Thierry Renard est un héros moderne, même s'il en refuserait certainement l'appellation (cette parcelle sur trouve sur Chanturgue) tant l'homme est modeste. Depuis le début des années 2000, il s'est mis en tête de sauver les quelques parcelles qui subsistent sur un coteau sud dominant Clermont-Ferrand, totalement envahi par les pavillons. En tout, une petite dizaine de parcelles totalisant 1,3 ha (il y en a une autre un peu plus loin qui fait 0,2 ha).
Si l'on regarde juste rapidement les pierres basaltiques qui jonchent le sol de certaines parcelles, on pourrait croire que nous sommes sur l'un des anciens volcans d'Auvergne. En fait, c'est superficiel. C'est juste des retombées suite à la dernière éruption du Puy de dôme il y a 12 000 ans.
Ici, nous voyons mieux la nature du sol/sous-sol : nous sommes sur du marno-calcaire. Ce qui est appréciable en cet été caniculaire. Pour l'instant, les vignes ne souffrent pas du tout de la sécheresse.
Comme je le disais plus haut, toutes ses parcelles sont encastrées dans une zone pavillonnaire, difficilement accessibles, ce qui rend tout passage d'engin impossible. Désherber chimiquement serait une catastrophe : il risquerait de perdre la précieuse terre à la moindre pluie un peu violente. Elle est donc juste fauchée au "Rotofil" (ce qui explique son aspect haché sur les photos). Les traitements (cuivre et soufre) se font à la pompe à dos, et les rognages à la cisaille. Autant dire qu'au printemps et en été, ces quelques parcelles lui prennent autant de temps que s'il avait six hectares !
Dès qu'il en a l'espace disponible, Thierry plante des arbres fruitiers, des herbes médicinales, des fleurs afin d'avoir un meilleur équilibre naturel. Par exemple, ci-dessus, un pêcher de vigne.
Ou encore du romarin.
Il subsiste encore ici et là des pieds de Gamay qui dépassent le siècle (plantés en 1904) et qui continuent grâce aux soins de Thierry à donner chaque année quelques grappes. Pour l'instant, rien ne semble montrer qu'ils sont en fin de vie et devraient pouvoir tenir un siècle de plus si le vigneron trouve des successeurs attentionnés.
Car tout le monde n'est pas aussi regardant. Thierry m'a montré une très vieille parcelle de Syrah entretenue par un "confrère" qui n'a pas les mêmes scrupules. Il traite chimiquement la vigne sans tenir compte des pavillons qui jouxtent celle-ci, faisant fi des distances réglementaires. Ce qui le tue le plus, c'est que personne n'a eu encore l'idée de faire une pétition pour s'y opposer (la photo ci-dessus est une parcelle de Thierry).
Les rendements sont très faibles. Quand ça va bien, 10 hl/ha. Parfois moins, comme en 2013. Autant dire que la vigne paie difficilement son homme, et que Thierry doit travailler à côté durant les mois où la vigne l'accapare moins. En animant entre autres des soirées dégustation. Car l'homme est loin du paysan bougnat frustre. Lorsque tu vois les cadavres de bouteilles qui sont dans sa petite cave, tu te rends compte qu'il a bu les meilleurs vins de la planète.
Toute sa production de rouge 2013 se tient dans ces quelques barriques. Elle sera embouteillée incessamment sous peu et disponible en septembre, si tout va bien. J'ai pu goûter : c'est vraiment très bon, dense sans être lourd, avec un superbe fruit. Toutefois dans un style moins baroque et mûr que dans des millésimes précédents, où l'on se demandait bien ce que l'on était en train de boire.
Le blanc 2013 est déjà en bouteille. Un très beau Chardonnay qui n'a rien à envier à nombre de bouteilles de la Côte de Beaune. Difficile d'imaginer qu'il n'y a aucun sulfite ajouté, tant le vin est pur et ne montre aucun des stigmates répandus dans ce type de production.
Certains trouveront que payer un vin de France d'Auvergne un peu moins de 20 €, ça fait cher. Mais en fait, lorsque vous faites l'acquisition d'une bouteille de Thierry Renard, vous n'achetez pas simplement du vin. Vous soutenez le combat d'un homme contre l'urbanisation à tout crin, vous sauvez des pieds centenaires qui seraient arrachés sans aucun scrupule, vous participez au maintien d'une civilisation multi-centenaire qui partirait en lambeaux si quelques hommes n'y prenaient pas garde. Pour tout cela, merci Thierry !
Il faudra goûter vos vins Thierry la prochaine fois que je serai dans l'Aguergne.
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