jeudi 31 octobre 2019

Pinot noir Schmitt : l'art de l'équilibre


Lorsque ce Pinot noir 2018 de Schmitt est passé à son incontournable séance de shooting, j'ai remarqué les 14 % d'alcool  affichés en contre-étiquette. "Encore le syndrome 2018 qui a frappé", me suis-je dit. Cela me donnait une raison supplémentaire de le goûter,  histoire de voir si cette richesse alcoolique pouvait être une gêne … ou pas. Eh bien, à ma grande surprise, le vin est superbement équilibré, sur un fruit frais, et ose même une inespérée touche végétale. Là, je dis chapeau, car sur le papier, ce n'était pas gagné

La robe est pourpre translucide. 

Le nez, plutôt discret, évoque la mûre fraîche, le noyau et la cerise noire, et puis cette odeur de terre fraîchement remuée typique du pinot noir. 

La bouche est ronde, fraîche, finement pulpeuse, avec un fruit frais et croquant, légèrement poivré, et un subtil "trait de vert". On se demande bien où sont les 14 % d'alcool affichés en contre-étiquette.  

La finale est finement mâchue, mêlant la griotte, le noyau et la framboise, avec un prolongement sur les épices et le guignolet (et une légère touche chaleureuse, tout de même). 

Depuis que nous la  référençons, cette cuvée a sensiblement augmenté. Mais dans le délire inflationniste ambiant, particulièrement marqué en Bourgogne, on peut considérer que les 12.50 € demandés pour cette bouteille de Pinot noir, c'est cadeau !



mercredi 30 octobre 2019

Sauvignon Air du temps : de la belle ouvrage !


Je l'ai déjà écrit ici : je ne suis pas trop fan de l'air du temps Chardonnay, quand bien même nous en vendons beaucoup plus que sa version Sauvignon. Le bois et le Chardonnay s'entendent tellement bien qu'ils se poussent à la surenchère comme deux amis qui auraient trop bu le samedi soir. Le Sauvignon, lui, garde une certaine distance avec le bois. Il sait qu'il peut faire des grands  vins sans lui. Alors pas question de lui laisser prendre le dessus. Il devra se contenter d'un rôle d'accompagnateur (ou d'éclairagiste ?). C'est exactement ce qu'il se passe ici... 

La robe est or pâle, brillante.

Le nez est expressif, sur le citron confit, l'ananas frais, la crème brûlée à la vanille et une petite pointe terpénique.

La bouche est élancée, tendue par une acidité qui trace sévère – sans être agressive – et une matière dense et mûre, concentrée qui l'enrobe et l'adoucit. L'aromatique est intense, dominée par l'écorce de citron confit, accompagné par la groseille à maquereau.

La finale est un modèle d'équilibre, alliant subtilement l'amertume; l'acidité et l'astringence du pomelo. On retrouve l'ananas, un trait de fruit de la passion, puis la crème brûlée légèrement vanillée fait son come back pour conclure.

Il serait intéressant de le servir dans une bouteille de Pessac-Léognan pour voir s'il ferait illusion. Mais je n'en serai pas surpris, car il est déjà très bien équilibré, prêt à boire, alors que nombre de ces crus bordelais demandent au moins dix ans pour perdre leur baby fat*, comme disent les Américains. Mais surtout, il est 3-4 fois moins cher (au bas mot) alors qu'en terme de plaisir, je pense qu'il a plus à offrir en jeunesse. Vous n'êtes bien sûr pas obligé de me croire sur parole : tentez l'expérience avec une bouteille (7.90 €). S'il vous plaît, vous pourrez l'acheter en quantité plus importante, avec une belle remise (6.50 € par 12).

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* graisse de bébé :  le vin s'affinera à mesure qu'il vieillit autant dans la structure que dans l'aromatique. Par exemple, le boisé se fondra mieux avec les autres éléments. 


lundi 28 octobre 2019

La Senda : sentier* vers le ciel ?


