquoi pas* ? Encore faut-il que le plaisir que l'on avait avec les vins sulfités soit toujours au rendez-vous. Car sinon, est-ce que cela en vaut vraiment la peine ? Certains vous présentent les défauts présents dans pas mal de "vins nature" comme les jalons d'une nouvelle aventure vinique. Avant, vous ne les appréciiez pas, car vous étiez formatés par les vins conventionnels. Mais après, une fois que vous serez purifiés, vous les trouverez formidables ! (je pouffe)

J'ai une autre solution, plus simple, qui ne demande aucune séance de désintoxication : des vins "nature" zero défauts ne nécessitant aucun apprentissage. Il suffit d'aller dans notre catégories "vins sans sulfites" et de choisir les vins numérotés  ①ou ② [pour l'instant, on ne peut pas le faire avec la recherche avancée, mais on y travaille]. L'un des premiers que vous trouverez – si vous faites une recherche par prix croissant –  sera Le Mal' de Beynat, un Bordeaux qui ne ressemble pas à l'idée que l'on se fait des vins de cette région (car contenant une forte proportion de Mal'Bec et vinifié à basse température) mais qui ressemble encore moins à un "vin nature". Même son prix (8.50 € ) le disqualifie : pas assez cher, mon fils !

Ce vin a été mis en bouteille il y a moins de deux mois. Il gagnera à être encore attendu pour s'exprimer pleinement. Mais déjà, il me plaît bien (sinon, je ne vous en parlerais pas). 

La robe est pourpre sombre ... mais translucide.

Le nez est fin et gourmand, sur le coulis de fruits noirs relevés d'épices et une légère touche lactée.

La bouche est élancée, déployant une matière dense et veloutée, au fruit bien présent – sans en faire trop non plus – et une belle impression de fraîcheur. Je  n'ose plus parler de minéralité, même si elle est bien là : c'est devenu has been.

La finale est très cadurcienne** : à savoir une mâche solide qui appelle le confit de canard ou la côte de boeuf persillée. Les tanins sont présents, mais bien mûrs, et surtout, il y a toujours ce fruit noir mûr et frais à la fois, et les épices qui le mettent valeur. Et –  on beau chercher –  aucun défaut qui puisse déranger le dégustateur.

PS : Je viens de le regoûter 24 h plus tard : il est encore meilleur !
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* On ne répétera jamais assez : la molécule la plus dangereuse – et de loin la plus présente – dans un vin, c'est l'alcool. À moins que vous ne soyez allergique aux sulfites (moins de 5 ¨% de la population), le SO2 contenu dans les vins que nous commercialisons ne présente pas de dangers particuliers. 

**  On dirait un Cahors, quoi.


jeudi 25 avril 2019

Avec le temps, on aime plusss


J'ai ajouté des sss à plus, histoire que le titre soit bien interprété. Car beaucoup d'entre nous ont en tête la phrase finale de la magnifique chanson de Léo Ferré  qui exprime l'inverse (on n'aime plus). Pourquoi aimer cette Roussanne plus q'une autre ? Parce qu'elle est bio. Équilibrée. J'oserais presque écrire rafraîchissante, ce qui est une gageure pour une Roussanne. Abordable, autant dans le sens hédoniste que pécuniaire (10.90 €). Car, pour une raison que j'ignore, la Roussanne en monocépage est souvent onéreuse. Bref, ce ne sont pas les arguments qui manque pour vous convaincre qu'Avec le temps, vous l'aimerez plusss !!!

La robe est or pâle, brillante. 

Le nez est bien expressif, sur les fruits jaunes rôtis (pêche, abricot), le turron et le pain grillé. 

La bouche démarre par une attaque fraîche, éclatante,  avant de déployer une matière ronde, mûre, charnue, qui réussit  à rester dans un registre digeste et équilibré – aidée par un très subtil perlant. 

Comme souvent dans les vins rhodaniens, ce sont les (nobles)  amers qui font un contrepoint à la générosité de la finale, avec un retour de la pêche et de l'abricot, et une persistance sur les notes de noyau et de pain d'épices toasté. . 


mercredi 24 avril 2019

Harmonie ... totale !


Harmonie est un grand classique de ce blog ... car c'est devenu un grand classique du site. Et qu'il est important de voir si le nouveau millésime reste dans l'esprit des précédents, s'il n'y a pas du gaz carbonique à l'ouverture – c'est arrivé avec son petit frère Désinvolte – histoire de prévenir les clients aucaz'où... Et puis, j'aime bien le caser dans les abonnements box car je pense que c'est une vraie découverte : ce vin ne ressemble à aucun autre du fait d'un process pour le moins inhabituel que je détaille ICI. On est vraiment dans la "friandise pour les grands", le sucre en moins et l'alcool en plus (mais totalement imperceptible ... sauf sur l'éthylotest). 

