vendredi 29 juillet 2016

Bordatto : la pomme transcendée


Cette journée du 16 juillet fut vraiment passionnante : le matin, nous avons rencontré Elorri Reca au domaine Bordaxuria qui nous a expliqué avec moultes détails sa démarche pour produire des vin de (très) grande qualité. Et l'après-midi, après un pique-nique avec un point de vue exceptionnel du sommet du Pic Aradoy ...


... nous sommes arrivés chez Pascale et Bixintxo Aphaule au domaine Bordatto. J'ai déjà eu l'occasion de boire ICI et une partie de leur production : j'ai été impressionné par la finesse et la précision des différentes cuvées, avec cette impression de boire plutôt de très bons vins que des cidres. En fait, à l'instar de notre visite du matin, tout s'explique lorsque le vigneron-cidrier vous raconte sa démarche d'une rare minutie. Nous sommes à mille lieues du cidre fermier produit "à l'ancienne" avec tout ce qu'il peut y avoir d'artisanal dans le pire sens du terme. Mais je n'en dis pas plus. Je laisse maintenant la parole à  Bixintxo. Ce sera plus simple...


"Lorsque nous avons démarré en 2001, nous  n'avions pas de verger. Nous voulions faire du vin, car c'était notre métier d'origine. Mais nous avions trop peu de vignes pour en vivre. Nous avons fini par trouver 2,5 ha de verger : c'était de la Golden, de la Canada et autres variétés de ce genre. L'ancien propriétaire faisait un traitement tous les 4 jours de mars à septembre. Nous l'avons repris en  janvier. En février, nous avons pris les tronçonneuses pour tout couper. Pour nous, ce n'était pas logique : si nous arrêtions de traiter, les fruits allaient être malades. Et même les fruits sains n'auraient pas été bons. Même économiquement, ce n'était pas viable ; tu fais juste travailler le marchands de produits phytosanitaires.

Nous avions repéré plein de pommiers dans les environs dont personne ne s'occupait : ils n'étaient pas malades, et les pommes très bonnes. Nous avons commencé à faire ce que nous continuons toujours aujourd'hui :  nous ramassions plein de pommes chez les uns et les autres en essayant de les identifier. Observer celles qui poussent sur tel sol,  ou tel autre. Et puis, nous avons commencé à greffer et replanter pour reconstituer le verger.

Cela fait deux ans que nous avons préparé mille arbres qui seront  plantés l'hiver prochain. Ces trente variétés que nous avons identifiées sont adaptées à la climatologie locale : elles ne tombent pas malade. Aujourd'hui, en arboriculture, parler de pommes qui ne tombent pas malade sans utiliser de pulvérisateur, c'est complètement inimaginable. alors que c'est simplement du bon sens paysan. 

Pour compléter notre production, nous achetons des pommes dans les villages alentours, mais nous sommes intransigeants : les arbres ne doivent pas avoir été traités de l'année, et c'est nous les ramassons nous-mêmes afin d'être certains de savoir d'où elles proviennent, mais aussi pour les cueillir à parfaite maturité. Nous pouvons faire 5, 6, 7 passages dans le même verger pour ne ramasser que ce qui est mûr et impeccable. Elles ne sont pas certifiables  en bio comme l'est notre domaine, car souvent les propriétaires de ces pommiers ne sont pas agriculteurs. Nous ne pouvons pas faire venir un contrôleur pour un ou deux pommiers. En plus de l'aspect "résistance aux maladies", nous sommes aussi attachés à la typicité locale. Cela ne nous intéresse pas de faire la même chose qu'en Bretagne ou en Normandie. 

Le greffage se prépare deux ans avant de planter. Nous prélevons une pousse de l'année – le greffon – au mois de janvier. Nous les gardons au frais et à l'humidité puis on nous les greffons au mois de mars sur un porte-greffe. Il est possible de planter en franc de pied, mais cela sera trop vigoureux : vous aurez un arbre superbe ... mais  il va mettre 10-15 ans  à vous produire des pommes ! Alors qu'avec le porte-greffe, il faudra entre 5 et 10 ans. Nous pourrions utiliser des porte-greffes moins vigoureux qui entreraient en production encore plus rapidement, mais il faudrait les palisser. Or, avec nos sols pentus, c'est difficile à mettre en place. Nous avons besoin de pommiers bien ancrés au sol avec un bon système racinaire. Il faut trouver le bon équilibre entre bois et fruit."


"Nous avons planté cette parcelle il y a sept ans. Nous laissons les pommiers pousser comme ils veulent en faisant le minimum : juste un coup de sécateur si une branche gêne. Nous travaillons les sols autour, mais pas sous les pommiers, car nous voulons étudier le comportement de chaque variété. C'est un peu notre collection issue de nos années de prospection. Toutes les variétés sont réunies ici sur le même sol. Cela permet d'y voir plus clair. Car parfois, une même variété était plantée sur des sols et des expositions différents : les pommes ne se ressemblaient pas.  Par exemple, certains pensent que apez sagarra  est marron, et d'autres qu'elle est orange. En fait, c'est la même variétés, mais il y a des endroits où la pomme ne prend pas assez d'ensoleillement pour avoir cette couleur orange."


"Au départ, nous ne produisions que deux cidres : un sec et un demi-sec, et puis après, au fil de ce que nous apprenons chaque année, la gamme évolue. Tous les ans, nous remettons les compteurs à zéro, en nous adaptant aux conditions du millésime.. Il y a des constantes dans les assemblages. Par exemple, dans Basandere, il y a une pomme sans laquelle nous ne pouvons pas faire cette cuvée  : elle s'appelle Bordelesa. On s'attend à ce que ce soit super acide et astringent. En fait, pas du tout. Aucune acidité, mais elle a un parfum superbe et  un fruité génial. Le problème, c'est que souvent, les gens sont pressés et la ramassent trop tôt. C'est pour cela qu'elle est souvent décrite comme une petite pomme verte. En fait, si l'on patiente, elle est jaune et grossit un peu.

Cidre ou vin de pomme ? Il nous semblait que c’était un problème très culturel. Le cidre est situé par la plupart des gens en Bretagne ou en Normandie. En fait, pendant très longtemps, c’était le vin du pauvre que l’on trouvait un peu partout. Et on en trouvait au Pays basque avant même qu’il n’apparaisse en Normandie. Beaucoup de variétés de pommes sont nées à partir de Malus sylvestris. Et puis, à partir du Moyen-Âge, il y a eu beaucoup d’échanges entre le Nord et le Sud, que ce soit par les pèlerinages ou les marins  pour qui c’était une boisson facile à transporter pendant de longs trajets. 

En Espagne, sagardoa signifie littéralement vin de pomme. Il fait  2 g/l de volatile, et il se consomme comme ça. En France, il ne peut pas rentrer dans l’appellation cidre : c’est donc boisson fermentée à base de pomme. Nous estimons que nous trompons beaucoup moins les gens en l’appelant vin de pomme plutôt que cidre. Parce que si l’on pense au cidre – en tout cas inconsciemment – on pense aux bulles. Or,  ici, elle n’est pas importante en terme de présence : il peut y en avoir un peu, mais nous ne la recherchons pas. Vin de pomme nous paraît plus correspondre à ce qu’il y dans la bouteille que cidre

Ce qui nous a fait évoluer sur le sujet, c’est un passage à Francfort où nous avons dégusté plein de choses phénoménales, et nous avons découvert là-bas que les Allemands utilisaient le terme Apfelwein, soit vin de pomme. Cela correspond donc à notre sagardoa

Nous ne voulons pas d'acidité volatile importante. Donc nos vins de pomme sont légalement des cidres. Quoi qu'il faille un minimum de gaz carbonique que nous n'atteignons pas (3g/l). Nous sommes donc dans quelque chose qui n'existe pas vraiment. En tout cas en France. En Espagne, on retrouve ce type de vin de pomme entre 1 et 2 g de volatile, entre Saint-Sébastien et Bilbao, qui se vend surtout en cidrerie entre janvier et avril, le restant étant mis en bouteilles ou vendu dans les bars. Il y a une consommation très importante côté espagnol. Ici, non : les Français ne se pas trop habitués au côté aigre des cidres jeunes. 