J'avais fait la connaissance de l'appellation Bierzo il y a une dizaine d'années, et ce fut un coup de foudre immédiat ! Il faut dire qu'elle réunit tout ce que j'aime : altitude (souvent 500-800 m), nombreuses vieilles vignes, grande présence de schiste; et surtout le cépage Mencia qu'on a longtemps cru descendant du Cabernet franc, et qui s'avère être le fils du Trousseau, cépage jurassien que j'apprécie beaucoup. Bon, après, tous les vins de Bierzo ne sont pas à tomber par terre : Parker a également fait des ravages en Espagne et il y a eu beaucoup de cuvées surmûries et mégaboisées. Mais quand c'est bon, c'est vraiment très bon. 

Diego Losada est un enfant du pays. Mais il a passé son enfance et son adolescence à Madrid et Burgos. Lorsqu'il est revenu à Bierzo, il a étudié la chimie et l'oenologie, puis a travaillé pour quelques domaines. Avant de vouloir faire les choses à sa façon, en suivant plus ses intuitions que la science – même si l'une n'exclut pas l'autre. Il a commencé par 3 parcelles en 2013, pour arriver aujourd'hui à 15, arrivant à une surface totale de 5 ha. Les vignes sont travaillées en bio et sont au minimum à 550 m d'altitude. 

Au chai, les raisins sont vinifiés soit en cuve de béton brut, soit en vieux fûts/foudres en chêne ou en châtaignier, sans utilisation de pompe ni d'aucun intrant. Le seul ajout (minime) de SO2 se fait juste avant la mise en bouteille.  

Diego ne revendique pas l'appellation Bierzo DO. Les vins sont donc en "vin d'Espagne". 


Vindemiatrix 2018 (13.50 €)

Vindemiatrix est l'entrée de gamme du domaine. Elle  provient de 7 parcelles de vieilles vignes  entourant le village de Hervededo. La plupart les parcelles sont des raisins rouges et blancs en complantation (80 % Mencia,  10 %  Palomino et 10 %Doña Blanca).  Diego les vendang et les vinifie ensemble; comme cela se pratiquait autrefois. Les sols sont principalement argilo-calcaires, et le l'altitude est d'environ 550 mètres. Les raisins sont partiellement égrappés, macérés pendant quelques  semaines, et fermenté et élevé dans des cuves en béton brut. Le vin est mis en bouteille sans collage ni filtration,avec juste un minimum de  SO2. 

La robe est grenat sombre translucide. 

Le nez est fin, profond, mêlant la violette, la cerise, la framboise et une pointe de fumée. La bouche est ronde, ample, veloutée, avec une matière charnue, finement pulpeuse, alliant un fruit pur et frais à des saveurs plus minérales. 

La finale est fraîche, tonique, avec un fruit encore plus frais, un retour de la violette et de la fumée, et une persistance sur des notes poivrées, crayeuses et saline. Un régal qui possède du fond !

PS : la bouteille a été finie avec un groupe de dégustateurs deux jours plus tard : le nez avait perdu en expression, mais la bouche avait gagné en tension et en finesse. Ce fut le préféré des trois. 



1984 Lote 2018 (15.90 €)

Pour la cuvée 1984, Diego s'approvisionne dans trois vieilles vignes situées sur les collines de Priaranza del Bierzo, dans la partie sud-ouest de l'appellation. Les raisins sont récoltés à la main, partiellement égrappés, macérés pendant 7 à 8 jours dans 3 grands fûts de chêne. Le vin est ensuite transféré dans de plus petits fûts de chêne français pour terminer la  fermentation malolactique, puis élevé pendant 8 mois. Le vin fini est mis en bouteille sans collage, ni filtration, avec seulement un  peu de SO2.

La robe est grenat sombre translucide. 

Le nez, d'abord réduit,  s'exprime ensuite sur la cerise fraîche, la violette, la framboise, le poivre et l'ardoise chaude. 

