Ça devait arriver : Jeff Carrel se lance à son tour dans la production de "vin orange" avec Chat gris. Comme l'homme est perfectionniste, il ne le fait pas comme tout le monde : d'abord il choisit des grenaches gris sur schistes (de Fitou et de Maury) pour la tension et la race. Puis il fait une macération des raisins à froid durant 4 jours. Il extrait de la couleur et des arômes .... mais pas de tanins ! Il presse, passe le moût au froid pour le décanter. Et entonne ensuite en fûts usagés et lance la fermentation alcoolique. Les vins resteront ensuite dans ces fûts de 18 à 40 mois, sans ouillage. L'assemblage n'aura lieu qu'en toute fin.
Le résultat est plus proche des vins blancs "rancio" secs qui se faisaient traditionnellement dans le Roussillon – et que continuent de perpétuer des producteurs comme Ferrer-Ribière – que des vins oranges que l'on trouve un peu partout. Personnellement, ça me va plutôt bien, car je trouve ces vins plus faciles d'approche, car moins clivant stylistiquement. Cela me paraît une belle introduction aux vins oranges, même si les puristes du genre trouveront à redire – normalement, la macération se poursuit durant la fermentation, voire l'élevage.
La robe est orange, tirant légèrement vers l'ambré.
Le nez est intense, touffu, complexe, sur la banane flambée au rhum, l'écorce d'orange séchée, la liqueur de noix, le souk oriental...
La bouche est très ample, vous nappant le moindre mm² de votre palais d'une matière dense, veloutée, donnant plus l'impression d'être solide que liquide – tout en ayant paradoxalement un côté très aérien, presque gazeux. Enfin, goûtez, vous comprendrez mieux ce que je veux dire. Dans un registre plus estival, on pourrait évoquer une énorme vague qui avance lentement, mais sûrement, et finit par vous submerger complètement, vous noyant dans un océan aromatique.
La finale dévoile une mâche énergique, puissante, avec une intensification des épices et des notes de rancio (noix, cararamel, café), le tout soutenu par un mix acidité/amertume/astringence, et persistant très longuement sur la noix grillée et le fenugrec.
Pour être parfaitement apprécié, ce Chat gris doit être bu à 14-15 °C. Il fera un un très bon vin de méditation en fin de repas, mais pourra aussi accompagner des plats épicés (comme ces ris de veau au café et cardamome) des fromages affinés ou même des desserts aux fruits secs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire