jeudi 24 janvier 2019

Jurassic claque !


La dernière dégustation de vins du Jura de notre "club" de Limoges remonte à trois ans. Il était temps de faire une mise à jour, d'autant que depuis nous avons de nouveaux fournisseurs : le domaine des Ronces, Valentin Morel et le domaine Pignier. Mais nous ne pouvions pas faire une soirée Jura sans Tissot et Ganevat.

Nous inaugurons en même temps un nouveau lieu d'accueil : le Comptoir Saint-Jean lancé il y a trois mois par l'ancien sommelier de Philippe Redon Jean-Philippe Salesse.



Avec des allumettes au fromage sortant du four, nous démarrons avec un Crémant du Jura Brut du Domaine des Ronces. Je vous en parlais la semaine dernière avec un certain enthousiasme. J'étais curieux de savoir si mes impressions seraient partagées par mes amis amateurs. Eh bien oui : tout le monde l'a beaucoup apprécié, particulièrement cette aromatique brioche/noisette très gourmande. Le dosage est un peu plus poussé que les dans les bulles qu'ils ont l'habitude de boire, mais il présente l'avantage de pouvoir être apprécié par tous – alors que les Brut nature sont nettement plus clivants. 


Avec un plateau de charcuterie corse à se damner, nous sommes passés aux vin rouges comme cela se pratique en Bourgogne et dans le Jura: j'ai servi un de mes chouchous, le Trousseau 2016 de Pignier. Un fruit (rouge) d'une grande pureté, complété par des notes florales, une finesse de texture qu'on pourrait qualifier de chambolloise, juste ce qu'il faut d'épices. Coup de coeur général des dégustateurs : tout le monde l'a adoré !


En invité surprise, j'ai amené un vin en aveugle qui pouvait  ressembler à un vin jurassien,  faute de Poulsard : une robe très claire, entre saumon et vermillon. Une nez délicat sur les fleurs, la griotte et les épices. Une bouche fine et fraîche, aérienne, au fruit croquant. Mais qu'est-ce donc ?  Un des convives s'est osé à proposer  un Gewurztraminer vinifié en orange. Il n'était pas très loin : c'était en fait Le Beurot 2017 de Stoeffler (Pinot gris de macération sans soufre).



Pour accompagner un filet de volaille pané aux cacahuètes grillées, j'ai choisi une battle de chardonnays ouillés. À ma gauche, un Arbois Les Graviers 2016 de Stéphane Tissot.  À ma droite, un Côtes du Jura les Grands Teppes 2011 de Jean-François Ganevat (ne cherchez pas, il n'y en a plus à vendre, issu de la réserve personnelle d'Eric R...).  Deux vins que tout oppose malgré leurs points communs : le premier est construit sur son acidité traçante à peine enrobée d'une matière très fine, cristalline, tout en étant d'une grande intensité aromatique, avec un côté grillé typique de cette cuvée). Le second a plus d'ampleur, une matière plus ronde, charnue, tout en ne manquant pas de tension et d'énergie. Surtout, on n'a pas du tout l'impression que le Grands Teppes a cinq ans de plus que le Graviers.  On a l'impression qu'il vient d'être mis en bouteille (alors que c'est vin sans sulfites ajoutés, comme quoi... )


Avec du comté et du curry, nous nous attaquons l'autre grand cépage blanc du Jura : le Savagnin. D'abord dans sa version ouillée avec le 2017 de Valentin Morel. Un coup de coeur récent dont je vous avais parlé ICI. J'étais là aussi curieux de voir ce qu'en pensaient les convives. Eh bien là encore, que du bien !  Il a une droiture, une pureté minérale, tout en ayant une petite rondeur réconfortante qui évite de tomber dans l'austérité. Un  Savagnin d'école que tout le monde devrait avoir bu pour comprendre qu'il a un grand intérêt même quand il n'est pas élevé sous voile.  

Voici justement sa version oxydative, Vin jaune 2010 du domaine des Ronces. C'était autant une découverte pour moi que pour les autres : on peut dire que c'est une belle réussite : un nez avenant qui évoque la noix grillée, le curry, le froment et la croûte de comté. Une bouche à la matière mûre et moelleuse tendue par une acidité électrisante. Une finale intense et expressive, persistant longuement sur la noix et le curry. Il est déjà très bon, mais sera encore meilleur dans une dizaine d'années. 



Pour terminer, avec une compote de pomme à l'armagnac et crème au pain d'épices, nous avons dégusté un Vin de paille 2011 du domaine Pignier (30% Chardonnay, 40% Savagnin et 30% Poulsard) La robe est ambrée. Le nez intense marie le coing et la truffe, complété par les fruits secs (figue, datte). On s'attend à un vin riche et moelleux, suave : et l'on se retrouve avant tout avec une acidité de dingue, hyper-traçante. Elle allège considérablement une matière très concentrée, d'une grande puissance aromatique, avec le coing en première ligne. En finale, on retrouve les fruits secs et la truffe, évidemment le coing, avec toujours ces impressions contradictoires de richesse et de légèreté grâce à cette acidité décoiffante. Un pur délice apprécié de tous !

Bref, une soirée de haut niveau, au-delà des attentes des participants. Tout le monde a été bluffé par la qualité générale des breuvages. Bref, vraiment une Jurassic claque !

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