La bouche allie ampleur et tension, avec une fine acidité vibrante qui étire le vin, et une matière ronde, pleine, juteuse, qui possède du fond en plus de sa gourmandise naturelle. L'équilibre est d'une évidence totale, avec une alliance irrésistible entre fruit et minéralité (cerise et caillou en même temps ). 

La finale mâchue au fruit éclatant  renforce cette impression : rapidement, le minéral s'associe de nouveau jusqu'à prendre le dessus, et fait de ce vin gourmand un  grand vin de terroir. Un coup de coeur !


In Absentia 2017 (29.90 €)

Il reste quelques vignes de Trousseau qui a engendré le Mencia, dont celle qui a donné cette cuvée In Absentia. La vinification et l'élevage se sont faits en barrique de châtaignier. Pas d'intrants ni de filtration. Juste un peu de SO2 à la mise. 300 bouteilles en tout  ! 

La robe est grenat sombre translucide. 

Le nez est très "trousseau", sur des notes fumées, fruitées (cerise noire, framboise) et florales (pivoine), avec une touche cacaotée. 

La bouche est  superbe, tendue par un fil invisible, avec une matière dense, mûre, veloutée, qui envahit le moindre recoin de votre palais. Le fruit frais est omniprésent, vibrant, avec cette touche fumée caractéristique du cépage, renforcé par le terroir de schiste. 

La finale d'une insolente gourmandise prolonge tout cela sans interruption,  avec une minéralité accrue qui vous submerge, le tout titillé par une pointe de volatile apportant de la vivacité et de la tension. Grande persistance sur la griotte, la terre fraîche et des notes crayeuses/poivrées. Quel vin !

PS : le plus "nature" des trois. Dès le lendemain, la volatile avait pris le dessus, déséquilibrant un peu le vin. Tu ouvres, tu bois !

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* La Senda se traduit par le sentier en français

mercredi 23 octobre 2019

Le Languedocien : le (grand) vin des origines


L'avenir du Languedoc est-il dans ses vieux cépages qui ont été progressivement délaissés ? Peut-être bien.  Plutôt que d'aller chercher des cépages en Grèce ou au Portugal pour faire face au réchauffement climatique, pourquoi ne pas faire avec ceux que l'on a à disposition ? Nicole et John Bojanowski ont fait partie des premiers à vinifier une cuvée 100 % Terret, issue de vignes de plus de 60 ans. Ils poursuivent leur démarche en  plantant du Piquepoul blanc et de la Clairette

Le Piquepoul blanc est  toujours présent du côté de l'étang de Thau, étant le cépage unique du ... Picpoul de Pinet. Mais il était autrefois très répandu dans tout le Languedoc,  car il servait de matière première à la production du Vermouth. 

La Clairette aurait été apportée par les Grecs dès l'Antiquité. Elle est très très polyvalente, pouvant servir à produire des blancs secs, des moelleux, des liquoreux ...et du Vermouth. 

Pour cette dernière, il faudra patienter jusqu'au millésime 2019. Pour l'heure, cette cuvée Languedocien 2018 est un assemblage de Terret et de Piquepoul blanc. Sur le papier, on pourrait se dire que ça ne va pas faire un vin d'anthologie. Eh bien, détrompez-vous : ce vin qui ne ressemble à aucun autre est franchement bluffant. Tout en présentant un air de père tranquille, il vous en met plein la g... 

La robe est jaune pâle aux reflets argentés.

Le nez est tentateur, sur l'abricot, la pomme chaude, la fleur d'acacia, le miel, la brioche sortant du four, avec une  pointe d'anis et une pincée d'épices (curry).

La bouche est ronde, très ample, déroulant avec une certaine majesté une matière douce, moelleuse, dense et profonde. Et c'est en même temps frais, éclatant  ... et minéral  – jus de cailloux, pour résumer. Rarement l'opulence n'a été aussi digeste !

La finale allie une mâche gourmande  à de superbes amers (noyau d'abricot), sur fond de pommes rôties et de notes anisées. C'est un pur délice qui persiste longuement et imprègne le dégustateur jusqu'au plus profond de son âme.