La robe est grenat translucide.

Le nez est fin et expressif, sur le "Kréma ® aux fruits noirs", la pivoine et le poivre.

La bouche est ronde, très ample, avec une matière aérienne, douce et enveloppante qui se diffuse dans le palais en toute zénitude. Le fruit est omniprésent, complété par le poivre et la réglisse. La texture est faite du velours le plus fin, comme on le rencontre rarement dans un vin – plus fin, c'est de la soie.

La finale contraste par son accroche délicieusement canaille soulignée par un trait acidulé qui la rend encore plus attachante. Puis arrivent de subtils amers qui vous donnent l'impression de tomber encore plus dans le péché. Persistent ensuite des notes fumées et poivrées, avec ici et là des petites pointes acidulées (gaz carbonique ?) qui jouent avec vos papilles. Un vin assurément polisson !

Reste à signaler que la hausse du prix a été très raisonnable depuis que nous l'avons référencé en 2012, puisqu'il n'est aujourd'hui qu'à 7.50 € (contre 6 € le 2009).  





mardi 23 avril 2019

Jasnières : la niaque comme jamais


Je sais qu'il existe des nostalgiques de chenins tranchants comme pouvait les faire  François Pinon sur le millésime 2015 – en laissant des sucres résiduels pour atténuer le choc.  Pour l'instant, les conditions climatiques ne lui ont pas permis de récidiver. Ses 2016 et 2017 sont très bien, mais plus consensuels, on va dire. Pour les nostalgiques, donc, il existe une alternative que certains ont déjà pu apprécier depuis deux ans : c'est le Jasnières de la Roche Bleue. Malgré la chaleur du millésime 2017, il n'a pas molli : il reste dans ce style sans concession qui fait qu'il sera adoré ou détesté selon la sensibilité des papilles. À vous de voir où vous vous situez...

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est fin, mais captivant, sur la fleur de tilleul, le coing frais, le zeste de bergamote et la craie humide.

La bouche est tendue comme un arc par une acidité quasi imperceptible au départ; tant elle est enrobée par une matière ronde et mûre – et plutôt aérienne –   mais qui finit par surgir avec fougue et dominer la finale. Cette dernière fait dans l'hyper-traçant, soulignée par les amers typiques du chenin  (écorce de pomelo) et un mix coing/tilleul.

Si ce Jasnières 2017 offre déjà du plaisir, il gagnera à être encavé au minimum 5 ans – et même plutôt 10 – pour en apprécier tout le potentiel.


vendredi 19 avril 2019

Magnifique soirée en Roussillon


Mercredi soir, le "Club Vins Etonnants" se réunissait de nouveau pour une dégustation autour du Roussillon. J'avais demandé une participation un peu plus élevée que d'habitude*, histoire de sortir des belles bouteilles. Les gentils membres n'auront pas regretté les 5 € supplémentaires : ils ont été bien dépensés. Ce fut certainement l'un des belles dégustations depuis que nous nous réunissons. Récit... 


Avec du jambon cru et une terrine de campagne, nous avons démarré par une paire de "petits blancs" ... pas si petits que ça. Ils démontent déjà la qualité des vins du Roussillon. À ma gauche, un pur grenache gris (schistes), la Coume des loups 2018 du Mas Mudigliza, et  à ma droite, un pur maccabeu (arènes granitiques : Famae 2017 du domaine Semper. Le grenache est longiligne, avec une attaque très fraîche, alors que le maccabeu est plus en rondeur et en chair, avec une finale plus persistante. Deux vins que j'ai trouvé tellement opposé MAIS complémentaires que j'ai suggéré de faire un assemblage à part égale, une fois que les 3/4 des deux verres étaient bus. Eh bien, ça donnait un vin très intéressant, plus complet et complexe, avec le corps du maccabeu et la vivacité du grenache. On comprend mieux pourquoi les deux sont souvent assemblés. 


Avec les asperges vertes/saumon en gravlax et crevettes, nous avons poursuivi dans la même logique : à gauche, Llum 2017 du Roc des Anges (80 % grenaches blancs et gris, 20 % maccabeu) ; et à droite, Pi Vell 2017 du même domaine, issu d'une  vieille parcelle  de maccabeu plantée en 1947. Ici, c'est le maccabeu qui est le plus longiligne, mais avec une classe et une intensité que n'avait pas le Famae. Ce Pi Vell est d'une beauté absolue qui a bluffé tous les participants, rappelant les meilleurs rieslings de Moselle. LLum a souffert de la comparaison : plus rond, plus facile, presque "vin de soif" (alors que bu seul, c'est un sacré vin !). 


