Cela faisait quelques temps que j'imaginais ce "match" entre les Chenins de "nos" deux jeunes vignerons en pleine ascension : Pierre Ménard et Sylvain Dittière. J'attendais que les vins se remettent de leur mise récente car je les voulais au meilleur de leur forme.
À votre gauche, donc, la Perlée 2013, issu de vignes de Chenin plantées sur un sol très calcaire, plus typique de ce que l'on trouve en Touraine qu'en Anjou. C'est important de le préciser car cela explique en partie la différence de style entre les deux cuvées.
À votre droite, le Quart des Noëls 2014 provenant de très vieilles vignes (90 ans) plantées sur un sol de schiste noir.
Alors oui, j'aurais préféré pour ce "match" avoir des vins du même millésime, mais cela correspond aux vins disponibles chez l'un et l'autre. J'aurais pu avoir certainement un échantillon de Perlée 2014, mais vous n'auriez pas pu l'acheter, et il n'aurait pas forcément ressemblé à ce qu'il serait en fin d'élevage.
Mais cela explique, outre la différence de terroir, que le 2014 ait une maturité plus poussée que le 2013 (14% d'alcool pour le premier, 12,5 % pour le second).
On pourrait donc dire que le "match" est injuste, mais en même temps, il a du sens : je me mets à la place de nos clients qui veulent mettre entre 20 et 30 € dans une bouteille de Chenin d'Anjou. Laquelle acheter entre les deux ? Quelle est celle qui correspond le plus à ses goûts ? Laquelle doivent-il privilégier pour une consommation immédiate (dans le style "tu ouvres, tu bois") ?
J'espère donc faire œuvre utile même s'il faut prendre les conclusions avec toutes les précautions nécessaires.
Les deux utilisent de la cire
L'astuce ? Ne pas l'enlever :-)
Les deux sont jaune doré, avec peut-être un peu plus d'intensité pour la Perlée (et une légère pointe de rose en plus).
À l'ouverture :
le nez est fin sur le coing confit, la poire tapée et les épices, puis des notes plus minérales (pierre humide).
La bouche est tendue, longiligne, enveloppée d'une matière fraîche, limpide, très "jus de caillou".
La finale est incisive, un peu mordante, avec une mâche calcaire et des notes citronnées (zeste) et cognassières (néologisme compréhensif, non ?)
Une heure plus tard :
Le nez est plus riche, plus exubérant sur les mêmes notes aromatiques.
La bouche est pure, éclatante, dans un style plus "majestueux". La classe est évidente.
La finale est puissante, toujours citronnée, persistant longuement sur de beaux amers
15 heures plus tard :
Le nez est plus aérien et plus profond, avec un minéral plus marqué même si le coing est toujours là (mais plus "gelée" que confit)
La bouche a gagné en ampleur et en finesse, envahissant le palais d'une matière à la fois hyper-présente et impalpable. L'acidité est plus en filigrane même si elle apporte toujours une grande tension, mais c'est nettement plus subtil que la veille.
La finale a perdu en mordant ce qu'elle a gagné en mâche. C'est puissant, savoureux, tannique à la façon d'un Corton-Charlemagne. Le citron a définitivement disparu au profit du coing.
À l'ouverture :
le nez est plus opulent que la Perlée, sur des notes pâtissières (frangipane, brioche grillée), de poire confite et de vanille.
La bouche est plus ample, avec une matière plus dense et plus mûre, soutenue et équilibrée par une acidité ciselée qui reste en arrière-plan. C'est déjà très beau maintenant et devrait être immense dans quelques années.
La finale est riche, explosive, sur de nobles amers et des notes grillées et épicées.
Une heure plus tard :
le nez est plus fondu, miellé. La bouche est plus ciselée, avec une richesse qui se fait sentir maintenant plus sur la finale, un peu chaude (l'alcool se fait sentir avec le réchauffement du vin).
Quinze heures plus tard :
le nez est moins exubérant, et se rapproche de la perlée, sur des notes de gelée de coing.
La bouche a perdu en ampleur pour plus se concentrer sur le milieu de bouche, très dense, d'une tension implacable. Le style est beaucoup plus sérieux, limite austère, tout en ayant toujours cette belle matière mûre.
La finale est beaucoup plus fine et aérienne que la Perlée : pas de mâche ici, mais une explosion de saveurs soutenue par une superbe amertume et une grande persistance aromatique sur le coing et l'écorce de pomelo.
Conclusion : si vous voulez une bouteille impressionnante dès l'ouverture, privilégiez le Quart des Noëls. La Perlée est nettement plus austère. Si vous voulez servir cette dernière, un carafage de plusieurs heures est très vivement conseillé (alors que je ne suis pas certain que la première y gagne). Pour la t° de service, je conseille 10-12 °C pour le Quart, 12-14 °C pour la Perlée.
Par contre, je n'ai aucun doute sur la capacité de vieillissement des deux cuvées. La Perlée me fait penser aux Choisilles de Chidaine ou à un Vouvray sec de Foreau, souvent austères dans leur jeunesse, mais donnant de très grands vins au bout de 10-15 ans, ou plus.
Pour le Quart des Noëls, j'imagine que ce vins va évoluer à la façon d'un Rémus de Jacky Blot même si l'élevage est plus discret, mais on a le même style de matière bien mûre.
Dans les deux cas, cela devrait être intéressant de les suivre d'année en année.
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