Finalement, les Boja's nous refont le coup du Lo Vielh presque 20 ans plus tard. À l'époque, le Carignan n'avait pas bonne presse. Ils ont montré qu'avec une conduite bio et des rendements raisonnables, on pouvait en faire des grands vins. Eh bien, c'est la même chose avec le Piquepoul et le Terret, comme cette bouteille le prouve – et sans boisé ostentatoire pour renforcer artificiellement la démonstration. 




mardi 22 octobre 2019

Premières gouttes : à boire jusqu'à la dernière goutte !


Je ne vais pas réécrire cette présentation que l'on trouve ICI : "Arnaud Combier, après des études à la « Viti » de Beaune, fait ses premières armes au Domaine Valette dans le mâconnais avec Philippe dont il reste très proche. Ensuite il vinifie à la cave de Prissé puis trois ans chez Colbois à Chablis. Sa volonté de faire des vins les plus naturels possibles lui fait reprendre les vignes de ses grands-pères en 1998. Il y crée de grands blancs texturés et précieux pendant plus de dix ans. Au décès de ses aînés, la famille choisira de reprendre les vignes. Il fait alors un court passage dans le Sud à Pézenas où il rencontre Jeff Carrel, puis s’occupe du passage en agriculture biologique des vignes beaujolaises d’un grand négoce bourguignon. Il rejoint le Domaine des Moriers en 2018 pour accompagner une nouvelle aventure et faire des vins aux touchers et aux arômes délicats, ces vins sensuels que nous aimons tant."

Presque tout est dit : rajoutons que ce Premières gouttes est évidemment 100 % Gamay sur granite. Il est issu d'une macération carbonique, sans ajout de soufre, même à la mise. Il gagne à être ouvert quelques heures à l'avance, histoire de supprimer la réduction, perceptible au nez. 

La robe est grenat translucide.

Le nez est un peu austère pour le moment avec juste un peu de fruit noir et de ronce.

La bouche allie ampleur et tension, avec une matière fine et enveloppante, faussement légère, et un fil invisible qui étire le tout avec élégance. Le tout est gourmand, harmonieux, avec un fond minéral.

La finale est dense et salivante, avec un très beau fruit pur, et une minéralité affirmée. Vraiment très chouette !

Autant dire que je suis curieux de goûter les autres cuvées, plus complexes, qui devraient suivre. Car déjà cette entrée de gamme n'a rien à envier à certains crus du Beaujolais. À 12€-10% pour le faire connaître, cela me parait une bonne affaire :-)




vendredi 18 octobre 2019

La Traviesa : oh, le trio coquin !



Une grosse palette provenant d'Espagne vient d'arriver, avec les vins de Barranco Oscuro, de Purulio, et pas mal de nouveautés. Faute de temps, nous ne pouvons pas tout mettre en ligne d'un seul coup. Pour démarrer, je commence par la gamme "La Traviesa", le négoce créé par la famille Valenzuela. Traviesa veut dire "vilaine, coquine" en espagnol. C'est un hommage à Naughty Marietta, un film de 1936 qui a eu deux nominations aux Oscars, avec Jeanette MacDonald qui figure sur les trois étiquettes. J'espère que toutes les nouveautés seront du même tonneau, car ça me plaît beaucoup, avec un côté nature assumé, mais pas envahissant (et donc accessible à tous). 





100 % Vigiriega

La robe est jaune plutôt pâle, légèrement trouble.

Le nez est vif, sur la pomme et la poire fraîches, avec une touche d'ananas et de beurre chaud.

La bouche est ronde, fraîche, croquante, avec une matière charnue, pulpeuse, désaltérante, avec un équilibre incroyable pour un vin du sud de l'Espagne (bon, à 1300 m d'altitude...). Le fruit est très présent, toujours souligné par une sympathique note beurrée (garantie cholesterol free ).