Le souci en Espagne, c'est l'origine des pommes. Si l'habitude de consommer du cidre est restée, les vergers ont quasiment disparu. D'où le gros arrivage de pommes de Bretagne et de Normandie. Il y a aujourd'hui une tentative de replanter des vergers, mais cela ne suffit pas. 

Nous vendons 50 % sur place (amateurs de vins et de produits locaux), 25 % cavistes et restaurateurs et 25 % export (Japon, Suède, Finlande, Hongrie...). Que des passionnés qui transmettent leur passion à leurs clients.


Txalaparta 2014 :  le nez est puissant, limite violent, sur des notes de fumée (pierre à fusil), de grillé (entre sésame et pétard) et de pomme séchée. La bouche est droite, tendue, avec une matière riche, concentrée mais fraîche, s'écoulant dans le palais comme un torrent en fin d'hiver. L'effervescence est d'une grande discrétion, mais elle apporte une touche élégante à un ensemble plus brut. La finale dévoile une mâche puissante, explosive, avec une astringence marquée qui vous escagasse agréablement les papilles.

"Il n’est pas travaillé en assemblage. Il y a juste deux variétés intéressantes. L’une a une belle vivacité et des jolis tannins qui apparaissent lorsque la pomme est surmûrie. Lorsqu’on parle de surmaturation pour une pomme, ce n’est pas une question de concentration en sucre. Fin septembre, la variété apez sagarra  est croquante, acidulée, sympa à manger. Trois semaine/un mois après, elle est farineuse, toujours sucrée, avec un peu d’astringence. Donc les gens la mangent moins. Mais elle est intéressante pour nous,  car elle va apporter de la structure. Une fois le jus clarifié, nous le vinifions en barrique. Cela va se faire très lentement (6-10 mois). Les arômes de la barrique – jamais neuve (3-4 vins) – se marient bien à ceux de la pomme très mûre. Il  y a un côté fenouil/anisé qui évolue vers le fruit sec, voire fumée. 2014 commence à pouvoir se boire maintenant (juillet 2016). Mais souvent, les clients boivent nos cidres trop jeunes.

Lorsque nous mettons  en bouteille, le vin de pomme est tranquille. Il reste 15-20 g de sucres. Comme l’on sent un léger perlant, cela veut dire qu’il y a une légère reprise de fermentation, mais on ne peut pas parler de prise de mousse. Cela explique un peu les notes fermentaires et une pointe de réduit. 

Cela provient en partie de nos choix : levures indigènes, pas de soufre, pas de matraquage du jus pour le clarifier, juste une filtration avant la mise en bouteille pour être sûr que ce soit net. Mais tout est naturel. Le revers de cela, c’est que c’est vivant, mais c’est ce qui  me plaît. Il faut accepter cette évolution, ce côté réduit. Un coup de carafe, et puis voilà. 

Nous produisons Txalaparta depuis 2004. Jusqu'en 2014, nous bouchions la bouteille avec un bouchon et un muselet, tout en passant notre temps à expliquer aux clients qu'il ne fallait pas s'inquiéter que ça ne pète pas : c'est normal. En 2014, nous avons commencé à produire Oreka , aussi en vin de pomme. Nous voulions que nos clients goûtent ce que nous dégustons avant les assemblages précédant la mise en bouteille. Nous les goûtons "tranquille", et nous essayons de nous projeter après la prise de mousse. Pendant l'hiver, nous goûtions des cidres qui avaient un an qui terminaient leur prise de mousse. Ils étaient en pleine maturité, et nous dégustions en parallèles les vins tranquilles que nous allions mettre en bouteilles d'ici un mois ou deux. Ils étaient intéressants tel quel. Devait-on leur faire faire une prise de mousse pour une simple notion inconscience de bulle ? Nous avons décidé de les laisser ainsi. Et en fait, Txalaparta,  c'était déjà ça : nous pouvions arrêter de mettre un muselet et expliquer aux gens que c'était normal. Il pétille gentiment au bout de quelques mois, mais sans risque que le bouchon saute.

