mercredi 25 mars 2020

Un jardin extra-ordinaire !


Je n'ai pour l'instant pas la genèse de la collaboration entre Vincent Maysounave du domaine Haut-Berba (Jurançon) et Fabien Jouves de Mas del Perié (Cahors). Comme ça, je dirais que le premier a fourni les raisins (petit et gros manseng) et que le second a apporté son savoir-faire et sa notoriété. Quoiqu'il en soit, ce Jardin de mon père MMXVIII est une sacrée réussite, surtout lorsque l'on sait qu'il n'a pas reçu un milligramme de sulfite, y compris à la mise. Bon, on est dans un style pas forcément consensuel, assez loin de l'élégance des vins de Camin Larrédya ou du domaine de Souch. C'est plus rentre-dedans, brut de décoffrage. Mais la fougue et la générosité transmises par ce vin ne peuvent laisser indifférent. 

La robe est d'un or intense, très légèrement trouble.

Le nez est très expressif, sur le coing confit, l'ananas et la mangue séchés, les épices... 

La bouche est élancée, puissante et énergique, avec une matière mûre ultra-concentrée et une tension de folie. Ça envoie sévère tout en possédant une grande cohérence globale. On retrouve l'aromatique du nez, complétée par le citron confit et le fruit de la passion qui amènent la fraîcheur nécessaire. 

La finale prolonge toutes ces sensations, avec en bonus de nobles amers (écorce d'agrumes, quinquina) et une acidité tonique mais pas agressive. Pour s'achever sur l'ananas et le safran. 

Si l'aromatique appelle plutôt une cuisine asiatique, la densité de la matière laisse penser que des délicates crevettes ou langoustines n'y résisteraient pas. Il faut des chairs avec plus de mâche (viandes blanches, homard). On peut aussi envisager des superbes accords avec des pâtes persillées ou un vieux parmesan, pourquoi pas accompagnés d'un chutney aux fruits exotiques. 


lundi 23 mars 2020

Nero d'Avola : un rapport Q/P exceptionnel !


En novembre dernier, je vous avais déjà parlé de ce Nero d'Avola que nous venions de référencer. Ayant reçu le nouveau millésime la semaine dernière, je voulais savoir s'il était du même tonneau que le précédent. Eh bien en fait, il est encore meilleur. Un peu plus dense (tout en restant très fin) et un peu moins acide, il me semble encore plus "tout public" que le 2017. Je vous le recommande donc très chaudement, car à 6.95 €, il me semble difficile de faire meilleur ! 

La robe est grenat sombre translucide.

Le nez est fin et complexe, sur la cerise confite, le noyau, la réglisse et les épices douces.

La bouche est ronde, ample, enveloppante, déployant une matière très finement veloutée qui vous caresse la palais. Le fruit (cerise !) est d'une rare intensité, et d'une fraîcheur vivifiante et communicative. Pour tout dire, c'est assez jubilatoire, car on ne tombe pas dans le too much écœurant.

La finale nous la joue   Triple A, avec une fine Acidité qui s'étire longuement, une légère Astringence crayeuse et une noble Amertume sur le noyau, mais c'est la cerise – secondée par la framboise, la mûre et le poivre – qui joue le premier rôle, avec une persistance sur la craie et les épices.

Ce vin devrait pouvoir s'accommoder de nombreux plats du poulet rôti à la pizza, en passant par un plateau de charcutailles ou des rougets grillés. Mais pourquoi aussi des côtelettes d'agneau ou des lasagnes ? 


vendredi 20 mars 2020

Sylvaner Grand A : sacré Léon !