Avec les ribs de porc et les légumes du soleil, nous sommes passés aux vins rouges, avec une paire de "petits rouges". Là encore, pas si "petits" que ça. À ma gauche, Impro libre 2018 de Toupie (oui, Toupie tout court), une cuvée sans sulfite (et sans défaut !) à base de grenache et syrah ; et  à ma droite, Voluptas 2016 du domaine Semper (70 % syrah, 20 % carignan et 10 grenache). Impro libre, c'est de la gourmandise à l'état pur, avec un fruit intense et frais comme on a du mal à l'imaginer en Roussillon. Voluptas est plus dense, plus structuré, plus complexe. Il fait plus "vrai vin" tout en offrant beaucoup de plaisir aux dégustateurs. Difficile de les départager. 

Entre la viande et le fromage, j'ai servi deux nouveaux rouges produits par le même domaine. Enfin, deux anciens, plutôt, puisqu'ils sont tous les deux du millésime 2000. Et tous les deux des collioures assez atypiques. Le Clos du  Moulin est un assemblage 90 % mourvèdre et 10 % counoise, alors que Junquets se la joue Hermitage avec ses 90 % syrah, 5 % marsanne et 5 % roussanne. Pour le premier, je regrette de l'avoir ouvert la veille, car l'aération (même très douce) l'a fatigué. À l'ouverture, le nez confinait au sublime, avec une bouche d'une rare élégance. Je saurai pour la prochaine fois. Par contre, le Junquets était plutôt fermé au départ, avec une bouche assez dure. Le soir du repas, c'était une pure merveille de finesse et de fraîcheur. Il ne faisait pas du tout son âge ! Un grand vin, tout simplement. 


Sont arrivés pour finir la fourme d'Ambert, indispensable avec les vin mutés, suivi par un moelleux au chocolat et cerises, tout aussi nécessaire. L'idée était de boire les deux derniers vins avec les deux plats, histoire de voir quels étaient les mariages les plus heureux. Nous avons donc un Maury 2015 du Mas Mudigliza et un Maury Tuilé 1996 sélectionné par Marjorie et Stéphane Gallet.  Le fromage faisait ressortir par contraste le fruit et la fraîcheur du jeune Maury. Alors que ce dernier était en fusion totale avec le dessert. Avec la fourme, c'est la finesse, la tension et les épices du vieux Maury qui étaient mis(es) en avant. Avec le moelleux au chocolat, il regagnait en jeunesse, avec d'étonnantes notes de cerises que l'on croyait disparues. Dans le deux cas, ce vin est une petite merveille. 


La prochaine fois, nous devrions partir en Italie !

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*20 € au lieu de 15 €. Oui, ça va rendre fous ceux qui paient 50 € pour déguster 4-5  vins sans grand intérêt. 

jeudi 18 avril 2019

Haute Côt(e) de fruit : d'la bombe !


Cela faisait 3-4 ans que je n'avais pas regoûté Haute Côt(e) de fruit de Fabien Jouves. C'est un peu le problème de jongler avec 2000 références. On finit par faire des impasses. Comme je savais que cette cuvée était (forcément) bonne,  je n'avais pas trop de soucis à me faire. Si j'ai revisité cette côte, c'est que je l'avais conseillée pour un mariage vegan. Je voulais être certain qu'elle soit appropriée. Verdict ?  Probablement pas : un peu trop dense et puissante. Le vin risque d'écraser les plats. Par contre, quel bon moment ai-je passé ! C'est rare d'avoir un  fruit aussi intense, propulsé par une énergie quasi-surnaturelle. Il est même probable que certains trouvent cela un peu trop démonstratif. Ne boire que ce type de vin serait vite fatigant. Mais de temps en temps, je trouve ça vraiment jouissif !  

La robe est pourpre sombre, quasi opaque.

Le nez est très expressif, sur le coulis de mûre/framboise additionné de quelques épices et d'une touche lactée.

La bouche est ronde, enveloppante, avec une matière dense et veloutée, pulpeuse qui vous emplit le palais, accompagnée d'une explosion de fruit et de fraîcheur. C'est l'anti-vin ch… absolu !

La finale dévoile une mâche puissante et gourmande, avec toujours le fruit qui domine, souligné d'une noble amertume et de notes crayeuses et épicées qui prolongent agréablement le vin.

Cette Haute Côt(e) de fruit a en plus le mérite d'être le vin le plus abordable de Fabien Jouves : 9.00 € pour cette petite bombe, ce n'est pas cher payé, car il y a du monde dans le verre (et c'est bio et non sulfité). 


mercredi 17 avril 2019

Equinoxe ou révolution ?