Nous les mettons en bouteille après qu'ils soient stables durant de longues semaines. Ils ne bougent plus. Nous savons que le soufre est inutile sur la pomme. Il n'agit pas comme avec  le raisin. Pour faire un vin moelleux, il faut le muter au SO : on est quasi certain qu'il n'y aura pas de refermentation. Si vous faites ça avec la pomme, vous pourrez y mettre des doses de cheval : vous risquez d'avoir mal à la tête, mais rien n'empêchera la reprise d'une activité levurienne. Il faut travailler en amont  : un travail nickel, des pommes cueillies à parfaite maturité, un chai propre et froid. Il y a une filtration plus sévère que les autres cidres qui permet d'éviter une présence de levures trop importante. Mais nous ne faisons jamais une filtration trop serrée qui risque de dépouiller le vin. Nous mettons en bouteilles nous-même, parce que nous voulons le faire au moment où nous le souhaitons, et non dépendre d'une entreprise."




Oreka 2015 :  Le nez est fin, mêlant les notes de pomme fraîche et caramélisée (tatin), de poire, avec une pointe exotique (ananas frais). La bouche est ample, ronde, aérienne, avec des  bulles délicates qui vous caressent le palais. On pourrait s'attendre à de la douceur en finale, mais non : le vin est bien sec, avec une âpreté savoureuse et fruitée qui donne envie de se resservir illico.

"Il y a une variété très proche de apez sagarra qui s'appelle  eri sagarra, la "pomme poire". Sur un vin de pomme, on commencer à percevoir un début de sucrosité lorsqu'il y a 15 g de sucre par litre. Probablement parce qu'il est composé de moins d'éléments qu'un vin de raisin. L'absence de sucre le fait paraître plus sec, avec les tannins qui ressortent."


Basandere 2015 : la robe est or clair, avec une belle couronne de mousse blanche. Le nez, pas très causant, est sur des notes de pomme et de bière blanche. La bouche réussit à être tendue par une acidité ultra-fine et précise tout en développant une matière ronde, élégante, charmeuse, parsemée de bulles caressantes/chatoyantes. Ce cidre a le toucher de bouche d'un bon Champagne (un peu comme le Poiré Granite de Bordelet). La finale légèrement tendre a une mâche crayeuse des plus savoureuses, avec un bon goût de tarte aux pommes, se prolongeant sur des notes sur des notes épicées (cannelle ?)

"Dans les histoires basques, Basandere est une très jolie fille, elle est dans la montagne, assise tranquillement à l'entrée d'un gouffre d'une grotte, et elle passe son temps à se peigner avec un peigne en or. C'est un symbole : ses cheveux emmêlés, c'est la nature qu'elle essaie de dompter. Dès qu'elle voit un berger, il se fait avoir. C'est l'esprit de la cuvée : c'est facile à boire, il y a moins d'alcool que les autres.

Pour bien faire, il faudrait attendre un an après la mise en bouteille. Les arômes partent alors sur les fruits secs. Il est important de faire vieillir les bouteilles debout. Il y a à l'intérieur les lies provenant des levures utilisées pour la prise de mousse. Si vous la couchez, elles se déposent sur le long de la paroi de la bouteille, ce qui crée une importante surface d'échange, provoquant entre autres de la réduction. Lorsqu'elle est  verticale, les lies se déposent sur le pourtour du cul de la bouteille. La surface d'échange est beaucoup plus faible."