Je vous ai parlé il y a peu du Sylvaner Vieilles Vignes de Dirler-Cadé qui était dans un style cristallin qui faisait quasiment penser à un vin mosellan. Lorsque je l'avais goûté, je m'étais dit qu'il  n'avait rien à voir avec le Grand A(ltenberg) du Petit Léon de la famille Schmitt. Ayant reçu le nouveau millésime de ce dernier en début de semaine, j'ai eu l'idée d'en ouvrir une bouteille,  histoire de confirmer mes impressions – et de vous les partager. En effet, ça n'a vraiment rien à voir. La matière est ici plus riche, plus mûre, plus dense, mais évidemment moins fraîche, moins "pure". On ne peut pas tout avoir... C'est en tout cas très intéressant de déguster les deux : ça montre que le sylvaner est tout aussi "caméLéon" que le riesling dont il est un parent puisqu'ils descendent tous les deux du savagnin (tout comme le sauvignon, le chenin et le gros manseng).

La robe est or clair, brillante. 

Le nez est fin, profond, sur la poire séchée, le coing, des épices et une légère touche fumée/pétrolée. Et puis un côte roche humide, aussi. 

La bouche est à la fois ample et élancée, déployant une matière ronde et mûre, enveloppante, déposant un voile de douceur sur le palais, tout en ne manquant pas de tension et d'énergie. Il se dégage aussi un côté vineux/racé évoquant un blanc de noir champenois. 

La finale poursuit dans cette tension mêlée de douceur, s'accompagnant d'une intensification des arômes, avec un retour des fruits blancs séchés, des épices et de la fumée, avant de se prolonger sur de nobles amers : noyau d'abricot, gingembre, herbes médicinales...

Ce vin peut s'utiliser comme un riesling avec un poisson de rivière, une volaille crémée ou des pâtes dures affinées. 



mercredi 18 mars 2020

Cerasuolo d'Abruzzo : lo revoilo !


Avec le retour du soleil après un interminable intermède gris et pluvieux, cela fait de revenir à des couleurs vives et joyeuses. Ça tombe bien : le Cerasuolo d'Abruzzo de Jasci est de retour, avec sa robe pimpante et ses arômes fruités à la (bonne) limite de l'exubérance.  Plutôt un vin à boire pour lui-même à l'apéro, avec des tranchettes de prosciutto di Parma, histoire de rester en Italie. Mais il pourra accompagner aussi une salade composée et des desserts aux fruits rouges. 

La robe est  entre le vermillon et la framboise écrasée.

Le nez est gourmand, sur la griotte, la groseille et le sirop de fraise, relevé par une pincée de poivre blanc.

La bouche est éclatante de fraîcheur, renforcée par un fruit tout aussi explosif, d'une grande intensité aromatique, avec une matière souple, friande (gouleyante aurait-on dit autrefois), ne manquant pas de tension et d'acidité.

La finale gagne encore en peps et en gourmandise, avec un fruit encore plus intense (fraise et griotte) souligné par la noble amertume de noyau de cerise. Le tout persistant sur une grenadine régressive, mais sans sucre – l'honneur est sauf !

Faut vraiment être un triste sire pour résister à ce vin !




lundi 16 mars 2020

En v'là un bon Tannat !


L'Uruguay tente de faire avec le Tannat ce qu'a fait le Chili avec le Carmenère et l'Argentine avec le Malbec :  une sorte de cépage étendard qui permette de faire connaître ses vins dans le monde entier. À première vue, cela peut paraître culotté, car le Tannat  ne fait pas partie du Top 5 des cépages les plus sexy. Mais une fois que vous aurez goûté ce Las Brujas 2019,  peut-être  changerez-vous d'avis. J'avoue avoir été bluffé par la finesse de ses tanins, son fruit pur et énergique, sa belle cohérence globale. Si vous êtes honnête, vous ne pouvez que le trouver très bon. 

La robe est grenat bien sombre, mais translucide.

Le nez est fin et complexe, sur le coulis de fruits noirs, le cèdre, le graphite, le poivre noir, avec une pointe ferreuse/sanguine.

La bouche est ronde, ample, enveloppante, déroulant avec une certaine classe une matière veloutée, profonde, dotée d'une aromatique fraîche et intense amenant de la tension. L'ensemble est très bien équilibré, racé et déjà très abordable pour un Tannat si jeune.

