vendredi 12 octobre 2012

Deux syrah opposées... mais complémentaires


Vous avez décidé de faire pour dimanche des magrets de canard. Ou des pigeons (ce volatile est à la mode, il paraît…). Et vous avez lu avec attention nos conseils sur les accords mets et vins avec les volailles. Une chose est sûre : il vous faut un vin à base de Syrah. Oui, mais lequel  choisir ?

Ne reculant devant aucun sacrifice, j'ai testé deux vins que l'on pourrait qualifier de "milieu de gamme". On n'est pas dans le petit vin pas cher à 4-5 euros. Ni dans le Saint-Joseph ou le Côte-Rôtie à 25-45 €. Plutôt dans la fourchette 9-11 €.


Respect aux anciens. Commençons par le plus âgé : le Saint-Louis 2007 de Jean-Louis Denois. Saint-Louis, c'est le nom du col qui marquait autrefois la frontière entre la France et le royaume de Catalogne, étroitement surveilléé par les forts dits "cathares" (un terme que n'aurait guère apprécié Saint-Louis, pas vraiment fan des cathares).



La parcelle est du côté "catalan" à Caudiès de Fenouillet, juste en contrebas du col. D'après les producteurs locaux, c'est l'un des meilleurs terroirs du secteur. Les rendements sont plus que raisonnables (30 hl/ha), les vendanges manuelles, et les vinifs se font en douceur. 

La robe du vin est restée pourpre, ne laissant paraître aucune évolution. Mais elle n'affiche pas une grande concentration (on voit au travers). Le nez est fin, complexe, d'une belle expressivité, laissant échapper des effluves de bois précieux, exotiques, des notes de fruits noirs confits, de tabac et de poivre. Avec l'aération, arrivera l'eucalyptus (que l'on trouve souvent dans les Syrah australiennes).

Au départ, la bouche est perturbée par un léger perlant qui nécessite :

- soit un carafage (mais c'est un peu long)
- soit une agitation énergique de la bouteille, le pouce sur le goulot, qu'il faut retirer entre deux mouvements, histoire de laisser s'échapper le CO2. 

Une fois le gaz éliminé, on peut apprécier pleinement la bouche, ample, mûre, à la matière soyeuse et aérienne, tendue comme un arc, prouvant que la droiture n'est pas forcément austère. C'est rare que je l'écrive pour un vin rouge, mais je le trouve d'une pureté cristalline. La finale mêle les fruits aux épices, avec une astringence savoureuse. 

Rebu 7 heures plus tard, le vin a gagné en sensualité tout en gardant cette belle fraîcheur. Les arômes se sont encore complexifiés, évoquant un joli Rioja à maturité.


La Syrah 2011 du domaine Pichat est produite en appellation Côte Rôtie. Les vignes dont elle est issue sont simplement trop jeunes pour avoir droit à la prestigieuse appellation. Ce vin est élevé dans des barriques ayant contenu l'un des Côtes Rôties du domaine. Bref, cette cuvée a presque tout d'une grande...


La robe est proche de celle du vin précédent : pourpre, translucide, sans la moindre opacité. Le nez est par contre très différent : on va direct en Rhône Nord, avec ces arômes de poivre, de lard, d'olive noire ... et un peu plus tard d'eucalyptus. La bouche est plus ample que le vin précédent, avec l'impression d'avoir le palais trop étroit pour contenir le vin (avec une sensation sphérique). La matière est plus charnue, fruitée, avec un coté juteux, pulpeux… du meilleur effet. Et puis surtout, il y a une sensation de fraîcheur mentholée assez étonnante qui monte crescendo jusqu'à la finale, gourmande en diable. Assez jouissif, pour tout dire. 

Pour résumer, un vin généreux, mais pas lourd.

Bu 7 heures plus tard, il n'a guère évolué, et la finale s'est un peu durcie. Moralité : vous ouvrez, vous buvez.


Conclusion 

Si je résume bien, le premier est fin, longiligne et épicé. Le second est plus rond, plus gourmand. Ils demandent donc des plats assez différents.

Le Saint-Louis de Denois gagnera plutôt à être servi avec de l'agneau au Ras-El-Hanout (recette ICI) ou du magret basse-température aux épices (recette ).



Alors que je verrais plus la Syrah de Pichat avec des aiguillettes de canard, cèpes et coulis de cassis ... 


ou pourquoi pas une tarte au boudins et pommes ?

Mais elle sera encore plus géniale avec un pavé de biche !



Prix indicatifs : Saint Louis (10.90 €) et Syrah (11.00 € )

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