La finale dévoile une mâche crayeuse au fruit solaire, lumineux :  ça irradie tout étant plutonium free ;-) C'est horriblement gourmand et terriblement addictif. Si vous êtes un esprit faible, évitez ce vin tentateur...





100 % Vigiriega

La robe est jaune pâle légèrement trouble, parsemée de fines bulles éparses.

Le nez est mûr, sur la pomme séchée et le coing, avec une pointe de volatile.

La bouche est élancée, tonique,  traçante, même, avec une matière plutôt dense, charnue et des fines bulles crépitantes qui lui apportent un côté plus aérien. La volatile déjà citée crée un supplément de tonicité et de profondeur .... sans apporter de défaut (et c'est un hypersensible à la chose qui vous le dit).

La finale est triple A +++; avec le diabolique trio Acidité  (coupante comme un rasoir) Amertume (chenin  style, version agrume 3.0) et Astringence (craie + écorce de pomelo). C'est vraiment intense et jouissif (si, si).





100 % Grenache noir

La robe est grenat bien translucide .

À l'ouverture, le nez est étonnant, évoquant le caramel au beurre salé. Avec l'aération, on passe sur les fruits rouges confits et les épices, le caramel passant en arrière-plan.

La bouche est ronde, ample, soyeuse, avec une matière souple, aérienne et fraîche (malgré les 15 % d'alcool !) qui vous tapisse le palais. Un léger perlant ajoute une note tonique et primesautière – souvent le gaz m'agace, mais là, il passe bien !

La finale possède une mâche gourmande, mêlant fruits rouges, épices ... et caramel, avec une persistance sur la craie et un goût de bonbon aux fruits des plus régressifs qui vous fait replonger direct.

mercredi 16 octobre 2019

Clos de T 2013 : que du bonheur !


Nous ne venons pas de recevoir ce Clos de T 2013, mais je n'avais pas encore eu l'occasion de le déguster. Comme nous venons d'être réapprovisionnés par le domaine, il est plus facile d'en dire du bien sans risquer la rupture dans les 24 h qui suivent (l'effet EricB, qu'ils appellent ça dans les écoles de marketinge). 

Ce n'est pas un vin à conseiller à MMme Toulemonde, mais si vous êtes déjà fan du domaine, si vous aimez les rouges vifs et résineux italiens (Piémont et Toscane), ou si vous êtes fans des vins nature de grande expression tout en n'ayant aucun des défauts du genre, ce Clos de T est fait pour vous !

Pour rappel, il est produit pas un Norvégien ayant appris à faire du vin en Californie, avant de tomber amoureux du Mont Ventoux (et de la fille d'un gros négociant champenois). Les vins sont élevés en barriques jusqu'à ce qu'il les estime prêts à boire. Celui-ci, par exemple, est resté ... six ans !

On est sur un assemblage 80 % grenache, 10 % syrah, 8 % Cinsault et 2 % Carignan.

La robe est grenat translucide tirant sur le tuilé.

Le nez est fin et profond, sur la cerise à l'eau de vie, la prune, les épices douces et une pointe balsamico-résineuse assez italianisante (eucalyptus,ciste, vinaigre balsamique). Au bout de 30 mn d'aération, tout se fond magiquement, tournant à l'envoûtant.

La bouche est quasi indescriptible... Il y a d'une part un grand trait de fraîcheur qui vous illumine votre journée. D'autre part,  une matière à la fois évanescente et rustique : d'un côté, c'est aérien /éthéré, de l'autre, ça accroche d'une façon canaille. Coquine, même. Et puis l'on retrouve ce balsamico-résineux associé à la cerise et à la prune évoquées au nez qui renforce et prolonge la fraîcheur.

