vendredi 30 juillet 2021

Bistrologie rouge ... ou Bistrologie rouge ?

Cela faisait un bon bout de temps que je n'avais pas dégusté le Bistrologie rouge de Jeff Carrel.  Il y a tellement de nouvelles cuvées  référencées sur le site qu'il faut faire des choix.. Tout à l'heure, je rangeais la dernière palette arrivée, et j'ai remarqué que les nouveaux cartons de Bistrologie ne ressemblaient pas aux anciens. J'ai donc placé les nouveaux arrivés derrière, les anciens devant. Comme il y avait tout de même 40 bouteilles de la version précédente, je me suis dit que serait intéressant de comparer les deux millésimes (non indiqués, mais bon, on doit avoir affaire à 2020 et à 2019) et de vous les faire découvrir. 

En terme de cépages, c'est un joyeux méli-mélo rassemblant tout ce qu'utilise Jeff Carrel pour ses autres cuvées : on y retrouve pêle-mêle du Pinot noir, du Grenache noir, du Carignan noir, de la Syrah du Cabernet- Sauvignon et + si affinités. On comprend pourquoi il est en Vin de France ;-)

Je vous ai mis les n° de lot (gravés sur la bouteille), histoire de vous y retrouver si vous achetez les deux versions. Car les étiquettes sont absolument identiques. 

Bistrologie rouge (ancienne version)

N° Lot 0342B2 

La robe est grenat profond bien translucide. 

Le nez est fin, aérien, sur les petits fruits rouges confits, l'encens, les épices douces et une pointe lactée. 

La bouche est ronde, ample, soyeuse, avec une matière très fine, caressante, gagnant peu à peu en concentration. Il y a un bon équilibre entre une fraîcheur diffuse et une aromatique solaire sur le fruit compoté.  

La finale est tonique, subtilement mordante, avec une mâche savoureuse sur les fruits rouges confits et le poivre. 


Bistrologie rouge (nouvelle version)

N° lot 1166B213

La robe sombre et translucide hésite entre le rubis et le grenat (donc, un peu plus rouge que la précédente). 

Le nez est expressif, sur le poivre, la fumée, la rafle mûre, puis, avec l'aération, sur la fraise et la cerise confites. 

La bouche est élancée, avec une tension qui se met en place dès l'attaque, tout en déployant une matière soyeuse, aérienne, légèrement plus dense que le millésime précédent, avec une aromatique plus corsée / fumée (ce côté rafle mûre). 

La finale prolonge la tension de la bouche et gagne en concentration, avec toujours cette aromatique corsée / fumée, mais aussi la quetsche mûre et le poivre. 

PS : je m'absente pour trois semaines de vacances. Retour le 23 août !

jeudi 29 juillet 2021

Canon, le Maréchal !

Alors que j'avais beaucoup aimé le Canon du Maréchal blanc 2019, le rouge du même millésime ne m'avait guère emballé. Le 2020 a réussi à me faire changer d'avis sur cette cuvée. Là (magie du millésime ?), c'est franchement bon et mérite qu'on en cause. D'autant que le prix est ... canon (j'ai pas pu résister) : pour 8 €, on a un joli vin typique du Roussillon, avec juste ce qu'il faut de tanins et d'alcool (13 %), du fruit, des épices. Il doit même pouvoir se boire un frais sans trop se durcir. L'été peut enfin démarrer !... 

La robe est grenat très sombre, à peine translucide. 

Le nez est fin, profond, sur la framboise confite, le poivre blanc, l'encens, et des notes résino-balsamiques à la fois fraîches et séveuses. 

La bouche est ronde, ample, finement veloutée, à la chair dense et au fruit bien mûr, épicé, et animée d'une belle tension qui évite tout ennui.  

Cette dernière poursuit sa course dans une finale à la mâche expressive, crayeuse à souhait, sur des notes de compote de quetsche, de cacao et d'épices – qui perdurent longuement. 



mercredi 28 juillet 2021

Solaris ? Un délice !