C'est la révolution à l'Arjolle. Les z'abitués du site auront remarqué que l'étiquette – et la bouteille ! – d'Équinoxe ont totalement changé. Mais le contenu aussi : comme vous pouvez le voir ci-dessus, il n'est plus fait mention du muscat. Juste du viognier et du sauvignon. Après renseignement au domaine, le muscat n'a pas tout à fait disparu : mais comme il n'y en a plus que 10 % – au lieu de 20 auparavant – il n'y a plus d'obligation légale de l'indiquer*. Je ne sais pas si le producteur a modifié son parc de barriques (chauffe plus légère ? Fûts plus anciens ?) mais je trouve que le vin a perdu en intensité colorante, mais également en aromatique boisée, à peine perceptible. Alors que sur la fiche technique, la proportion de vin élevé en barriques a augmenté (70 % au lieu de 50 %). Va comprendre ?

En tout cas, le résultat me paraît moins clivant qu'auparavant – d'aucuns pouvaient vraiment le trouver too much – tout en restant spectaculaire par rapport à 95 % des vins blancs existants. Je le recommande donc sans réserve, d'autant que le prix reste très sage (12.95 €). 

La robe est jaune paille, brillante.  

Le nez est très expressif, sur les agrumes confits (bergamote, citron, kumquat),  les fruits jaunes (abricot, pêche blanche), les fleurs (chèvrefeuille et verveine citronnelle), le pain grillé et une petite pointe de beurre vanillé (et de noix de coco caramélisée?).

La bouche est élancée, avec une (ultra) fine acidité enrobée par une matière ronde, fraîche et aérienne (tout en affichant une belle maturité). On est sur un style plus digeste et élégant qu'auparavant. Les fans de l'ancienne version pourront lui reprocher un manque de densité et de puissance. 

La finale est intense, très marquée par l'agrume confit et la verveine, passant d'abord par une phase ultra-concentrée avant d'exploser  et de "repeindre" tout le palais de la vaste palette aromatique perçue au nez; renforcée par de nobles amers. Effet waoh garanti !

PS : après quelques heures d'aération, le boisé a tendance à faire son retour. Donc, si ce  n'est pas votre trip, vous ouvrez,  vous buvez !

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* c'est la fameuse règle des 85/15 applicable aussi bien pour les cépages que les millésimes. Quand on l'applique à un 85 % cabernet-sauvignon 15 % merlot, ça ne me choque pas plus que ça, car le pauvre merlot sera imperceptible. Mais occulter 10 % de muscat, c'est faire comme si on ne voyait pas une tache de vin rouge sur une nappe blanche. 


mardi 16 avril 2019

Brise d'Aunis : glisse maximale !


Je n'avais pas prévu de déguster ce Brise d'Aunis dans les jours qui viennent. Il se trouve qu'une cliente nous a demandé comment était le 2018 ? J'aurais pu me contenter des notes que j'avais prises en janvier dernier, mais ça ne me paraissait pas très rigoureux. Entre temps, il a subi une mise en bouteille. Et l'on sait combien elle peut être (temporairement) traumatisante. Me voilà donc à 10 h du mat' en train de déboucher une bouteille et à me servir un canon... Le vin était à température  de l'entrepôt (10 °C), mais se goûtait plutôt bien. Les tanins n'affichaient aucune raideur, et l'aromatique était déjà expressive (et puis ni réduction, ni gaz carbonique. Ouf !). Cela dit, la description ci-dessous a été faite deux heures plus tard, une fois le vin réchauffé. 

Pour rappel – et comme son nom le suggère – cette cuvée est issu du Pineau d'Aunis. Alors que ce cépage donne souvent des vins à la texture rustique, il est ici d'une grande buvabilité : le vin glisse sur votre palais telle la planche de Brice sur les vagues de Nice de Biarritz.

La robe est grenat bien translucide.

Le nez est fin, épicé, sur les fruits noirs sauvages et le poivre (une petite touche framboisée, aussi, et une  pointe sanguine).

La bouche est ronde,  ample, avec une matière soyeuse et aérienne qui surfe sur les parois du palais et la langue. Le fruit est présent, sans trop en faire. C'est surtout la fraîcheur aromatique qui domine, complétée par les épices. Et c'est d'une terrible digestibilité qui vous ferait presque oublier que vous buvez une boisson alcoolisée.

La finale est finement mâchue, avec un retour assez persistant du poivre et des notes sanguines.

Chose rare à souligner : la bouteille a une contenance de 1 litre et non  de 75 cl . Si on ramène son prix à la bouteille "classique", on passe donc de 13 à 9.75 €. 


lundi 15 avril 2019

Le Pinot blanc transfiguré


Le Pinot blanc est un cépage qui donne souvent des vins ronds, sympas, mais manquant de caractère. Il est difficile de se rappeler d'une seule cuvée qui vous ait marqué (hors vendange "tardive"). En choisissant de le vinifier sans sulfite(s), Vincent Stoeffler prend le risque de perdre l'identité originelle du cépage. Mais quand il s'agit du Pinot blanc, est-ce bien grave ? J'oserais dire que non. En tout cas, je trouve que cette vinif' nature lui va plutôt bien : ça lui donne de suite plus de niaque, et comme souvent chez ce vigneron, on ne tombe pas du côté obscur de la force. Bref, très recommandable si tant est qu'on ait l'esprit ouvert…

La robe est jaune paille, très légèrement trouble (la laisser debout 24 h pour éviter cela). 