La finale garde plus la rusticité que l'éthéré. Mais c'est de la rusticité jouissive, profondément terrienne, avec une fraîcheur aromatique qui s'intensifie encore, renforcé par le balsamique, égayé par les épices, et puis ça gagne en ampleur sur les notes résineuses/mentholées...  Vous vous en prenez plein le palais, et c'est p... bon ! Seul, c'est déjà superbe, mais avec un agneau de 7 heures, ça doit être à se taper le cul par terre... Le tout pour 13.50 €. Non, non, y a pas d'erreur d'étiquetage ;-)

mardi 15 octobre 2019

Anton : un hymne aux fleurs et aux épices


Anton ne correspond pas vraiment à l'idée que l'on se fait du vin autrichien – si tant est que l'on s'en fasse une en France. On pense plus aux cuvée issues du Grüner Veltliner, du (Welsch)riesling, voire du Sauvignon. Ici, aucun de ces trois cépages :  nous somme sur un assemblage Muscat, Scheurebe et Pinot blanc. Clairement, le premier domine, d'autant que le Scheurebe, même s'il descend du Riesling, peut avoir des notes muscatées. Malgré tout, cet assemblage inédit permet de profiter du Muscat dans ce qu'il peut avoir d'agréable sans tomber dans le too much. D'une façon générale, je n'aime pas trop ce cépage dans les vins secs –alors que je l'apprécie beaucoup dans les liquoreux –  mais ici, dans cette version "diluée", je trouve ça très bon !

La robe est jaune très pâle, brillante. 

Le nez est gourmand, mêlant les notes florales (rose, fleur d'oranger, verveine) à la poire et à la pêche blanche, avec une légère touche fumée. 

La bouche est élancée, éclatante de fraîcheur, déployant un jus pur et cristallin, alliant digestibilité et élégance. L'aromatique muscatée est – forcément  –  présente, mais sans trop en faire, et c'est très bien ainsi. 

La finale concentrée dévoile une fine mâche gourmande,  sur des notes de rose, pêche et  bergamote, et une persistance sur une foultitude d'épices et les fleurs séchées,  rappelant les souks méditerranéens. 

Cette cuvée Anton sera parfaite pour l'apéritif. Mais  je la verrais bien aussi sur des tajines, des crevettes thaïs,  des fromages affinés (pâtes lavées ou persillées), voire une tarte aux poires (ou aux pêches). 



vendredi 11 octobre 2019

Complètement SIN-SIN...


Cela ne se voit pas très bien, mais il y a un gros SIN sur chacune des deux étiquettes. Cela veut dire SANS en catalan. Sans sulfites, évidemment, mais sans intrant d'une façon générale, et sans bidouillage oenologique, on va dire. Ces deux cuvées ont été produites par Alex Ruiz et  Amós Bañeres dont je vous avais déjà parlé pour leur gamme Els Vinyerons. L'idée de SIN est de faire des vins plus immédiats et gourmands, sur le fruit, en n'utilisant pas de barriques. 

Je ne pense pas qu'ils l'aient fait exprès, mais je trouve que la version rouge est beaucoup plus que cela : c'est une petite merveille de finesse, avec un cépage – le tempranillo – qui n'est pas vraiment réputé pour cela. Il faut dire que la macération des peaux n'a duré que deux jours, et que la fermentation s'est déroulée à 15 °C. Ceci explique cela. En tout cas, je suis fan du résultat ! Il demande par contre à être dégazé. Ben oui, il se mérite ;-)




SIN Xarel-Lo 2018 (11.90 €)

La robe est or rose, très légèrement trouble.

Le nez est expressif, sur le coing, la pomme tapée,  la mirabelle confite, avec une légère touche beurrée.

La bouche est ronde, fraîche, pulpeuse, avec une matière charnue, croquante, d'une agréable digestibilité. Le fruit (jaune) est bien présent, souligné par des notes fumées/minérales.

La finale est intense, séveuse, avec un retour du coing et de la mirabelle, complétées par des amers qui amènent de la niaque (noyau), et une persistance sur des notes épicées et salines.




La robe est grenat translucide aux reflets bruns/évolués.

Le nez est fin, subtil, sur des notes florales (violette, rose), fruitées (framboise, griotte) et épicées.