C'est en donnant ce matin le reste de la bouteille à un client que je me suis aperçu que je n'avais pas encore publié le billet au sujet de ce Solaris du domaine de Revel, alors qu'il m'avait beaucoup plu. Alors, je préviens de suite : le nom de la cuvée n'est pas un hommage à Andreï Tarkovski. C'est celui du cépage dont elle est issue. La première fois que j'en ai entendu parler, c'est en visitant les Vins de Liège qui utilisent essentiellement les cépages PIWI (issus de croisements interspécifiques). Je n'ai pas apprécié toutes leurs cuvées, mais leur liquoreux issu de Solaris était délicieuse ! C'est donc un croisement des cépages Merzling × (Sapéravi Severny × Muscat ottonel). On comprend mieux pourquoi on perçoit des arômes muscatés. Si l'on remonte du côté du Merzling, on tombe rapidement sur le Riesling. Je ne dis pas que c'est la fraîcheur assurée, mais ça doit aider ;-)

Le Fût de chêne indiqué sur l'étiquette pourrait faire peur à certains. Faut pas. Franchement, il est quasiment imperceptible et parfaitement intégré à l'aromatique global. Il faut savoir que le vin a vu le bois pour le percevoir. 

La robe est d''un or intense. Le nez est expressif et foisonnant, sur la tarte aux mirabelles, la gelée de coing, l'abricot sec, la crème brûlée, la fleur d'oranger... 

La bouche allie ampleur et tension, avec une matière ronde, mûre, moelleuse, doucement enveloppante, et un fil invisible qui étire tout cela énergiquement. Le tout forme un ensemble équilibré malgré sa richesse. 

Cela se confirme dans une finale tonique et fraîche, où de superbes amers (noyau d'abricot) font office de colonne vertébrale. En même temps, la matière gagne en onctuosité et générosité, avec un sucre très bien intégré, sur des notes muscatées et exotiques. Délicieux !

Le prix de cette cuvée (17.90 €) peut paraître élevé pour un Vin de France issue d'un cépage improbable. Mais en fait, au vu de la qualité, c'est plutôt cadeau, car il y un sacré vin dans la bouteille – et c'est une 75 cl alors que pas mal de liquoreux sont vendues en 50 cl. 

jeudi 22 juillet 2021

Le Haut du bois : la négrette à son sommet

J'imaginais avoir affaire à une négrette de bon niveau avec ce Haut du bois du domaine Le Roc, mais pas au choc esthétique que j'ai ressenti. Sans prévenir, je me suis retrouvé en face d'une grande syrah rhodanienne dans ce qu'elle peut avoir de plus noble. Il y a ici ce mélange d'intensité et de finesse qui est l'apanage des plus beaux vins. J'avais beau me pincer, goûter et regoûter, le rêve ne prenait pas fin. J'ai fini par conclure que je ne rêvais pas. Ça m'a été confirmé par Eric R. qui l'a dégusté à son tour : bluffé, il était ! Alors certes, 18 euros, c'est pas donné pour un  Fronton, mais pour un vin de ce niveau, c'est cadeau !

 La robe est grenat très (très) sombre, quasi opaque.  

Le nez  est discret et classieux, sur la violette, le coulis de mûre, le poivre, l'âtre de cheminée et le tabac blond. 

La bouche est ronde, aérienne, enveloppante, déployant une matière douce, caressante qui vous nappe tout le palais. En même temps, le vin est doté d'une belle tension reposant sur une fine acidité traçante et sur l'aromatique très rafraîchissante – framboise, menthol –  mais aussi élégante –  violette, encens et fumée.

 La finale prolonge la bouche sans interruption ni durcissement : classieuse et douce, elle reste jusqu'au bout, avec un surcroît de fraîcheur, de tonicité et plus encore de floral, la violette devenant omniprésente et obsédante, soulignées par des notes poivrées et fumées. Superbe !



mercredi 21 juillet 2021

Mtsvane Tibaani : un délice après une grande frayeur

La responsable d'un célèbre club de dégustation m'a contacté ce matin pour m'interroger sur la présence d'un dépôt important sur le Mtsvane Tibaani de Pheasant's Tears. Elle voulait savoir si j'avais le même problème. Je suis allé vite jeter un oeil, et effectivement, les deux centimètres du cul de bouteilles affichent un dépôt impressionnant. Je lui ai répondu que j'allais en goûter un  pour voir si ça avait un impact sur le goût. Eh bien, pas du tout. Dès l'ouverture, c'est superbe, et la bouche ne dément pas le nez. Un très beau vin géorgien ! Par contre, pour le service, je vous conseille de pencher le verre pour éviter de pencher un maximum la bouteille, histoire que le dépôt reste au fond. 

La robe est d'un or intense tirant sur le cuivré, brillante tout en étant très légèrement trouble. 

Le nez est superbe, sur les fruits jaunes confits, l'orangette, la crème brûlée.... 

