mercredi 17 mai 2017

Beynat : des Bordeaux comme vous n'en avez jamais bus !


L'histoire démarre il y a deux mois sur Facebook. Mon ami André Fuster – dont il faut lire le mordant mais toujours pertinent blog Vitinéraires – m'a vanté les vins d'un producteur bio bordelais dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à présent. Certaines cuvées sont même sans soufre, mais parfaitement réussies. 


Quelques jours plus tard, je vais au salon des Vignerons bio d'Aquitaine, et je tombe dès mon arrivée sur le stand de ce domaine : château Beynat. Je goûte la dizaine de vins qui composent la gamme. J'aime TOUT à l'exception d'une cuvée trop boisée à mon goût (le vigneron reconnaît lui même qu'il y est allé un peu fort : il a rectifié le tir l'années suivante). Devant retourner la semaine suivante dans le Bordelais, je propose de passer au domaine, histoire de voir le lieu où ces vins ont été enfantés. C'est OK. Rendez-vous est pris.


Le samedi 15 avril, me voilà donc à Sainte-Magne de Castillon. Alain Tourenne m'attend. Nous faisons un petit tour dans les vignes, puis au cuvier. 


Là, il me montre un "outil maison" dont il est difficile de deviner l'usage lorsqu'il n'est pas en fonctionnement: il permet d'effectuer un tri densimétrique de la vendange égrappée. Certains domaines prestigieux de Saint-Émilion utilisent le même principe, mais la machine coûte la bagatelle de 100.000 €... Dans le cas présent, ça lui a surtout demandé de l'ingéniosité – il n'en manque pas – et un bon maniement du fer à souder. Le résultat, lui est impeccable : toutes les baies raisins qui n'ont pas le degré de maturité souhaité sont éliminées. Cela explique en partie la grande homogénéité qualitative de la production : aucune trace de verdeur, même dans les cuvées contenant pas mal de Cabernets. 


Là, vous voyez le prototype. Le brevet a été déposé, et cette machine – la Flotatrie – est maintenant fabriquée en série. Vous pouvez voir ci-dessus celle du Château Reignac. Nicolas Lesaint en parle ICI


Afin de ne pas gâcher cette belle matière première, les baies sont encuvées par gravité sans foulage. Le pigeage est préféré au remontage pour l'extraction. Et les températures de fermentation sont relativement basses (24-26 °C) grâce à la thermorégulation. Pour pressurer en douceur les raisins, il utilise un pressoir vertical de 1926 qui marche encore parfaitement. Bref, même si son chai ne paie pas de mine, il n'a rien à envier techniquement aux bâtiments les plus sophistiqués de Bordeaux. 


Par rapport à de nombreux vignerons bio/nature, Alain se distingue par une longue expérience de technicien oeno, y compris dans des grosses structures. La rigueur devient alors un réflexe quasi conditionné. Cela se sent dans la perfection formelle de ses vins. On est vraiment dans le zéro défaut. 




Loin du Clairet bordelais, coloré et fruité, mais tout aussi loin du rosé provençal, souvent insipide, Pink réussira à faire aimer le rosé à ceux qui le détestent d'ordinaire. 

La robe est rose pomelo clair. 

Le nez est rafraîchissant, sur des notes de zeste d'agrume et de petits fruits rouges. 

La bouche est d'abord vive, élancée, puis laisse place à une matière plutôt dense, vineuse, séveuse même, avec une profondeur inattendue pour un rosé. 

La finale a de la niaque, avec l'impression de croquer dans l'écorce de pomelo, Jolie persistance sur des notes citronnées. 



Floyd cultive encore plus la différence que son frère Pink : il va vous faire frétiller les papilles comme ça ne vous est jamais arrivé !

La robe est rose framboise clair. 

Le nez est fin, sur des notes de citron et d'épices (et de rose avec l'aération). 

La bouche trace en longueur, avec une matière étonnamment dense et vigoureuse, épicée, à la fraîcheur expressive et désaltérante. 