La bouche est ample, sphérique, déployant une matière douce,  aérienne, tenue et  étirée par une acidité ciselée. L'ensemble est délicat et pur, comme rarement on le rencontre dans le monde des vins naturels. 

La finale finement mâchue réussit à ne pas rompre le charme, avec un retour de la rose et des fruits rouges, complété par des notes d'encens,  pour finir sur la terre fraîchement retournée très burgundo-pinotante.

mercredi 9 octobre 2019

Extra-Libre 2018 : au plus près du fruit


C'est un peu le marronnier automnal, la dégustation de l'Extra-Libre du Cèdre. Mais on ne s'en lasse pas. Nous sommes cette année sur le solaire millésime 2018, et ma foi, cette cuvée s'en sort très bien : non seulement il n'y a aucune note de surmaturité, mais l'impression de fraîcheur ne vous lâche pas du début à la fin (vive les calcaires lotois !). Et surtout, un fruit très "brut de cuve" qui rappellera des souvenir à ceux qui ont déjà goûté des vins en cours de fermentation chez le vigneron. 

La robe est pourpre sombre, à peine translucide.

Le nez évoque la confiture de mûre en train mijoter dans le chaudron (on entend quasiment les blop-blop ).

La bouche est ronde, enveloppante, dotée d'une matière impressionnante, tant dans son volume que dans sa concentration. Mais paradoxalement fraîche, digeste, fruitée, au toucher pulpeux/velouté, et avec un sacré goût de revienzy. Comme quoi, ce n'est pas la grosse matière qui est gênante en tant que telle, mais plutôt son taux d'alcool ou son aromatique tirant vers le surmûr. Là, tout va bien :-)

La finale est puissante, exhibant ses gros tanins musclés. Mais là encore, il y a de la fraîcheur, du fruit, un toucher velouté, quelques épices, ET ON EN REDEMANDE !!!

PS : j'ai regoûté le vin quatre jours après son ouverture (sans protection particulière). Il était encore meilleur qu'au premier jour. Comme quoi, les vins sans soufre ne sont pas forcément fragiles ...et n'ont pas besoin de gaz carbonique résiduel pour les protéger !

lundi 7 octobre 2019

Longue vie aux Mamettes !


Eh bien oui, encore un vin signé Jeff Carrel… S'il avait été banal, peut-être aurais-fait l'impasse. Mais là, j'ai un eu un vrai choc. Excepté Chat gris qui est vraiment à part, ce Mamettes est probablement le plus beau blanc qu'ait produit l'eclectic winemaker. Il faut dire qu'il comprend 53 % de carignan gris et 47 % de grenache gris, probablement les deux plus beaux cépages du Roussillon (surtout lorsque ce sont des vieilles vignes en gobelet). Il y a également un assemblage de terroir schiste/granite. Le tout est vinifié soit en vieilles barriques, soit en cuve béton. Le résultat est là, évident, à condition de ne pas le boire trop frais pour profiter de toute son expressivité (14-15 °C, c'est parfait). Ne vous inquiétez pas, l'alcool est imperceptible. 

La robe est or très pâle limite argenté.

Le nez est fin, aérien, sur la poire et la pêche blanche, avec une touche de fumée et pierre chaude.

La bouche est ronde, très ample, déroulant une matière mûre et moelleuse aux accents minéraux, tout en ayant l'impression d'avoir une lame d'acier qui s'enfonce droit dans votre palais. Le tout forme un ensemble harmonieux, à la fois terriblement gourmand et super sérieux, voire grave.

La finale prolonge tout cela sans le moindre à coup, gagnant juste en intensité, en salivation et en jubilation, avec une finale persistance très saline. 

