jeudi 28 juillet 2016

Barranco oscuro : étonnante rencontre !



Pas pour rien que notre site s'appelle Vins étonnants, car il nous arrive des choses... vraiment étonnantes. Il y a une quinzaine de jours, nous recevons le n° d'été de l'excellente revue Le Rouge et le Blanc. Avec un long reportage sur un domaine totalement inconnu à l'autre bout de l'Espagne : Barranco Oscuro. Je le lis vite fait en diagonale, en me  disant : "de toute façon, on n'est pas prêt de goûter leurs vins, et encore moins de les vendre..."


Et puis v'là t-y pas qu'il y a quelques jours, un certain Lorenzo Valenzuela nous contacte pour nous dire qu'il a l'occasion de passer par Limoges, et nous propose de nous faire déguster les vins du domaine familial. Bon, nous sommes toujours ouverts à ce genre de choses, c'est donc oui, bien sûr. À ce moment-là, nous n'avons toujours fait le rapport avec le reportage du R & B....



Lundi 25 juillet, 10 heures : Luisa et Lorenzo débarquent dont à notre entrepôt, les bras chargés de bouteilles. Non seulement leurs cuvées, mais aussi celui d'un voisin. Il faut dire que Luisa distribue en Espagne des vins presque aussi étonnants que les nôtres : Vinos Auténticos.

Et à un moment donné, ils nous montrent la couverture du R & B, et là, nous percutons : le domaine qui nous paraissait inaccessible est là, dans nos murs, et nous allons déguster leurs vins !... Enfin, pas tous, car la gamme est très large et ils n'ont pas tout amené. En plus de ceux-ci, il y a aussi plusieurs blancs secs, des pétillants, un PX en vendange tardive... 

Source photo : food truck blog
Petite présentation du domaine (résumé de l'article du R & B en un paragraphe) : Manuel Valenzuela achète en 1979 une maison à Cádiar, sur les hauteurs des Alpujarras (1300 m d'altitude), située entre la Sierra Nevada au nord, et la Méditerranée à 12 km au sud. En 1982, il plante ses premiers ceps dans l'idée de faire du rosé. Puis en 1986, il produit ses premiers rouges. Dès 1989, il se convertit officiellement au bio. Aujourd'hui, le vignoble fait 12 ha et comprend 14 cépages différents, et son altitude est comprise entre 1280 et 1368 m d'altitude. Les sols sont majoritairement schisteux, avec plus ou moins d'argile. Le climat est méditerranéen le jour, continental la nuit  (jusqu'à 15 ° d'amplitude thermique), ce qui permet d'avoir de très belles acidités qui équilibrent parfaitement les vins. Les vinifications sont totalement naturelles, sans le moindre ajout d'intrants – même pas de sulfites à la mise – avec le minimum d'extraction possible. Depuis 2015, ils ont même poussé le vice à n'incorporer que la moitié du marc dans les cuves et ont pressé le reste, histoire d'avoir à encore moins extraire !

Voici donc ce que nous avons goûté ... et de suite acheté !!!



Salmónido 2014 : la robe est vermillon orangé, couleur saumon sauvage de l'Alaska.

Le nez grillé/fumé "sésame & pétard" fait plus penser à un chardonnay bourguignon voire jurassien – style Graviers de Tissot – qu'à un vin rosé (LE vin à servir en verre noir !). Il y a aussi une pointe de volatile pas du tout désagréable qui apporte une touche de fraîcheur.

La bouche est ample, aérienne, avec une matière douce, soyeuse, tendue par une fine acidité. L'aromatique n'est pas là non plus porté sur le fruité, mais toujours sur ces notes grillées/fumées, mais également une certaine vinosité qui n'est pas sans évoquer les rosés champenois (ce vin est un pur Pinot noir). Le bel équilibre masquerait presque la richesse du vin (15 % vol.).

La finale digeste et épicée conjugue acidité, amertume (quinquina, orange amère) et légère astringence.


El pino rojo 2014 : la robe est grenat sombre translucide, légèrement violacée.

Le nez pinote à donf, (normal, 100 % Pinot noir) sur des notes de cerise, de framboise, de poivre et de terre fraîchement retournée.

La bouche a un peu le même profil que le vin précédent : rondeur, ampleur, soyeux, tension élégante, mais avec plus de chair, de fruit et de densité, tout en restant aérien. La volatile présente en arrière-plan apporte une belle dynamique qui se prolonge en finale.

Celle-ci a une fine mâche crayeuse, assez bourguignonne, même si on sent que ça  chauffe plus que dans la Côte d'or.


Rubaiyat 2011 : la robe est encore plus sombre, à la limite de l'opacité.

Le nez est d'abord réduit – c'est  un 100 % Syrah – mais après aération, il devient expressif tout en restant aérien, sur des notes de fruits noirs bien mûrs, de cacao, de lard fumé et de pain d'épices. Là aussi, une pointe de volatile rafraîchit l'ensemble.

La bouche est plus tendue et fraîche que les deux vins précédents, avec une matière plus puissante et concentrée, plus veloutée/charnue que soyeuse.

La finale est raccord, avec une mâche intense, mais avec des tannins bien mûrs et gourmands, sur des arômes de fruits compotés, de cuir et d'épices.


Garnata 2011 : la robe est plus claire, plus proche de celle de Pino rojo.

Le nez est fin, épicé, avec des notes de prune, de tabac hollandais et de cuir.

La bouche est un mix entre le premier et le second rouge : la finesse et l'aérien du pinot noir, la fraîcheur et la tension de la Syrah avec des notes de menthol et d'eucalyptus qui montent crescendo pour exploser totalement en finale.

La finale est un monstre de fraîcheur. On a l'impression d'avoir mangé un Kiss cool ® . Comme la Syrah il y a une belle mâche, mais couplée à cette fraîcheur diabolique et à des notes résineuses, c'est un pur régal !


1368 millésime 2005 : la robe est plus claire et plus évoluée, faisant bien son âge.

Le nez lui aussi fait "tertiaire" sur des notes de sous-bois, de fleurs séchées, d'eau de vie de framboise.

La bouche est très aérienne, limite évanescente, mais accrochée à la terre ferme grâce une acidité tonique, limite tranchante.

La finale est beaucoup plus terrienne, avec une accroche un peu rustique qui invite à manger avec des mets gras et goûteux.

Deux jours après l'ouverture, il fait beaucoup moins évolué, avec le Cabernet Sauvignon qui s'exprime dans un style médocain plein de fraîcheur (tabac, cassis, cèdre, menthol). La finale est mieux intégrée à l'ensemble. On a vraiment l'impression de boire un grand Bordeaux dans une version plus aérienne/élégante. Superbe !

Conclusion : tous les vins sont d'une grande netteté, sans le moindre défaut. Certes, la volatile est plutôt élevée, mais elle est très bien intégrée dans chaque vin, et c'est plus une qualité qu'un défaut. Certes, sur le papier, ce sont des "vins qui cognent" (15-16% d'alcool), mais cela ne se ressent pas tant ils sont équilibrés. Bref, des vins que les amateurs de vins naturels doivent absolument découvrir !
PS : lors d'une  "soirée étonnante", j'ai fait déguster ce qui me restait des bouteilles 60 heures après leur ouverture à des clients amateurs. Tous les vins leur ont beaucoup plu, alors que certains se goûtaient un peu moins bien que le premier jour. Comme je l'écrivais un peu plus haut, le 1368 avait encore gagné en qualité, ce qui est bluffant pour un vin non sulfité.


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