La finale délivre une belle mâche gourmande, très fruitée, aux tanins bien mûrs et totalement fondus, avec une belle rétro sur les épices et les notes sanguines et salines.

Vu la finesse de ce Tannat, je le conseillerais plus sur une viande rouge "classique" que sur un confit de canard ou un cassoulet. Ou un chili uruguay. Pour l'heure, il n'y en a pas des dizaines en stock. Donc n'en achetez pas six d'un coup comme si c'était la fin du monde*. Pensez aux autres !

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* en parlant de fin du monde, nous allons pour l'instant très bien et pouvons vous envoyer sans restriction des vins dans l'UE, même dans les zones en confinement total (des clients italiens ont reçu des bouteilles ces derniers jours). 




vendredi 13 mars 2020

En blanc aussi...


En blanc aussi, c'est la toute nouvelle cuvée de Renardat-Fache, producteur renommé de Cerdon du Bugey , un pét' nat rosé irrésistible à base de gamay et poulsard. En 2018, le domaine a acheté du chardonnay à un voisin certifié en bio et en a fait une méthode ancestrale fine et digeste (10.5 % d'alcool). Contrairement au Cerdon, elle ne contient pas de sucres résiduels. Elle est donc plus conseillée pour l'apéritif, mais devrait aussi très sympa avec des fromages à croûte fleurie pas trop puissants. Et, s'il en reste un fond de verre, il ne se battra pas avec la tarte aux pommes !

La robe est or très pâle, brillante, parsemée de fines bulles. 

Le nez est délicat, sur la poire, la pomme chaude et le miel d'acacia. 

La bouche est élancée, tendue par une acidité arachnéenne, et possède une matière ronde, fruitée, à la chair finement pulpeuse. Le tout est soutenu et rafraîchi par des bulles foisonnantes, légèrement crémeuses. 

La finale est nette, tonique, délivrant une fine astringence évoquant la pomme verte, avec une persistance sur des notes salines et crayeuses. 

PS :  vous ne voyez pas les bulles sur les photos car je les ai prises six heures après l'ouverture de la bouteille. On  sentait néanmoins encore du perlant en bouche.


jeudi 12 mars 2020

Vin de jardin : un grand p'tit vin !


Au moment du Bojonouvo, je vous avais dit tout le bien que je pensais de Primera Vez de la Grange aux Belles. Nous n'en avons plus depuis un bon mois, mais la bonne nouvelle, c'est que le Vin de jardin, c'est le même vin avec juste quatre mois supplémentaires d'élevage en cuve. Et effectivement, après dégustation, il y  a pas mal de points communs, hormis un perlant qui a disparu, ce qui est plutôt logique (et pas plus mal !). 

La robe est pourpre/grenat  translucide.

Le nez est expressif sur des notes florales (pivoine, iris), fruitées (cerise, mûre) et épicées (poivre, cannelle), avec une petite pointe de "bonbon anglais".

La bouche est ronde, ample, caressante, déployant une fine matière veloutée, fraîche et digeste, avec un joli  fruit pur, et juste ce qu'il faut d'épices. Le tout est d'une dangereuse buvabilité.

La finale est plus terrienne, finement accrocheuse, relevée par l'acidité de la griotte et le poivre fraîchement moulu, avec une persistance sur des notes épicées et fumées.

Bien sûr, il peut s'apprécier dès maintenant. Mais je serais curieux de voir ce qu'il pourrait donner dans cinq, voire dix ans. Il faudrait que j'oublie quelques bouteilles en cave... 

mercredi 11 mars 2020

Riesling 100 Hügel : perfekt !


Je préfère prévenir de suite : ce Riesling 100 Hügel de Wittmann est loin d'être le plus grand riesling bu dans mon existence, car j'ai eu la chance de boire ce qu'il se fait de mieux en la matière. Mais il représente pour moi tout ce que j'aime dans un riesling allemand sec. Il est vif sans être agressif, aromatique sans tomber dans le caricatural,  sans notes pétrolées ni soufrées. Il y a juste ce qu'il faut de perlant pour apporter de la niaque et de la fraîcheur sans incommoder le dégustateur. Et il ne dépasse pas la barre symbolique des 15 € qui pourrait décourager certains à découvrir les vins allemands. Perfekt, quoi !