 C'est un p... de joli vin qui pourrait être vendu sans problème à 20 €. Si ce n'est qu'il est vendu 9 €. Eh oui, c'est déjà Noël ! 







jeudi 3 octobre 2019

Un Ritual qu'on se ferait bien au quotidien


Il n'y a pas que les voies de Dieu qui sont impénétrables. Celles du pinot noir chilien aussi. Ce Ritual 2016 provient d'un domaine appartenant à la même société que le Veramonte dont je vous ai parlé en juillet dernier, avec (forcément) le même discours bio/écologiste. Mais nous l'avons trouvé par un autre canal de distribution. Il est sensiblement plus cher que le Veramonte, mais ce sont 4 € bien dépensés, car on est vraiment un cran au-dessus – voire plus – en terme de plaisir et de complexité. Ce Ritual jette carrément  une (jolie) pierre dans le jardinet des producteurs bourguignons. Pas certain  qu'ils proposent un pinot de ce niveau autour des 15 €. M'est avis qu'il faut plutôt dépenser 30 ou 40 €... Vous êtes libres de me démontrer le contraire en m'envoyant un échantillon ;-)

La robe est rubis translucide. 

Le nez est fin , sobrement classieux, sur la cerise, le tabac hollandais, le pain grillé, la fumée,  les épices, et la terre fraîchement retournée (ça pinote, quoi). 

La bouche est ronde, très ample, déployant avec élégance une matière finement charnue, caressante, exprimant un fruit pur et frais, subtilement épicé. L'équilibre est vraiment, avec un fond qui n'a rien à envier à la forme – il y a de la présence, de la profondeur ... une âme, quoi. 

Le tout s'achève sur une mâche irrésistiblement gourmande, alliant niaque et fruité pétulant (framboise fraîche, griotte),  et ce pétrichor dont on n'arrive pas à se lasser. Que c'est booooonnn !!!! 




mercredi 2 octobre 2019

Duo d'altesses ou ... Game of Thrones !


Dans le mode "je vous raconte tout", notre préparateur est en arrêt maladie (pour une raison non liée à son travail). Je passe donc mes journées à m'occuper de vos commandes. Ça me rappelle l'époque pionnière de 2012-2014. Et l'une de ces commandes comprenait pas moins de quatre cuvées d'Altesse différentes, complétées par d'autres vins iséro-savoyards. Cela m' a donné l'idée de ce match du jour, et je ne le regrette pas. Car on découvre des facettes très différentes de ce cépage (et je dirais que celle de Peillot en est une sorte de majestueuse synthèse).


Altesse 2016 Gonin (13.50 €)

La robe est d'un beau doré brillant. 

Le nez évoque la pomme tapée, le coing confit et l'encaustique (on dirait un chenin un peu évolué). 

La bouche est élancée, tendue par une acidité traçante qui se poursuit au-delà même de la finale. Elle est enrobée d'une matière dense et mûre, presque moelleuse, qui fait un joli contrepoint. Là encore, l'aromatique fruits blancs bien mûrs avec une dominante coing et épices vous emmène en Loire – et ce n'est pas l'acidité très chenin style qui va vous détromper).  

En finale, donc, on retrouve l'acidité qui poursuit son bonhomme de chemin, complétée par une amertume qui fait également penser au chenin, sur une aromatique de coing confit et de confiture de mirabelle, sans qu'il y ait la moindre sensation de sucre. On est même plutôt sur le salin ++. L'équilibre est superbe et on en redemande !



La robe est jaune pâle aux reflets argentés. 

Le nez est gourmand et expressif, sur la poire au sirop, la pomme au four, et le pain d'épices qui va avec. 

La bouche est ronde, éclatante de fraîcheur, avec une matière à la fois mûre et désaltérante, d'une belle digestibilité. Un  toucher finement granuleux  – évoquant la chair de certaines poires – laisse  penser  qu'on n'a pas affaire qu'à un vin glouglou, mais qu'il y a du fond (et une certaine garde). Avec le réchauffement, un léger perlant apparaît,  apportant un supplément de fraîcheur et de vivacité. 

Le "granuleux" se transforme en mâche crayeuse en finale, avec le retour gourmand de la poire et de la pomme, et une belle persistance sur les notes salines/crayeuses/épicées.