La bouche est ronde, ample, généreuse, avec une matière dense et douce qui vous enrobe délicatement le palais. L'aromatique est proche de celle du nez, sur la pêche et l'abricot bien mûrs. L'équilibre se fait par une fine acidité qui trace au-delà même de la finale.  

La finale est tonique, avec l'acidité tenant lieu de colonne vertébrale, mais enrobée d'une matière mûre et juteuse, épicée à souhait, et juste ce qu'il faut d'amertume (noyau d'abricot) et d'épices douces. 

Le plus impressionnant dans tout ça, c'est que le vin ne "pèse" que 12 % d'alcool. Le berceau du vin a encore beaucoup à nous apprendre !

mardi 20 juillet 2021

Bécassines, c'est ma copine

Cela fait 2-3 ans que nous référençons Les Bécassines de Christophe Barbier (le Môssieur Terres Salées, pas l'écharpé rouge), et je n'en ai pas toujours été fan. Mais sur le 2019, je suis plus que convaincu. C'est de la belle ouvrage qui raconte quelque chose, exprime un lieu (La Clape). Tout ça pour un prix des plus raisonnables (7.90 €). Même s'il contient 80 % de grenache – complété par de la syrah et du carignan,  le vin est très bien équilibré, sans la moindre sensation alcooleuse. Enfin, bref, continuez comme ça, les Barbier(s)*, je vous soutiens ! 

La robe est grenat bien sombre aux reflets violacés. 

Le nez, en finesse, associe le coulis de fruits noirs (mûre, myrtille, cerise) aux épices douces et au cacao. S'y ajoutent une touche fraîche d'embruns marin et une pointe fumée. 

La bouche est à la fois ample et élancée, avec une tension qui vous happe dès l'attaque pour ne plus vous lâcher, et une matière ronde, mûre, enveloppante, plus dense qu'elle n'y paraît au premier abord, et prenant progressivement un caractère séveux et balsamique.  

La finale poursuit la dynamique de la bouche sans à-coup, tout en accentuant la concentration sans durcir les tanins : la "sévosité" et le balsamique se font encore plus évidents, soulignés par des notes d'élevage (pain grillé, toffee, réglisse) et salines. 

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* Je dis LES, car sa fille l'a rejoint et compte bien prendre la relèvre

lundi 19 juillet 2021

Etonnant Terret !

C'est loin d'être la première fois que je vous parle de cet Emmenez-moi au bout du Terret du Clos de Gravillas. Mais on ne s'en lasse pas. Ce cépage atypique qui a longtemps servi à produire du Vermouth ne cesse de m'étonner. Il possède la faculté d'être bien mûr tout en ayant un degré faible (12 % alc.). Dans cette version 2019, on navigue entre chenin ligérien et vermentino corse, alors qu'on est en plein minervois. Merci à Nicole et John Bojanowski de persévérer à produire cette cuvée qui ne ressemble à aucune autre !

La robe est or clair, brillante. 

Le nez est fin et complexe, sur le fenouil sauvage, le turron, le miel, le coing confit, et une légère touche "pétrolée". 

La bouche est ronde, ample, déployant une matière mûre, savoureuse,  à la fraîcheur aérienne et croquante, soutenue par un subtil perlant. L'aromatique évoque les fruits blancs rôtis qu'on aurait fumés préalablement. D'aucuns pourraient l'interpréter comme du silex frappé – ça fait plus minéral...

La finale est intense, concentrée, finement crayeuse, avec un retour du coing – accompagné par de l'écorce d'agrume  – suivi par des notes amères de quinquina et de gingembre confit, et toujours cette petite touche pétrolée / fumée. 



vendredi 16 juillet 2021

Le retour (rouge) d'Arnaud Lambert


Non, Arnaud Lambert ne m'a pas soudoyé pour que je parle de ses vins. Je n'ai même pas eu d'échantillons gratuits.  Mais vu le niveau de son Saumur blanc 2020, j'étais curieux de voir ce que donnait le Terres rouges du même millésime. Eh bien, c'est pas mal non plus : on est bien dans l'esprit du millésime, avec un raisin bien mûr, un degré d'alcool raisonnable (13.5 %) et de la fraîcheur à revendre. Le genre de rouge de Loire qui pourrait pousser ses détracteurs à revoir leur position. On est loin d'un vin maigre, acide et poivronné (ça fait longtemps qu'ils ne sont plus comme ça, mais les clichés persistent...). 

la robe est grenat très sombre aux reflets violacés. 