Basa jaun 2015 : la robe est d'un or plus soutenue, avec une mousse plus éphémère. Le nez est plus expressif, avec des notes très "cidre fermier authentique". La bouche est plus puissante et énergique, avec une matière plus dense, plus charnue, plus minérale, aussi (côté salin marqué). Mais les bulles restent tout aussi élégantes, ne prenant jamais le dessus. La finale est tannique, impétueuse sur des notes de pomme caramélisée et de brioche au beurre.




Mokofin 2015 : cela veut dire "le gourmet, la fine gueule". Le nez est beaucoup plus marqué par la pomme. La bouche est superbement équilibrée, avec une chair dense et ronde, à la fois moelleuse et tranchante, avec une tension très schiste. Une finale légèrement douce, mais sans sucrosité. On dirait à l'aveugle 15-20 g/l,  mais il y a certainement beaucoup plus. En fait, il y a ... 70 g/l !!!

"Il est issu de pommes tardives, qui atteignent leur maturité lors de la deuxième quinzaine de novembre. Elles ont gardé une  belle acidité  et sont très bonnes à manger.  Elles peuvent se conserver jusqu'au printemps. Mais nous ne les cueillons pas à ce moment-là. Nous laissons  le froid arriver, les premières neiges.  ; Cela concentre les saveurs, mais aussi tous les autres composants."

Bihotz 2014 : cela vaut dire le coeur  ou "deux  fois le froid" (hotz). Bouche  pure, traçante et digeste. Le sucre est présent, mais très digeste (90 g/l). La pomme transcendée !

"Pour faire une bouteille de  cidre classique, il faut compter 2 kg de pommes. Pour Mokofin, il faut 5 kg, et pour une bouteille de 50 cl de Bihotz il faut  12 kg.

Pour Txalaparta, nous assemblons deux variétés de pommes qui travaillent ensemble en fermentation en barrique.  Alors que pour les autres cuvées vinifiées en cuve, nous travaillons les pommes séparément et  ne les assemblons qu'en fin de fermentation. Pour Mokofin et Bihotz, nous les assemblons au pressoir.

Lorsque les pommes sont ramassées en surmaturité, elles sont flétries. Cela n'a  rien à voir avec les raisins. Nous avons  une palette aromatique qui s'ouvre complètement. Au départ, on est sur la pomme. Quand c'est flétri, on part sur le coing, la nèfle, le miel, les épices. La concentration pour produire Bihotz se fait au chai, car il ne fait pas -25 °C comme au Canada. La fermentation se fait barrique ouverte. Nous cherchons une oxydation légère. Nous ajoutons au final  une pichenette d'eau de vie de pommes. Sans cela, nous avions l'impression de boire du jus de pomme. Il manquait de la chaleur.

En 2015, nous n'avons pas fait de Bihotz. C'étaitvraiment bodybuildé, avec de la sucrosité, des arômes... vraiment too much. Tout est allé dans Mokofin.



Rosé (80 % Tannat jeunes vignes  + Cabernet franc) : plus vineux que celui de Bordaxuria, la bouche trace en finale. La mâche épicée est très Tannat.

Il fait une légère macération en cuve une demi journée avec les cépages assemblés, puis il  est pressé et vinifié comme un vin blanc. Il s'accorde bien avec les jambons secs ... et même la truite.

Irouléguy rouge 2015 (très vieilles vignes 60-70 ans : la robe pourpre sombre, brillante, fait penser à la peau des cerises noires. Le nez frais et explosif, évoque lui aussi la cerise noire, avec un nuage de poudre de cacao. La bouche est ronde, pulpeuse, avec une chair veloutée au fruit intense, le tout parfaitement tendu par une fine acidité. L'ensemble est d'un équilibre et d'une précision absolument remarquable. La finale a une belle "mâche Sud-Ouest", profonde, savoureuse, gourmande, avec toujours la cerise et le cacao, et une petite touche saline/minérale

"Pas d'assemblage pour ce vin, d'où son nom, Lurumea,  l'enfant de la terre. En fonction du millésime, nous adaptons la vinification, mais tout ne vient toujours que de cette parcelle. Les jeunes vignes ont remplacé une parcelle encore plus ancienne, probablement préphylloxérique. Elle a été dévorée en une nuit et la journée qui a suivi (au mois de  juin) par dix génisses. Elles ont tout mangé. Il ne restait que les pieds, les piquets et les fils. Ça été le coup de grâce car les vignes étaient très vieilles. Le plus dommageable, c'est que nous devions peu après prélever des bois de cette vigne pour en faire des greffons (ce que l'on appelle la sélection massale) afin de pouvoir rajeunir cette parcelle tout en gardant le patrimoine végétal.