La robe est jaune très pâle, brillante.

Le nez est gourmand et tonique , sur les fruits exotiques (ananas, fruit de la passion) et le zeste d'agrume (yuzu et  combava). 

La bouche est vive et longiligne, avec une fine acidité laser étirant le vin au-delà même de la finale;  et une matière fraîche et cristalline comme un torrent de la forêt noire. Un léger perlant renforce encore l'impression de fraîcheur et titille agréablement les papilles. L'aromatique est dominée par l'ananas, mais la pêche et le citron ne sont pas loin derrière. 

La finale est vraiment trocken (=sèche), et Triple A++  , avec une Acidité laser en colonne vertébrale et le duo Amertume/Astringence évoquant le ziste* de pomelo. Le tout persiste assez longuement sur l'ananas frais et le gingembre.

Ce vin peut se boire seul, pour lui-même, ou accompagner des poissons crus relevés de zeste d'agrumes, ou des plats thaïs (avec ou sans crustacés). Par contre, il est trop sec pour le tenter sur des fromages affinés ou des desserts aux fruits exotiques. Il faut mieux pour cela passer aux Kabinett.
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* non, il n'y a pas de faute : je parle bien du ziste et non du zeste. C'est la partie blanche de l'écorce.

mardi 10 mars 2020

Je veux bien une repasse !


La dernière fois que je vous ai parlé de La Repasse de Montagne  était en novembre 2017  lorsque nous étions passés au millésime 2015. Je vous rappelle donc le principe inspiré du Ripasso italien.Cela consiste à faire macérer durant 10-15 jours des marcs de raisins passerillés d'Amarone ou de Reciotto dans un vin de Valpolicella . Il  gagne en structure et en complexité aromatique. En Vénétie, cela se pratique sur le même millésime car le passerillage des raisins permet un décalage dans les vinifications. Dans le Roussillon, c'est plus compliqué. Aussi Benjamin Darnault ajoute du marc de 2017 dans un vin de 2016 qui a attendu patiemment un an en cuve. Est-ce vraiment du 2016 ou un hybride des deux millésimes ? Je vous laisse méditer sur la question. Toujours est-il que ce vin possède une sorte de patine qui ne le fait ressembler à aucun autre ... à part peut-être cet excellent Maury sec 2017 signé ... Benjamin Darnault (d'ici à ce que ce soit les marcs de ce Maury qui aient enrichi cette repasse 2016. Allez savoir...)

La robe est grenat plutôt sombre, translucide. 

Le  nez est délicat et complexe, sur la framboise confite, l'encens, la truffe, le poivre blanc et l'ardoise chauffée au soleil. 

La bouche est à la fois ample et élancée, déroulant une matière fine et soyeuse, enveloppante, tendue par un fil invisible. Elle gagne progressivement en densité, passant au velouté / charnu, sur une aromatique de fruits compotés, de notes tertiaires (sous-bois) et résineuses (garrigue). Ces dernières, également présentes en finale, apportent une fraîcheur bienvenue.

La finale, parlons-en :  elle possède une mâche fraîche et savoureuse, à l'accroche canaille, mêlant la truffe au cacao et à la réglisse, avec une persistance sur les épices, la garrigue et le chocolat amer. Un régal !


lundi 9 mars 2020

Retour au primitif


Primitif, ce n'est pas synonyme de grossier ou de coup de massue sur la tête. Mais plutôt d'un retour à une époque où l'on appréciait les choses simples, "brutes de cuve", peu alcoolisées, sans "adjuvants vulgaires", diraient certains vignerons nature. Ce Primitif, donc, est un retour aux sources du vin de Savoie, la jacquère sans artifice oenologique. Il ne fait que 10.5 % d'alcool, ce qui est exceptionnel de nos jours. Paradoxalement, c'est plutôt dangereux, car ne percevant plus l'éthanol, on a tendance à en boire beaucoup plus ...alors qu'on est tout de même loin de l'eau de source. 