Le nez est expressif, sur la pomme chaude et une touche beurrée/fumée/épicée.

La bouche est ronde, très fraîche, charnue, avec une matière dense, pulpeuse, bourrée de fruit. Elle est allégée et dynamisée par un léger perlant.

La finale tonique mêle avec brio fine acidité, astringence (écorce de pomelo)  et amertume (quinquina, gingembre). Bref, le Triple A qui me botte tant,  et ne peut laisser indifférent – en bien ou en mal.

Je verrais bien ce Pinot blanc avec un plat épicé (tajine, maffé de poulet), une pâte dure affinée, ou même une flammekueche un peu relevée. Grâce à son prix très raisonnable (9.90 €), on peut l'essayer sans trop se ruiner. 



vendredi 12 avril 2019

Ça sulfit, Môssieur Roche !


Christian Roche fait partie depuis une vingtaine d'années des meilleurs producteurs du Bergeracois. Je préfère plutôt ses blancs et ses liquoreux, car comme nombre de ses confrères, il a tendance à pousser un peu trop l'extraction de ses rouges [eh oui, un Bergerac se doit d'être charpenté pour supporter le gras du confit ]. Je suis donc agréablement surpris par ce premier essai de vin sans sulfites appelé Ça sulfit ! Il y a de quoi mettre la honte à pas mal de vignerons qui s'y essaient depuis des années avec des résultats parfois mitigés. Et surtout, c'est typiquement le genre de vin apte à convertir nombre de consommateurs qui hésitent à acheter des vins nature, car pas trop fans de volatile, d'écurie et/ou de basse-cour... Et pas besoin de secouer la bouteille pour éliminer le gaz ou la réduction : y en a pas !  Tu débouches, tu bois. 

En fait, le titre dit exactement le contraire de ce que je pense – mais j'étais content de ma trouvaille, alors je l'ai laissé tel quel. En fait, j'ai envie de crier : "continuez,  Môssieur Roche ! La bio a besoin de vignerons comme vous !"

La robe est grenat très sombre, à la limite de l'opaque ... mais pas vraiment.

Le nez est très expressif, sur la crème de cerise noire cacaotée et épicée.

La bouche est ronde, ample, aérienne, déployant une fine matière veloutée évoquant la cerise et le chocolat (bien) noir. C'est frais, équilibré, avec juste ce qu'il faut de fruit pour que le vin n'écrase pas le met qu'il accompagnera.

Si le nez ou la bouche nous amèneraient plutôt plus au sud, la finale à la mâche savoureuse nous ramène bien dans le Sud-Ouest. Le cacao est toujours là. La cerise, aussi, sous une forme plus acidulée qui apporte du peps. Et... on a beau chercher, zéro défaut,  à part peut-être la bouteille qui ne fait que 75 cl. Car même le prix est irréprochable : 10.50 €. 


jeudi 11 avril 2019

Les Bonnets blancs : si vous vous remettiez au Muscadet ?


Le domaine Bonnet-Huteau est proposé sur une plate-forme de producteurs bio avec qui nous travaillons depuis quelques mois. Certains d'entre vous ont certainement remarqué l'arrivée il y a un mois du Cru Goulaine et du Champ d'Or (un jus de raisin gazéifié). Un ami a goûté toute la gamme à Prowein en mars dernier. Il m'a conseillé d'essayer leur nouvelle "petite cuvée" : les Bonnets Blancs 2018. Lui faisant entièrement confiance, nous venons de la faire rentrer. À peine reçue, nous l'avons dégusté (faut bien...) : eh bien, il avait raison : c'est très sympa !

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est expressif, sur les fruits blancs bien mûrs (pomme, poire), la fleur d'acacia et  la mangue.

La bouche est élancée, tonique,  tendue par une fine acidité traçante, avec une matière ronde, mûre, charnelle, inhabituellement gourmande pour un Muscadet.

La finale poursuit dans le traçant, soulignée par une fine mâche savoureuse évoquant la pomme fraîche légèrement beurrée, avec une persistance sur des notes salines.

On est aux antipodes du muscadets à l"acidité agressive tout en ayant un vin vif et minéral qui sera parfait pour les fruits de mer, les poissons grillés et le fromage de chèvre. Le prix est des plus raisonnables : 8.50 €.  Sans hésitation, aurait écrit un guide. 


mercredi 10 avril 2019

Cabrol (2) : les rouges


Hier, je vous ai parlé du Blanc du domaine de Cabrol. Comme promis, voici mes impressions sur les rouges. On va dire que c'est une re-découverte, car je connais les vins de Claude Carayol depuis le début des années 2000. Mais je n'en avais pas regoûté depuis 4-5 ans : j'étais curieux de voir si le style avait évolué. Sur les deux "vents", clairement non. Mais Blue note est une vraie belle découverte !