Le nez  évoque le coulis de fruits noirs (mûre, myrtille) et le poivre blanc, avec une très légère pointe de menthol et de cassis végétal.  

La bouche est ronde, ample, veloutée, avec une matière finement charnue, juteuse, exprimant un fruit bien mûr contrebalancé par un trait végétal (rafle,  menthe poivrée). On ressent  un subtil gaz carbonique qui pour une fois est le bienvenu, amenant un peps et une fraîcheur supplémentaires. 

La finale dévoile une fine mâche savoureuse, avec une matière qui gagne en densité sans durcir les tanins. On gagne aussi en juteux et en expressivité, et donc en gourmandise, avec une persistance sur la mûre, le cacao et des notes crayeuses (et une ultime touche sur le cassis/menthol  – c'est du cabernet !) 
 
Il est un peu plus cher que le Saumur blanc présenté en début de semaine, mais pour 13.50 €, le consommateur n'est pas volé !

jeudi 15 juillet 2021

Un 14 juillet en péninsule ibérique


Le "club Vins étonnants" de Limoges a profité du 14 juillet pour se réunir pour un repas / dégustation autour des vins de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal, quoi). Comme d'habitude, le chef Philippe Redon nous a concocté un repas spécialement adapté aux différentes cuvées servies. Après coup, on peut se dire que ce n'était pas une démarche très patriotique. Mais comme le reste du temps, nous buvons essentiellement français, nous n'allons pas nous flageller ;-) Et puis, nous avions un gros besoin de soleil : il fut au rendez-vous !


Pour démarrer,  une entrée estivale à base de pastèque, pêche, tomate et fruits secs, gourmande et rafraîchissante. Nous l'avons accompagné d'un Palheto 2020 d'Espera wines (Portugal), un véritable Objet Viticole Non Identifiable, puisque c'est un assemblage de blanc de noir et de blanc de macération qui ont co-fermenté ensemble. Le résultat est frais et vif comme un vin blanc, fruité comme un rouge jurassien, vineux comme un Tavel, le tout doté d'une grande douceur tactile. Non seulement il s'est super bien marié avec le plat, mais il fut une grande découvert pour tous. Coup de coeur général !


Arrive un plat encore plus extra-terrestre que le vin précédent : des girolles poêlées surmontée d'une crème brûlée et d'une réduction au fino. Ce dernier est celui que les convives ont dans leur verre (mais non réduit) : le Bajoflor 2/0 de la Bodegas Robles. C'est un vin élevé deux ans sous voile issu du cépage Pedro Ximénez. Un joli vin d'initiation aux cuvées oxydatives, car il possède une aromatique plus délicate que la plupart des vins jurassiens (même si l'on reste sur une aromatique "noix / curry" ) mais est surtout plus rond et moins acide, dans un style assez aérien malgré les 15 % d'alcool. L'accord avec le plat est magnifique car le pont aromatique se fait naturellement grâce à la réduction. Un des grands moments du repas. 


Puis il nous est servi un cromesquis de bacalhau (morue) avec une crème au persil et citron confit. Avec, forcément, un vin portugais : un  Castelão branco 2017 d'Herdade do Cebolal. Là aussi, on est dans l'atypique, puisque c'est un "blanc de noir" (cépage Castelão). Un très beau vin avec de la tension, de la profondeur, de la minéralité, du séveux, de la fraîcheur...  et très marqué par les agrumes et les notes marines. L'accord est également très réussi, sans avoir eu besoin de sacrifier une bouteille dans le plat ;-)



Nous continuons avec un pastrami maison enroulé dans de l'aubergine, avec une touche d'anchois, dans un esprit terre/mer.  Cette fois, nous faisons un match Espagne / Portugal avec deux vins rouges : d'un côté un Priorat Les Crestes 2018 du Mas Doix, de l'autre un Mouchão 2012 de l'Herdade Mouchão. Le premier a une finesse, une tension et une fraîcheur impressionnante pour un vin essentiellement composé de grenache (complété par du carignan et de la syrah). Le second est nettement plus dense, avec des tannins puissants d'une grande douceur tactile. Son aromatique est encore très jeune pour un vin de neuf ans. Le tertiaire commence tout juste à apparaître, et les notes d'élevage à se fondre. Difficile d'élire un préféré, tant ils sont différents. Chacun à son charme (même si naturellement, je suis plus porté vers le style du Priorat). 


