mercredi 28 août 2019

Cantina di Torra : deux lectures du même terroir


Il y a deux ans, je vous avais  parlé du Cantina di Torra blanc 2016 dont la température de service n'était pas évidente à gérer du fait de son degré élevé. À l'époque, le rouge ne se goûtait pas très bien. J'avais préféré ne pas l'évoquer. Les 2018 reçus il y a peu, même s'ils gagneront à vieillir 3 à 5 ans, sont déjà accessibles. Les degrés sont nettement plus raisonnables (12.4 % pour le blanc, 12.7 % pour le rouge) et je ne peux que vous inciter à reproduire l'expérience que j'ai faite hier : à savoir les boire côte à côte, en n'hésitant pas à passer de l'un à l'autre, et inversement. Non seulement les deux le supportent sans problème, mais l'opération leur est bénéfique. 

J'avais démarré par le rouge, car le blanc faisait un court séjour au frigo. Sur le moment, je ne l'ai pas trop compris, ne le trouvant pas en place, avec des tanins qui ressortaient un peu trop à mon goût. Et puis j'ai goûté le blanc : j'ai été surpris par la densité crayeuse de la matière, assez rare pour un "non orange", mais c'est tellement harmonieux; évident, que ça passe tout seul. Une fois mon commentaire écrit, je suis repassé au rouge ... et j'ai en fait retrouvé exactement la même structure que le blanc : ce que je prenais pour des tanins mal intégrés était la "minéralité crayeuse" du vin. Les ressemblances ne s'arrêtaient pas là : on retrouvait dans les deux des notes de résine et de garrigue, probablement dues à la flore locale dont les essences sont volatiles. En repassant de l'un à l'autre, on voyait bien qu'ils parlaient du même lieu, du même millésime, les cépage devenant presque secondaires*. Une fois que vous avez intégré cette grille de lecture, votre rapport avec ces deux vins se modifie, et vous y prenez beaucoup plus de plaisir, qu'il soit physique ou intellectuel. 




100 % Vermentino

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est fin, aérien, sur les fruits blancs mûrs, la fleur d'acacia et le lemon curd.

La bouche est ronde, enveloppante, déployant une matière à la chair dense, finement astringente, reprenant l'aromatique perçue au nez, complétée par des notes plus minérales. Il s'en dégage une force tranquille, une zénitude, avec cette impression que le temps se ralentit, allant presque jusqu'à s'arrêter.

La finale gagne encore en concentration et en intensité, avec une – belle –  amertume qui se renforce, sur des notes de citron et de résine, avec l'impression prolongée de sucer une craie...



100 % Nielluciu

La robe est grenat translucide, aux reflets violacés.

Le nez est plutôt discret, sur des notes de fruits rouges confits, de garrigue et d'eucalyptus.

La bouche est élancée, étirée par une très fine – mais intense– acidité qui fait office de colonne vertébrale ... et de moteur. La matière est ronde,  ample, veloutée, avec le même toucher crayeux./astringent que le blanc, et un fruit élégant, également disputé par le minéral.

La finale, à l'instar du blanc, gagne en concentration et intensité, avec un crayeux encore plus marqué et un fruit pur, vibrant qui monte crescendo et persiste sur des notes acidulées et résineuses (entre griotte, citron et ciste).

______________________________

*Cela, je l'avais déjà constaté grâce à des producteurs bourguignons qui avaient eu l'intelligence de garder quelques parcelles de pinot noir à Chassagne-Montrachet : lorsque vous passiez du blanc au rouge issu de la même parcelle, vous étiez frappé par leurs ressemblances  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire