jeudi 17 juin 2021

Voyage en Andal'oxy


Pour vous refaire la petite histoire, j'avais découvert les Montilla Moriles de la Bodega Robles en janvier 2019 à Millésime Bio. Je les avais beaucoup appréciés et avait incité Eric R à les référencer. Cela ne s'est fait finalement que deux ans plus tard sous la forme d'une vente privée qui a cartonné – preuve qu'il existait une attente pour ces vins-là, ce dont je ne doutais pas vraiment. Entre temps, je n'avais eu l'occasion de les regoûter, mais je ne me faisais pas trop de souci, l'effet millésime étant très faible sur ces vins oxydatifs.

Et puis hier, envisageant d'en servir à une dégustation qui aura lieu la semaine prochaine – dans un vrai restaurant avec des vrais gens – je me suis dit que ce serait bien que je goûte le trio Fino / Oloroso / Amontillado … et,  tant qu'à faire, que je  vous donne mes impressions. 

Je vous explique les différences entre les trois cuvées, et la numérotation qui va avec.

Le Fino 2/0 a été élevé deux ans sous un voile de levure (la flor comme ils disent là-bas). Ce dernier protège d'une oxydation forte qui ferait virer la robe vers l'acajou. Mais on est tout de même loin d'un blanc classique. C'est ce que l'on appelle en France une oxydation ménagée, comme cela se pratique dans le Jura. Elle apporte des arômes de noix, de curry... et une robe ... jaune. 
 
L'Oloroso 0/6 n'a pas eu la flor pour le protéger. Il a donc viré vers l'acajou et présente une aromatique totalement différente, plus proche des madères ou  des rivesaltes ambrés : pralin, toffee, café... 

L'Amontillado 5/3 a d'abord passé cinq ans sous voile, puis trois autres années en fût sans protection de la flor.  Sa couleur est intermédiaire, mais surtout, il développe une grande complexité aromatique qui n'a rien à voir avec les deux vins précédents. 

Dans les trois cas, le rapport qualité/prix est hallucinant. Pour avoir l'équivalent en France, il faudrait payer 2-3 fois plus cher, sans être sûr d'avoir le même niveau de qualité. 

Bajoflor Fino 2/0 (10.50 €)

La robe est jaune d'or, brillante.

Le nez est expressif et aérien, sur la noix et l'amande grillées, le pain de campagne sortant du four, le fenugrec et les épices orientales. 

La bouche est ronde, ample, très aérienne, déployant une matière toute douce, caressante, plus gazeuse que liquide, vous immergeant totalement – sans la moindre agressivité – dans une aromatique oxydative : noix, café au lait, curry... L'équilibre est d'une justesse irréelle. 

La finale prolonge la bouche en réussissant à préserver la "magie du jaune", intensifiant juste les sensations, avec une persistance sur la liqueur de noix (sans le sucre), le curry et le gouda affiné au fenugrec. 


Oloroso 0/6 (13.90 €)

La robe est acajou sombre, translucide. 

Le nez est profond, sur le pralin, le café noir, le toffee et le caramel brun. 

La bouche est à la fois ample et élancée, avec une matière douce, soyeuse, très intense aromatiquement qui vous emplit le palais, et une tension qui s'appuie sur une acidité traçante enrobée d'une texture séveuse, concentrée. 

C'est cette dernière que l'on retrouve en finale avec un surcroît de peps et de fraîcheur, et une intensité aromatique qui monte de plusieurs crans, sur les notes déjà perçues au nez : fruits secs, café noir, toffee, caramel brun... 


Amontillado 5/3 (13.90 €)

La robe est ambrée, translucide

Le nez intense évoque la liqueur de noisette, le pain d'épices, le capuccino...

La bouche est longiligne, avec une matière dense, mûre, moelleuse, qui trace sans avoir une trame acide perceptible. C'est d'une intensité aromatique de dingue – sur une palette qui va de l'oxydatif ménagé à l'oxydatif tout court  –  tout en réussissant à ne pas être oppressant. 

La finale continue à tracer, d'abord sans la moindre modification, puis se concentre et s'intensifie, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un petit point qui devient le centre du monde. C'est le big bang à l'envers, avant de nous refaire une explosion dans l'autre sens qui vous remet tout en place, l'émotion en plus. Bouleversifiant. 

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