Nous arrivons au fromage avec un chèvre affiné au piment d'Espelette. Il est relevé, puissant et crémeux. Vous vous en prenez plein les papilles. Pour faire un contraste, j'ai choisi de servir un Pale cream de la Bodegas Robles. Ce fino adouci au PX a suffisamment de douceur et de personnalité pour contrer la "violence" du fromage. Ce qui pourrait paraître au départ une lutte de pouvoir devient une étreinte passionnée. 



Pour finir en douceur, nous mangeons un nougat glacé accompagné d'un coulis d'abricot, servi avec un PX de la Bodegas Robles. Ce nectar voluptueux d'une rare richesse (on frôle les 500 g de sucre par litre) réussit à être équilibré grâce à l'acidité de l'abricot et le froid du nougat – qui est judicieusement très peu sucré. Ce qui fait que l'ensemble n'est pas du tout lourdingue, ce qui n'était pas gagné au départ. 

Encore un très beau moment gastronomique. Nous nous reverrons en septembre, avec certainement pour thème la Bourgogne. 

mardi 13 juillet 2021

Saumur Arnaud Lambert 2020 : encore un "grand p'tit vin"

Je n'ai pas encore eu l'occasion de goûter les 2020 du domaine Pinon, mais j'ai hâte. Car lorsque je goûte le simple Saumur d'Arnaud Lambert, je me dis que nous sommes sur une grande année de chenin ligérien. Un peu comme dans les rouges 2020 dont je vous ai déjà longuement parlé, il y a ce mélange de maturité poussée et de grande fraîcheur, avec cette superbe acidité du cépage que je croyais perdue à jamais. Eh bien non : elle est là, et bien là, et vous rappelle que le chenin est un enfant du savagnin. Ça déchire grave...

La robe est d'un doré impressionnant pour un blanc sec vinifié en cuve. 

Le nez est riche et frais à la fois, mêlant la pomme tapée,  l'ananas et la craie humide, 

La bouche est vive, élancée, tendue par une acidité ciselée et traçante – soulignée par un trait de gaz carbonique – tout en délivrant une matière aussi paradoxale que le nez : d'un côté, de la rondeur enrobante et une maturité exotique qui vous emmène quasiment à Jurançon ; de l'autre une fraîcheur à la rigueur quasi janséniste alliant notes citriques et minérales. 

La finale nous fait un superbe Triple A, avec cette Acidité qui prolonge sa course sans faillir, rejointe par une Amertume (écorce de pomelo, quinquina) et une Astringence finement crayeuse et citronnée. Là dessus, l'ananas fait son come-back, rejoint par la gelée de coing, tout en restant dans un registre sec sublimement austère. 



lundi 12 juillet 2021

Chat fou : retour à la raison ?


Le Chat fou d'Eric Texier est de retour avec le millésime 2020. Contrairement à d'autres, nous ne sommes pas sur un vin concentré, mais tout de même bien mûr tout en ayant un degré faible (12.5 % d'alcool). Il est moins baroque /foufou qu'il y a quelques années – à l'époque, son nom collait pile-poil. Maintenant, il pourrait s'appeler : chat glisse tout seul :-)

La robe est grenat sombre bien translucide. 

Le nez est fin, sur les fruits rouges confits, le laurier et  le poivre. 

La bouche est ronde, ample, aérienne, déployant une matière toute douce, délicatement veloutée, au fruit plus frais que le nez pouvait le laisser imaginer, et surtout d'une terrible buvabilité : le niveau baisse à vue d'œil, sans allumer un voyant d'alerte. 

La finale est plus "terrienne", avec une fine mâche délicieusement mordante, subtilement acidulée, et un fruit qui gagne en expressivité et en gourmandise, compensé par quelques amers (noyau, quinquina), et prolongé par des boites de  poivre et de rafle. 



vendredi 9 juillet 2021

Mas Bécha : classique, mais pas trop


C'est assez malin d'associer le Vermentino au grenache blanc dans l'assemblage du Blanc Classique, car ça lui donne de suite un style provençal que l'on a rarement dans le Roussillon. Cet assemblage est en effet le même, par exemple, que le Château Fontvert situé dans le Lubéron. Mais le prix, lui, reste celui d'un "modeste" vin du Roussillon (10.95 €) et c'est très bien comme ça. Le consommateur apprécie :-)

La robe est or clair, brillant. 
Le nez  est sudiste – on entend les cigales –  sur l'amande grillée, le fenouil, le calisson d'Aix... 