Rappelons que la caractéristique de l'appellation Cabardès est d'assembler obligatoirement des cépages méditerranéens (syrah, grenache) à des cépages dit "océaniques" (merlot, cabernets francs et sauvignon, malbec. Chacune des parties doit représenter au moins 40 % de l'assemblage ...et au maximum 60 %. Tout est ensuite possible, à condition de rester dans ce cadre. Dans Vent d'Est, le méditerranéen domine logiquement (60 % syrah), alors que dans Vent d'ouest, c'est l'atlantique qui prend le dessus (60 % cabernet sauvignon). Vous savez presque tout : bonne découverte !


Blue note 2017 (9.00 €)

grenache 80% syrah 20%

La robe est grenat sombre translucide tirant vers le pourpre.

Le nez est fin, sensuel, sur la violette, le tabac, la mûre et le lard fumé (une touche d'olive, aussi).

La bouche est ronde, ample, soyeuse, déployant une matière fine, fruitée et aérienne, dégageant une grande fraîcheur combinée à des épices

La finale est savoureuse, finement mâchue, mêlant les fruits noirs au poivre fraîchement moulu, avec une persistance gourmande sur le cassis. Addictif.


Vent d'Est 2016 (16.00 €)

 syrah 60% et cabernet-franc 40%

La robe est grenat trèèès sombre, limite opaque.

Le nez est superbe magnifique, très Rhône nord, sur le graphite, la violette, le lard fumé, la réglisse ... et une trace de fruits noirs ;-)

La bouche est ronde, très ample, avec une matière dense et veloutée, enveloppante, tellement concentrée qu'elle est encore un peu austère. On ressent la même fraîcheur que dans Blue note, en plus intense.

La finale est tonique et  tannique, avec une fraîcheur qui monte encore crescendo sur un fond de cassis et de violette, et une persistance sur le poivre et le lard fumé.

Si ce vin peut s'apprécier aujourd'hui sur une côte de boeuf maturée, il gagnera à vieillir au minimum 5 ans, et encore mieux, une décennie (je base ces prédictions sur du vécu : j'ai un ami qui suit ce domaine depuis 20 ans).


Vent d'Ouest 2015 (12.50 €)

cabernet-sauvignon 60%, grenache 30% et syrah 10%

La robe est atramentaire (de l'encre, quoi).

Le nez est fin, profond, sur le cassis, le tabac, le bois précieux et les épices.

La bouche allie ampleur et tension, avec une très fine acidité qui trace sévère et ne vous lâche plus, et une matière riche, fougueuse, immersive, qui vous envahit le palais. Là aussi, la concentration et les tanins lui apportent une certaine austérité, mais c'est une phase à passer afin d'avoir un grand vin dans quelques années.

La finale dévoile une mâche intense (mais bien mûre) très marquée par le cassis et une grande sensation de fraîcheur, avec une persistance sur des notes crayeuses et le menthol.

Ce vin demande également du temps pour arriver à son optimum. D'ici cinq ans, il devrait commencer à s'offrir pleinement. 








mardi 9 avril 2019

Cabrol (1) : le blanc


Ça y est  : les vins du domaine de Cabrol que nombre d'entre vous ont acheté en "vente privée" viennent d'arriver. Aujourd'hui, je me la joue fainéant en ne dégustant que le blanc (le seul qui était à bonne température). Demain, les rouges se seront réchauffés. Je pourrai les attaquer avec mon arme favorite : le tire-bouchon !

Un seul vin, donc, mais pas moins de cinq cépages :  chenin 33%, gros manseng 30%, grenache blanc 17%, viognier 16% et sémillon 4%. Et comme ils sont plantés sur un terroir argilo-calcaire à 300 m d'altitude – et 70 km de la mer – on est loin du blanc sudiste lourdaud. Découvrons ensemble ce vin vraiment étonnant. 

La robe est jaune paille, brillante. 

Le nez est tentateur, sur la mangue, l'abricot, le chèvrefeuille, la fleur d'acacia et le beurre noisette. 

La bouche est ronde, fraîche, pulpeuse, avec l'impression de croquer dans la baie de raisin. Rarement un blanc – hors vin de macération –  ne m'a paru  aussi dense, à la limite de la "tannicité". 

La finale très crayeuse confirme cette impression, tout en déployant une belle gamme aromatique – fraîche et gourmande – sur les fruits blancs et jaunes, la violette et le noyau d'abricot. 