En tout cas, à l'heure où les Chablis et les Muscadets gagnent de plus en plus en rondeur et maturité, ce vin est une belle alternative pour ceux qui recherche des vins vifs et cristallins pour accompagner des fruits de mer ou des sushis (sans avoir une acidité agressive). 

La robe est or très pâle tirant vers l'argenté. 

Le nez est vivifiant, sur la pomme fraîche, le citron pressé et la craie humide.

La bouche est  élancée et tendue, donnant l'impression qu'une lame de quartz cristallin s'enfonce dans votre palais tel un katana, le coupant en deux avec précision. L'aromatique sobre (agrume, minéral) renforce le côté pur de ce vin à l'architecture cistercienne.

La finale prolonge ces sensations tout en ajoutant une fine mâche citronnée/crayeuse très salivante, avec une persistance sur le zeste de pomelo et la pierre mouillée.



jeudi 5 mars 2020

Fruit de Jonc Blanc 2018 : le monstre gentil


J'avais employé il y a quelques années cette expression pour Oh Yeah, un Cabernet franc sans soufre de l'Enclos de la croix : d'un côté, il envoyait vraiment du pâté  gloubi-boulga, de l'autre, il était d'une grande douceur tactile, sans la moindre agressivité papillaire. On est ici dans un cas de figure proche : ce Fruit 2018 du Jonc Blanc est puissant et impactant, tout en étant gourmand, charmeur, et assez irrésistible. Comme le Casimir de notre enfance, quoi ;-)

La robe est grenat/violacé très sombre, à peine translucide.

Le nez est bombesque, sur les fruits noirs confits, l'encre, la suie et le cacao en poudre, avec une petite pointe mentholée/résineuse qui apporte de la fraîcheur. On pourrait partir alors sur une origine beaucoup plus sudiste, voire étrangère (Italie, Espagne). 

La bouche est sphérique, très ample, emplissant généreusement le palais d'une matière dense et veloutée aux tanins présents mais déjà  bien fondus. Par ailleurs, la tension apportée par le cabernet-sauvignon évite toute mollesse.  On retrouve l'intensité aromatique du nez, autant sur le fruit que les notes fumées. Facile d'imaginer l'accord parfait avec une viande bien épaisse qui a grillé tranquillement sur des sarments dont elle s'est imprégnée. 

La finale possède une fine mâche crayeuse rappelant le terroir calcaire du  Jonc Blanc, mêlant le cassis frais au cacao et au menthol, avec une persistance sur les épices et la craie.

Bref, on est assez loin d'un vin glouglou à boire pour lui-même. Par contre, avec une cuisine du Sud-Ouest dont il est issu – confit, cassoulet, piperade –  vous devriez vous régaler. Et ce, à prix raisonnable (9.95 €).


Z'avez vu la couleur ? 


mercredi 4 mars 2020

Dirler-Cadé : Riesling ou Sylvaner ?


Eric R. est allé au salon Wine Paris le mois dernier où il a eu l'occasion de déguster les vins du Domaine Dirler-Cadé  : un coup de cœur qui les fait rentrer chez Vins étonnants moins de deux semaines après – ça n'arrive pas souvent. On ne peut pas dire que Ludivine et Jean Meyer aient surfé sur la mode actuelle de la biodynamie puisqu'ils se sont convertis à celle-ci … en 1998 ! Sans en être les précurseurs en Alsace – Frick, Meyer ou Kreydenweiss se sont lancés avant – ils font partie de la deuxième vague, avec Zind-Humbrecht, Josmeyer ou Valentin Zusslin. 