La bouche est ronde, ample, généreuse, dotée d'une une fraîcheur croquante / explosive dès l'attaque et qui refuse ensuite de partir. On retrouve la palette aromatique du nez, avec une  matière mûre au toucher moelleux, réussissant à être d'une terrible digestibilité : la bouteille se vide tellement qu'on se demande si elle n'est par percée...  

La finale est pêchue, avec une fine mâche crayeuse, une tension qui vous emmène loin sur des notes de fenouil rôti / beurré et d'amande grillée / fumée. P... c'est bon !







jeudi 8 juillet 2021

On revient toujours au Languedoc


Comme le montre un récent reportage d'Arte, le Languedoc fut une grande région viticole il y a 2000 ans, bien avant Bordeaux, la Bourgogne et la Champagne. Lorsque l'on goûte ces trois vins, on n'a pas trop de doute sur la qualité des vins de cette région. Si Montcalmès est clairement à attendre – mais lorsqu'on goûte aujourd'hui les superbes 2008-2009-2010, on n'a pas trop de doute sur leur vieillissement – les deux vins des Vignes oubliées sont déjà délicieux, même s'ils gagneront encore en qualité dans les années qui viennent. 


Les vignes oubliées Languedoc 2020 (15.90 €)

La robe translucide hésite entre le grenant et le pourpre. 

Le nez est plutôt discret; sur les fruits rouges et noirs confits, les épices douces et une touche fumée. 

La bouche est longiligne tout en ne manquant pas d'ampleur, et déploie une matière finement veloutée d'une grande fraîcheur aromatique. L'ensemble est tendu par un trait séveux résino-balsamique du plus bel effet. 

Ce dernier s'élargit en finale jusqu'à occuper tout l'espace disponible, avec encore plus de fraîcheur et d'intensité, et se prolonge sur des notes crayeuses et épicées. 


Les vignes oubliée Terrasses du Larzac 2019 (19.90 €)

La robe est grenat sombre translucide aux reflets violacés. 

Le nez est fin, profond, sur la violette, l'encens, la framboise confite, le graphite.. 

La bouche est ample, aérienne, enveloppante, avec une matière douce, veloutée qui vous nappe tout le palais. Le tout est tendu classieusement par un fil invisible d'une redoutable efficacité. Et puis il y a toujours cette grande fraîcheur aromatique déjà présente dans le Languedoc. 

La finale prolonge la bouche sans rupture, se contentant de gagner en densité et expressivité. C'est hyper-frais, hyper fruité sans perdre en distinction, avec un retour sur la violette, l'encens et la fumée. Orgasmique et classieux à la fois. 


Montcalmès 2018 (28.90 €)

La robe est grenat très sombre. 

Le nez est mûr, concentré, sur les fruits bien mûrs et un boisé noble. 

La bouche est ronde, très ample, avec une matière dense et veloutée, à la chair profonde, alliant maturité et fraîcheur. L'équilibre est assurément là, serein. 

La finale est puissante, expressive, avec un retour des fruits mûrs et du boisé, accompagnés d'épices douces qui persistent longuement. 

mercredi 7 juillet 2021

Montilla Moriles, les douceurs


La dernière fois que je vous ai parlé des vins oxydatifs de la Bodega Robles, j'ai oublié de mentionner les vins doux du domaine. Ils valent pourtant le détour, avec des rapport qualité/prix aussi bluffants que les secs. 

Le Pale cream, comme à Jerez, est un Fino vieilli deux ans sous voile auquel on a ajouté une lichette de PX pour lui apporter de la douceur. Cela donne un équilibre totalement différent, où l'oxydatif se ressent à peine. Je pense qu'il serait parfait avec des fromages affinés (Parmesan, mimolette...). 

Le PX pourrait être classé en France comme un Vin doux Naturel : les raisins sont d'abord séchés longuement au soleil. Puis sont pressés. On ajoute alors au jus très épais de l'alcool pour le conserver. Il n'y a donc pas de fermentation, et beaucoup de sucres (400-500 g). Mais étonnamment, cela se sent peu. C'est plutôt son onctuosité démentielle qui alerte le dégustateur sur la richesse du nectar. Il  peut être bu pour lui-même ou accompagner une glace contenant des fruits secs. 

Pale cream (11.95 €)

La robe est d'un doré intense. 