On n'est donc pas sur un vin glouglou à boire distraitement. Il réclamera des chairs fermes (chapon, turbot) et des fromages denses (tomme de brebis ou Beaufort, par ex). 


lundi 8 avril 2019

Pierre Ménard, le retour


Les fermentations et les élevages ont été plus longs que d'ordinaire, ce qui explique pourquoi nous venons de recevoir seulement les 2017. Et ce n'est pas encore fini pour le Quart des Noëls, ce qui explique son absence dans cette dégustation. Sur ce millésime, pas de sucres résiduels, ce qui devrait éviter les complications qu'ont dû rencontrer certains d'entre vous sur le 2016. 

Deux nouveautés dans cette livraison : un rosé, Rosetta  – hommage astronomique et non cinématographique – et un rouge, Orion Alpha, dans un style barralo-ligérien. Dans les deux cas, le style est affirmé : on commence à pouvoir dresser un portrait oenologique plus complet de Pierre Ménard. On ne peut pas dire qu'il caresse l'amateur dans le sens du poil  : tu adhères, ou tu vas voir ailleurs (il a tellement peu à vendre, de toute façon).

Les deux blancs secs ont été mis en bouteilles il y a une quinzaine de jours. Ils s'exprimeront probablement mieux dans quelques mois (même si je les aime déjà bien comme ça, moi). 


Laïka 2017 

Sauvignon blanc

La robe est or pâle, aux reflets roses

Le nez est rafraîchissant, sur la pomme mûre (mais pas blette), le miel, la fleur de tilleul et une pointe de poivre de cassis. 

La bouche évoque une lame froide, brillante et acérée qui vous tranche le palais en deux ... sans le moindre mal. Ouf. Au contraire : ça fait un bien fou, ces vins à la pureté cistercienne, sans froufrou qui parasite la dégustation. 

La finale prolonge le fil de la lame tout en gagnant en chair, en mâche, mêlant le pomelo rose à la Granny Smith, avec un prolongement sur de fines notes crayeuses. Un sauvignon unique en son genre !


Clos des Mailles 2017

Chenin

La robe est jaune paille. 

Le nez intense évoque un vin moelleux : poire au sirop, coing, agrumes confits, léger beurré/grillé.

La bouche est élancée, tout en ne manquant pas d'ampleur, avec une matière dense, charnue; enveloppante et une fraîcheur plus due à l'aromatique (agrume) qu'à l'acidité, imperceptible. Les amers arrivent à partir du milieu de bouche. 

Ils s'intensifient en finale, complétés par une noble astringence, sans jamais tomber dans l'agressivité. Au contraire, j'ai rarement rencontré des amers aussi civilisés. Leur contribution à l'équilibre général est essentielle, car l'acidité continue à être imperceptible (mais certainement là, sous une forme très diffuse). Belle persistance sur le coing, la poire et les mêmes notes crayeuses que Laïka, en plus intense.  


Rosetta 2018

Saignée de Cabernet-Franc et pressurage direct de Grolleau

La robe est "grenadine", translucide.

Le nez  est riche, sur les petits fruits rouges confits, le sucre d'orge et les épices. 

La bouche est longiligne, traçante, avec une matière ronde, friande, au fruit gourmand, et une vinosité certaine qui évoque d'aucuns blancs de noir champenois. 

La finale est intense, séveuse, conjuguant une belle acidité et un concentré de fruits rouges, puis délivrant une certaine douceur équilibrée par de nobles amers et une pincée de poivre. 


Orion Alpha 2017

Cabernet-Franc (10 ans et 70 ans) 


La robe est grenat très sombre… mais translucide. 

Le nez est vif, avec une acidité volatile qui a tendance à prendre le dessus sur le cassis, l'âtre de cheminée et le poivre – tout en n'étant pas trop violente. Avec l'aération  – deux jours de repos – le nez est plus harmonieux, fondu, évoquant un Médoc à maturité : cigare, cèdre, cassis, sous-bois, et toujours cet âtre de cheminée. 

La bouche est  traçante et  tonique, avec une matière fine, intense et soyeuse. Le tout rafraîchi et transcendé par la volatile évoquée plus haut – oui, la volatile peut transcender quand elle est du bon côté de la force. Une gifle à la fois violente et délicieuse !

Avec l'aération, la bouche gagne elle aussi en harmonie : l'acidité est plus fondue, la matière plus dense tout en gardant sa douceur tactile. Un vin nettement plus apaisé. 

La finale prolonge les sensations tout en se faisant plus terrienne, mâchue, avec un retour du cassis, de l'âtre et du poivre, et une persistance sur le menthol et du chocolat noir (l'After Eight du Cabernophile). 

vendredi 5 avril 2019

Soirée autour des vins de Loire


Mercredi soir, la joyeuse équipe du  "club Vins étonnants" s'est retrouvée au Relais Louis Blanc pour une session Loire.  Comme nous avions déjà abordé ce thème il y a moins de deux ans, il fallait se renouveler. Cela n'a pas été trop difficile, car nous avons référencé entre temps pas mal de cuvée ligériennes. J'ai choisi de servir trois cépages –  chenin, cabernet-franc et sauvignon –  par paire. Et puis une bulle pour l'apéro et un liquoreux pour le dessert. 