La finale est très citronnée, soulignée par une noble astringence. Cette sensation d'avoir mordu un citron persiste longuement. Dans un verre noir, ce vin passerait probablement pour un blanc (Sancerre ?). 




Un vin "nature" sans gaz carbonique, sans volatile, brett, ou autre défaut. On peut se concentrer sur le fruit et la fraîcheur, sans prise de tête, avec l'assurance qu'il plaira à tous !

La robe est pourpre sombre, limite opaque. 

Le nez est intense, avec l'impression d'avoir le nez juste au-dessus de la cuve, avec des notes de yaourt aux fruits noirs (mûre/cassis) et d'épices. 

La bouche est ronde charnue, juteuse, avec un fruit expressif, des tanins veloutés, et de la fraîcheur à revendre. 

La finale a une fine mâche gourmande, très marquée par  le cassis et le menthol. C'est ce dernier qui persiste assez longuement.





Cet assemblage Merlot & Cabernet Franc est probablement l'un des plus beaux rapports qualité/prix du Bordelais. Il ne ressemble à aucun des clichés que l'on se fait des vins de la région. Pas de bois, pas d'extraction outrancière, pas non plus de rondeur joufflue, pas plus de poivron... Juste de la finesse, de la complexité aromatique, de la gourmandise toute en élégance. Goûtez, vous comprendrez !

La robe est grenat translucide. 

Le nez offre déjà un bouquet complexe, sur des notes de cassis, de pivoine, d'épices et de tabac. 

La bouche est élégante, soyeuse, toute en finesse, avec un fruit subtilement patiné par les 18 mois d'élevage et une juste tension. 

La finale est finement mâchue, sans dureté, sur des notes de cassis et de tabac. Un régal. 




L'assemblage Cabernet Sauvignon & Merlot est rarissime en rive droite, le cépage médocain ayant du mal à arriver à maturité dans le secteur. À Beynat, ces vieilles vignes remarquablement exposées y arrivent sans problème. Ce vin est déjà bon maintenant, mais gagnera à être encavé 4-5 ans avant d'y toucher. Il sera alors beaucoup plus complexe.

La robe est grenat au reflets pourpres.

Le nez est fin, élégant, sur des notes de fruits rouges et noirs (framboise, cassis), de ronce, de tabac et d'épices. La bouche est longiligne, avec une tension enrobée par une matière douce, veloutée, évoquant la crème de mûre épicée.

La finale est fraîche, tonique, mariant le cassis et le menthol aux notes boisées/grillées/épicées.



Contrairement à beaucoup de Saint-Emilion Grand Cru (rien à voir avec Grand Cru classé),  cette cuvée ne provient pas de la plaine sableuse mais d'une parcelle argileuse remarquablement située dans le nouveau triangle d'or de l'appellation. Ses voisins s'appellent Valandraud (1er GCC), Fleur Cardinale (GCC), Pressac (GCC), Faugères (GCC). Cela se ressent dans la race que dégage ce vin, encore amplifiée par ce beau millésime frais qu'est 2014.

La robe est rubis sombre aux reflets violacés.

Le nez est fin et profond, sur la crème de fruits noirs, l'âtre de cheminée, l'encre, le benjoin et les épices.

La bouche allie rondeur et fraîcheur, avec une belle tension et une matière veloutée, sensuelle. En arrière-plan, on sent qu'il y a du fond, une sacrée matière, et une fraîcheur monstrueuse.

La finale est puissante, avec une mâche calcaire expressive, pleine de fruit, rafraîchie par des notes mentholées, et quelques notes d'élevage.

PS (si vous êtes arrivés jusque là !) : j'ai fait déguster toute la gamme à des clients amateurs : les retours positifs ont été unanimes sur toutes les cuvées. Par ailleurs, j'ai regoûté tous les vins après une semaine d'ouverture : ils étaient toujours aussi bons, même le vin sans sulfites. Cela montre la qualité de la matière première et le sérieux des vinifications.


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