Le nez  est fin, sur le nougat aux fruits secs et la crème brûlée. 

La bouche est ronde, ample, enveloppante, déployant une matière douce et fraîche, caressante – vibrante, aussi –  d'un équilibre irréel et superlatif. Elle bénéficie également d'une belle allonge, venue d'on ne sait où... 

La finale est fraîche, énergique, avec de nobles amers tenant lieu de colonne vertébrale, faisant oublier les sucres résiduels, et une persistance sur le miel et les fruits secs. 

PX (12.50 €)

 La robe lumineuse est entre l'or en fusion et le cuivre, laissant de grosses larmes sur les parois du verre. 

Le nez est intense, sur le raisin confit, la figue et le miel. 

La bouche est ronde, ample, voluptueuse, avec une matière d'une rare onctuosité qui vous tapisse le moindre mm² de votre palais. Et en même temps, la fraîcheur et la tension ne sont pas absentes, loin de là. L'équilibre est bien là malgré la richesse superlative. 

La finale monte encore d'un cran dans la richesse et l'onctuosité tout en affichant un surcroît de peps. On est dans le baroque sensuel, avec un retour du raisin confit et de la figue, cette dernière perdurant longuement. 

mardi 6 juillet 2021

Merens : le retour du savagnin rouge

Il y a quelques mois, j'avais nommé un article "le savagnin rouge" en parlant du Vendemia 2018 du domaine de Brin. En 2019, il avait perdu cette magnifique acidité typique du grand cépage jurassien, donnant un vin plus consensuel. Et ce matin, je découvre la cuvée Merens 2016 de la ferme de Bois-Moisset que nous n'avions pas référencée la fois précédente. Elle comprend une bonne proportion de duras, ce cépage-enfant du savagnin, et ça se sent : ce vin a une acidité de dingue qui vous saisit dès l'attaque et ne vous lâche plus. Ce n'est pas une acidité agressive – comme on peut l'avoir dans les mauvais muscadets et champagnes – mais une acidité magnifique comme on peut l'avoir dans le savagnin, le petit manseng ou le persan (autre descendant du savagnin). Après, j'ai conscience qu'elle pourra déranger certaines personnes. Mais ce n'est pas comme si je ne prévenais pas : ce vin est réservé aux adorateurs de l'acidité ! 

La robe est grenat sombre et assez trouble. 

Le nez fait plus penser à du guignolet qu'à du vin avec ce mélange de cerise confite, de griotte et de noyau. Il y a aussi du cacao, des épices (cannelle), avec un côté vin chaud, même s'il est servi frais. 

La bouche est ronde, souple et fraîche , tendue par une très fine acidité qui trace au-delà même de la finale. Elle est marquée par un fruit pur et intense–  entre cerise, quetsche et prunelle –  avec en contrepoint quelques notes tertiaires (sous-bois d'automne). 

La finale poursuit la tension de la bouche grâce à l'acidité toujours présente, tout en gagnant en chair –  sans qu'il y ait la moindre dureté tannique. La cerise est encore plus fraîche et intense, soulignée par la griotte acidulée qui perdure longuement, soulignée par les épices douces et le noyau. 

Ah, je ne vous ai pas précisé que ce vin est sans soufre ajouté. Et qu'il coûte 6 €. Oui, vous avez bien lu. Non, il n'y a pas de zéro après le 6  ;-)

lundi 5 juillet 2021

Sauvignon de Beynat : la magie 2020 opère toujours

Alain se présentant comme un vigneron magicien, il n'est pas vraiment surprenant qu'il ait réussi à capter la magie de ce millésime 2020 dans ses fioles de verre. Comme ses "frères rouges", ce Sauvignon réussit à concilier maturité et fraîcheur en gardant des degrés raisonnables. Certes, il ne renie pas son cépage d'origine, mais il réussit à le transcender et éviter qu'il soit pénible, ce qui est en soi de la magie (pas taper !). Ce qui ne trompe pas, c'est le niveau bas qu'atteint rapidement la bouteille. La photo du bas en étant la preuve... 

La robe est or clair, brillante. 

Le nez est profond, foisonnant,  sur la bergamote confite, le pomelo rose, le cassis fruité et végétal, et une pointe de sauge. 

La bouche est ronde, ample, aérienne, à la fraîcheur friande / croquante renforcée par un filet de gaz carbonique, et une aromatique subtile et complexe naviguant entre fruits blancs, agrumes confits et notes végétales. C'est très rafraîchissant sans être acide, et d'une légèreté quasi irréelle. 