Pour démarrer, donc, une Bulle Nature des Grandes Vignes. Un assemblage de Chenin, Chardonnay et Grolleau vinifié en méthode ancestrale (Pet' Nat' pour les intimes). C'est frais, désaltérant, ça se descend tout seul, sans prise de tête. On peut lui reprocher son manque de complexité et de profondeur. Mais c'est juste pas fait pour : on est dans le glouglou à l'état pur, 100 % raisin et sans sulfites. 


Puis nous attaquons la première paire avec la terrine de poisson. À ma gauche, un Saumur blanc 2018 signé Arnaud Lambert (sol argilo-calcaire) ; à ma droite, un Anjou blanc Petit Princé 2016 du domaine Bablut (schistes ocres et roses). Le premier est assez "primaire" au nez – zeste d'agrume, craie humide – alors que  le second est plus élégant et complexe –  fruits blancs mûrs, miel, fumée. Cela se retrouve en bouche : le Saumur explose de fraîcheur pour se conclure sur une finale crayeuse intense ; l'Anjou est long, fin, élancé, aérien. Mais  la donne change totalement avec la terrine : le vin d'Arnaud Lambert est plus  à son aise avec cette entrée. Sa "rudesse" de jeunesse est gommée pour n'avoir que son côté gourmand et frais, alors que le vin de Bablut paraît presque trop mûr, avec le risque de devenir fatigant. Le vin est très bon, mais le contexte ne lui sied guère. Quant au Saumur,  il  vient d'être mis en bouteille. Gageons qu'il sera encore meilleur dans les mois – et années – à venir. 


Nous passons aux rouges avec le filet mignon aux champignons. À ma gauche, un Saumur-Champigy "Montée des Roches" 2017 d'Arnaud Lambert (fine couche d'argile sur roche-mère calcaire) ; à ma droite, un Anjou l'Ancrie 2014 des Grandes Vignes (schistes gris et noirs). Lorsque j'ai ouvert les deux en fin de matinée, j'ai un peu eu peur pour le Saumur, car il me paraissait austère et peu expressif par rapport à l'Anjou. Les 9 heures d'aération (sans carafage) lui ont été profitables. En fait, on retrouve tout à fait la description que j'en faite sur ce même blog lundi dernier : il est très ample, aérien, avec des tanins tellement fins qu'ils sont imperceptibles. C'est un souffle qui vous submerge et ne vous lâche plus. Vendredi, je pensais avoir halluciné. Mais quand une dizaine de personnes vous le confirme, on est rassuré sur sa santé mentale ... et ses perceptions sensorielles. Et ce vin n'est qu'au tout début de son existence ! Autant dire que l'Ancrie a morflé, alors que bu seul, je ne doute pas qu'il aurait beaucoup plu. Mais là, il paraît trop mûr, trop concentré, trop boisé, trop "incarné", oserai-je dire (alors qu'il n'a aucun de ces défauts dans la vraie vie). 


Retour aux vins blanc avec le fromage de chèvre, cette fois 100 % sauvignon. À ma gauche, un Sancerre Les Chasseignes  2016 du domaine Fouassier (calcaire) ; à ma droite, un Touraine Zeus 2017, de Divin Loire. Bon, clairement, le Sancerre a dominé le débat  et fait l'unanimité : il est fin, racé, élégant, intense sans être invasif. La classe, quoi. Zeus est dans un tout autre registre : rond, frais, sympa, très agréable (et comme je l'ai déjà écrit, il me semble idéal pour ceux qui n'aiment pas le Sauvignon d'ordinaire – et qui ont un problème avec l'acidité). Le Chasseignes est certes 50 % plus cher que le Zeus. Ceci peut donc expliquer cela. Par contre, il est nettement moins onéreux que nombre de crus de Chavignol. Et en cela, il me semble être une excellente affaire !


Avec la tarte aux poires, nous avons bu un Coteaux de l'Aubance Grandpierre 2007 du domaine Bablut. Une robe d'un or intense aux reflets cuivrés et aux larmes épaisses. Un nez tout aussi intense, sur le confit confit, l'écorce d'orange et des notes rôties. La bouche est riche, onctueuse, tapissante, heureusement équilibrée et tendue par l'acidité typique du cépage. Comme la tarte est peu sucrée, le liquoreux passe comme une lettre à la poste*.

La prochaine fois, nous devrions partir dans le Roussillon !

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* je vous expliquerai un jour cette expression du siècle dernier.