Nous avons planté dans une parcelle hors appellation et bien exposée du Marselan. Nous ne savons pas ce que ça peut donner ici. Pour l'instant, ça  pousse bien. En tout cas, tous les vins issus de ce cépage que j'ai goûtés étaient bons. Ils ont la rondeur du Grenache et la fraîcheur du Cabernet Sauvignon. Au départ, nous voulions planter de l'Arinarnoa, plus typé Sud-Ouest (Tannat X Cabernet Sauvignon), mais c'était trop proche de ce que l'on trouve à Irouléguy qui utilise ces deux cépages.

On m'a donné le numéro de monsieur Bordelade qui prenait sa retraite, mais qui fut le stagiaire de Marcel Piquety qui a créé ces différents cépages pour l'Inra il y a une cinquantaine d'années. Il m'a expliqué que Piquety voulait métisser ces cépages de la zone atlantique pour corriger les défauts que pouvaient avoir le Tannat en ayant le souci de la résistance naturelle aux maladies - 2000 mm depuis plusieurs années : les champignons, je les préfère dans les omelettes... Et puis il me parle du Marselan, tout en me décourageant à choisir l'Arinarnoa, très tardif. Nous espérons qu'il apportera plus de souplesse dans l'assemblage.


Joko  (le "jeu"): robe noire, nez sur les fruits noirs et des notes goudronnées. Bouche très fraîche, fruitée, avec une matière veloutée. La pomme ressurgit en finale et persiste longuement.

"Le Tannat vendangé le 20 octobre, muté sur marc avec l'eau de vie de pomme distillée au domaine. Nous préférons utiliser un produit que connaissons qu'un alcool qui provient d'on ne sait où.  Après le mutage, nous ne savons pas du tout ce que va donner, car l'eau de vie domine complètement l'aromatique. Il faut attendre un mois ou deux, et là, nous  avons la réponse.

Au départ, il explose de fruit, et puis en vieillissant, il gagne  en élégance.  C'est alors superbe avec un beau chocolat de dégustation, ou un fromage de brebis de 6-8 mois."
Jus de pomme : la couleur est dorée, le nez superbe, sur la pomme tatin, le coing. Et la bouche affiche la même tension que les cidres, avec une belle matière ronde et mûre.

"Ce n'est pas un sous-cidre, mais un produit à part entière, composé de 5-6 variétés. On cherche à lui trouver un équilibre et une expression. On cherche donc des pommes qui apportent de la fraîcheur, d'autres un fruité, etc.

Un jour, nous avons servi ce jus de pomme dans une carafe à des clients sur un foie gras cuit au sel. Il s'est passé cinq bonnes minutes pendant lesquelles les convives discutaient entre eux en se demandant ce que pouvait être ce vin. En même temps, il sentait bien la pomme. J'ai fini par leur dire : "eh bien oui, c'est du jus de pomme !" Il se mariait très bien avec ce foie gras avec son goût acidulé."


Un chenillard impressionnant adapté au terrain et à la climatologie


"La cuverie n'est pas simple à gérer, car nous n'avons pas de petits volumes. "


Il faut un pressoir pour les raisins et un pour les pommes, car ce sont des fruits très différents. Le premier est un pressoir vertical hydraulique qui permet de presser tout en douceur. Le second (ci-dessus), malgré sa taille  réduite, est d'une efficacité redoutable. La pomme est râpée juste au-dessus de celui-ci et instantanément pressée, limitant l'oxydation. 


Merci à Bixintxo pour son remarquable accueil !

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