La finale prolonge la bouche sans rupture, gardant cette légèreté et cette fraîcheur, tout en renforçant les amers – écorce de pomelo, bigarade –  et plus encore les notes de menthol et de cassis, puis la sauge, qui perdurent longuement, à la limite de l'obsédant. 



vendredi 2 juillet 2021

Esprit d'automne : il n'a jamais été aussi beau en jeunesse


Ce nouveau millésime d'Esprit d'Automne de Borie de Maurel confirme que 2020 est un millésime hors du commun. Même si cela donne un résultat différent selon les régions et les cépages, on retrouve ce mélange de concentration et de maturité élevée – sans tomber dans l'excès –  associé à un taux d'alcool raisonnable et une inattendue fraîcheur aromatique. C'est vraiment la quadrature du cercle qui a été résolue l'année dernière. Reste à savoir si cela sera reproductible à l'avenir (déjà, pour 2021, c'est plus que compromis, hélas...). 

Pour rappel, cette cuvée est un assemblage de syrah (40 %), carignan (30 %) et grenache (30 %), avec un élevage en cuve, sans aucun artifice. Et cela se ressent à la dégustation de ce jus sincère et émouvant. On a l'impression de le boire au chai en compagnie du vigneron. 

La robe est pourpre profond, quasi opaque. 

Le nez  est  un peu réduit à l'ouverture, avec une touche fermentaire (le côté "brut de cuve" que j'évoquais plus haut). Avec l'aération, on va sur le coulis de fruits noirs, la garrigue, la tapenade... 

La bouche allie ampleur et tension, avec ce fil invisible qui l'étire en longueur et cette matière douce, enveloppante, au caractère séveux et balsamique. Sans oublier ce mélange gourmand de myrtille et de cerise noire. 

La finale prolonge la tension de la bouche, ajoutant juste ce qu'il faut de mâche finement crayeuse, tout en conservant la très belle palette aromatique, avec une persistance sur la réglisse, le laurier et la baie de genièvre. 

Une merveille de vin que je ne serais pas choqué de payer 12-15 € (il y a des vins à ce prix qui sont nettement moins bons). Mais bonne nouvelle, il ne coûte que 8.50 €. Le rapport qualité/prix est tout simplement fa-bu-leux. Est-ce que ça se garde ? Probablement, vu la faculté de garde des vins du domaine. Mais c'est déjà tellement bon maintenant que je doute qu'un vieillissement le rende meilleur. 




jeudi 1 juillet 2021

Mamettes : addictif !

Les Mamettes sont rapidement devenues un incontournable de notre site. Faut dire que cette cuvée réussit à séduire tout autant les amateurs pointus que les néo-consommateurs, car au-delà du simple plaisir qu'il génère, il a tout du beau vin de terroir, avec ses très vieilles vignes de grenache gris (sur schistes) et de carignan blanc (sur granite). Par rapport à l'année dernière, la proportion du grenache a augmenté, passant à 85 %,  lui conférant un peu plus de rondeur. Tout a été vinifié en barriques (usagées), ce qui ne sent pas du tout –  et c'est très bien comme ça. Et puis, il y a le gaz carbonique, salvateur : autant celui-ci m'agace lorsqu'il pointe son nez dans des vins rouges, autant j'apprécie son apparition lorsqu'il est justement dosé dans les vins blancs. Ce qui est le cas ici. Bon, bien sûr, ne nous mentons pas : le prix (9.00 €) joue un rôle non négligeable dans son succès. Difficile de trouver mieux sous la barre fatidique des 10 euros. Et si on le goûtait, maintenant ? 

La robe est or pâle, brillante. 

Le nez est discret, sur la pomme chaude, la fumée et les épices. 

La bouche éclate de fraîcheur dès l'attaque avant de gagner en rondeur et ampleur tout en conservant  cette vivacité sous la forme de micro-bulles titillant la langue et apportant ce qu'il faut de tension. Le tout est très bien équilibré, d'une croquante et insolente gourmandise, pouvant entraîner un phénomène addictif (vous êtes prévenus). 

La finale prolonge la tension de la bouche, tout en accentuant l'Amertume, l'Astringence et l'Acidité. Vous l'aurez compris : un joli Triple A autour de l'agrume et de la craie, tout en subtilité et souplesse, avec une persistance sur le citron confit et la fumée. Addictif, vous disais-je...