Le domaine est situé près de Guebwiller, un secteur riche en grands crus : Kitterlé, Saering, Kessler et Spiegel. Cela offre une large palette d'expression aux différents cépages, avec évidemment le riesling au premier plan.  Je vous propose aujourd'hui de découvrir le Sylvaner vieilles vignes  et le Riesling "village" (comme on dirait en Bourgogne). C'est assez étonnant, car le premier a comme un air de riesling mosellan par son style cristallin, très loin de l'image de ce cépage. Le second, lui, est plus "français" dans l'esprit, même s'il évite les sucres résiduels devenus un peu trop habituels. 





Issu du Grand Cru Kessler à Guebwiller (1958)
et une parcelle à  la limite du Grand Cru Saering (1969)

La robe est jaune très pâle, aux reflets or-gris. 

Le nez est plutôt discret, sur le citron mûr, le gingembre et la craie humide. 

La bouche est longiligne, tendue par une (très) fine acidité, avec une matière ample et aérienne à la fraîcheur cristalline, qui vous impacte le palais telle une lame d'acier. C'est classieux et pur,  et devrait plaire aux amateurs de déco nordique ultra sobre, car il n'y aucun chichi ou tralala pour égayer l'affaire (mais c'est ça qu'est bon !)

La finale prolonge la tension sans faillir, tout en la soulignant d'une fine mâche crayeuse subtilement citronnée, avec une persistance sur des notes salines et le gingembre. 


Riesling 2018 (15.50 €) 

Sélection de raisins issus des parcelles des Grands Crus Saering, Kitterlé,
 Spiegel  et du Lieu-dit Belzbrunnen.

La robe est jaune pâle, brillante. 

Le nez  est expressif, sur la pêche blanche, le citron vert, la mandarine, avec une petite pointe résineuse. 

La bouche allie ampleur et tension, avec une matière ronde et mûre, enveloppante – tout en étant fraîche et tonique – et ce fameux fil invisible qui réussit à étirer l'ensemble sans se casser. Le tout est harmonieux et rassurant, avec une aromatique plus gourmande que le Sylvaner (fruits et  épices à volonté). 

La finale est généreuse, intense, très Triple A, avec une Acidité qui pointe enfin son nez, une Astringence qui évoque l'écorce d'agrume et une Amertume très bigarade/quinquina/gingembre. Le tout se prolongeant sur les épices et la pêche séchée. 

lundi 2 mars 2020

Kuyen : oubliez tous vos clichés sur les vins chiliens...


Antiyal est un domaine relativement atypique au Chili, autant par sa taille modeste que par l'esprit qui le guide. Ses sols basaltiques sont cultivés en biodynamie (certifié Demeter) depuis sa création en 1996. Alvaro Espinoza a démarré en plantant deux hectares de vignes : il en cultive aujourd'hui 25, mêlant les cépages de Bordeaux – il y a étudié l'œnologie – à ceux du Rhône. Cette cuvée Kuyen est représentative de ce métissage puisque son assemblage est 54,7% Syrah, 22,2% Cabernet Sauvignon, 17% Carmenère, 6,1% Petit Verdot  – la biodynamie n'exclue pas la précision.  Les extractions sont douces, l'élevage en barrique pas trop marqué (20 % de fûts neufs). Il en ressort une élégance que l'on croise assez rarement dans le secteur, même si le phénomène prend de l'ampleur. À découvrir, donc !

La robe est grenat assez sombre, translucide. 

Le nez est très expressif, sur la crème de cassis, des notes florales et une fine touche fumée. 

La bouche est élancée, étirée par une fine tension, et déploie une matière ample, aérienne, caressante, au toucher soyeux. Elle gagne progressivement en densité tout en préservant un tactile d'une grande douceur. L'aromatique est dominée par un cassis très pur, juste souligné par quelques épices. 

La finale prolonge la tension de la bouche, ajoutant juste une fine mâche tannique et une intensification du cassis, complété par le poivre fumé et le cacao. Le tout persiste sur le cassis et une fine touche mentholée.